Trump/Netanyahou; Quand les sourires masquent les enjeux
Trois mois après leur précédent entretien, Binyamin Netanyahou et Donald Trump se sont retrouvés en Floride, loin du protocole de Washington, dans la résidence de Mar-a-Lago. Cette sixième rencontre depuis le retour de Trump au pouvoir, début 2025, avait une portée stratégique claire : dresser un cadre commun sur l’ensemble des dossiers sensibles du Proche-Orient. Pour le Premier ministre israélien, l’objectif était autant diplomatique que symbolique : repartir avec des engagements précis et une image d’alignement total entre Jérusalem et Washington.
Dès les premières discussions, le dossier de Gaza s’est imposé. Le président américain a insisté sur la nécessité d’accélérer la transition vers la deuxième phase du cessez-le-feu avec le Hamas. Son message est resté constant : aucune stabilisation durable ne sera possible sans le désarmement de l’organisation islamiste. Trump a évoqué un « court délai » laissé au Hamas pour s’exécuter, sans toutefois fixer de calendrier détaillé. Cette absence de cadre temporel nourrit des interrogations à Jérusalem, notamment sur le sort des derniers otages israéliens, dont celui de Ran Gvili. Si le président américain a assuré aux proches qu’il ferait tout pour « le ramener », il n’a pas conditionné explicitement l’avancée politique à cette question, ce qui alimente une prudence israélienne persistante.
L’un des moments les plus commentés de la soirée a concerné la Turquie. Donald Trump a évoqué la possibilité d’une implication turque dans une force de stabilisation à Gaza, estimant qu’Ankara pourrait jouer un rôle opérationnel. Une hypothèse délicate, compte tenu des relations tendues entre Israël et le président turc Recep Tayyip Erdogan. Trump, minimisant les tensions, a assuré que les deux dirigeants sauraient coopérer si nécessaire, allant jusqu’à mentionner une possible relance de ventes d’avions de combat à la Turquie. À Jérusalem, cette perspective est perçue avec réserve, tant l’hostilité verbale d’Ankara envers Israël reste marquée.
Sur l’Iran, le président américain a adopté une ligne mêlant fermeté militaire et ouverture conditionnelle. Il a affirmé disposer d’informations sur une tentative iranienne de relancer ses programmes balistiques et nucléaires après de récentes frappes américaines. La réponse annoncée est sans ambiguïté : toute reprise significative entraînerait une réaction immédiate. Dans le même temps, Trump a laissé entendre qu’une voie diplomatique restait possible si Téhéran acceptait de négocier sérieusement. Les autorités iraniennes, proches du guide suprême Ali Khamenei, ont aussitôt répliqué par des menaces, promettant une réponse « au-delà de l’imaginable » à toute nouvelle attaque.
Les dossiers syrien et libanais ont été abordés avec davantage de pragmatisme. Concernant la Syrie, Trump a exprimé son soutien au nouveau dirigeant Ahmed al-Sharaa, estimant qu’une autorité forte était indispensable à la stabilisation du pays. Netanyahou a rappelé l’objectif israélien : garantir une frontière nord sécurisée, sans présence de groupes terroristes. Sur le Liban, le président américain s’est montré plus prudent, soulignant la fragilité du gouvernement face au Hezbollah sans annoncer de stratégie immédiate.
La rencontre a aussi été marquée par des gestes symboliques. Israël a décidé d’attribuer à Donald Trump le Prix d’Israël, une distinction rarement accordée à un dirigeant étranger. En revanche, une séquence plus délicate a émergé autour d’une supposée discussion sur une grâce présidentielle en faveur de Netanyahou, rapidement démentie par la présidence israélienne.
Malgré l’image d’entente parfaite affichée à Mar-a-Lago, seul l’avenir permettra de mesurer ce que Donald Trump a réellement concédé à Israël. Derrière les sourires et les déclarations chaleureuses, plusieurs faits structurants demeurent. Le président américain entend poursuivre une politique active de ventes d’armes, notamment vers les États du Golfe et, en partie, vers la Turquie, au risque de modifier durablement les équilibres militaires régionaux. Dans ce contexte, le rapprochement stratégique entre Ankara et l’Égypte n’est pas perçu comme un signal rassurant pour Jérusalem, tant ces alliances peuvent réduire les marges de manœuvre israéliennes.
Par ailleurs, le dossier iranien reste une source majeure d’incertitude. L’Iran poursuit son réarmement et, selon plusieurs évaluations sécuritaires, développerait également des capacités dans les domaines chimique et bactériologique. Une telle évolution compliquerait considérablement la capacité d’Israël à envisager de nouvelles frappes directes sans provoquer une escalade régionale incontrôlable. Enfin, la guerre à Gaza a profondément rebattu les cartes au Proche-Orient. Elle a mis en lumière un président américain davantage guidé par ses intérêts stratégiques et économiques, notamment liés aux exportations d’armement, que par un alignement automatique sur les priorités israéliennes. Dans ce nouvel environnement, l’alliance reste solide en apparence, mais son contenu réel devra être jugé à l’épreuve des faits.
Jforum.fr
Similaire
La rédaction de JForum, retirera d’office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.
La source de cet article se trouve sur ce site

