« Ne vous agitez pas pendant le voyage » (Béréchit 45,24).
Nos ouvrages sacrés rapportent une magnifique parabole qui s’adresse à chacun d’entre nous, sur la manière de réagir lorsqu’on entend des propos de Moussar (éthique juive) : dans une petite localité se trouvaient deux synagogues, l’une réservée aux riches et la seconde, aux pauvres. Les pauvres jalousaient les riches qui se réjouissaient le jour de Sim’hath Tora d’une joie immense. Lorsqu’on les interrogea à ce sujet, on découvrit qu’avant les Hakafoth, les hommes aisés avaient l’usage de préparer un Kiddouch et de consommer un peu de boissons enivrantes. La boisson les réjouissait et les entraînait à se réjouir intensément dans la Tora.
Les pauvres se réunirent pour discuter de la possibilité d’obtenir également des boissons alcoolisées, dont le coût était élevé. L’un des Gabbaïm suggéra de déposer dans un coin de la synagogue un tonneau vide, et chaque Chabbath, lorsque les fidèles venaient prier Min’ha, chaque homme apporterait un petit verre de boisson alcoolisée qui lui restait du repas du midi, qu’il verserait dans le tonneau. Au fil de l’année, le tonneau se remplirait et à Sim’hath Tora, tout le monde se servirait, et la joie serait grande. L’idée fut acceptée et chaque Chabbath, chaque fidèle apporta à la synagogue un petit verre, qu’il versait dans le tonneau.
Lorsque le Gabbaï s’aperçut que son idée avait été acceptée, il se dit : « Comme c’est moi qui ai suggéré l’idée, cela suffit, et cela me dispense d’apporter la boisson. » Mais pour ne pas se retrancher du public, il remplissait à chaque fois son verre d’eau, qu’il versait dans le tonneau. Il se disait qu’il ne gâcherait pas l’opération en apportant de l’eau, tandis que les autres apportaient de l’alcool. Il ne dévoila son secret à personne, et agit de cette façon pendant tous les Chabbatoth de l’année.
Le jour de Sim’hath Tora, à l’issue de la prière de Cha’harith, tous les fidèles observèrent le tonneau, et se dirent : « Voilà, chez nous aussi aujourd’hui, ce sera joyeux ! » Mais quelle fut leur déception en constatant que le tonneau était rempli d’eau ! Il s’était avéré que le Gabbaï n’avait pas été le seul à avoir eu cette idée, en se disant : « Il n’y aura pas de problème si moi seul n’apporte pas de boisson alcoolisée », tout le monde avait eu le même raisonnement et avait apporté, au lieu de l’alcool, de l’eau.
La leçon est la suivante : lorsque des hommes se rassemblent pour se renforcer et s’élever, et entendent des propos de morale et de réprimande, nombreux sont ceux à penser que les propos adressés au public sont destinés à telle ou telle personne. Ils observent les auditeurs autour d’eux et se disent : si seulement untel pouvait comprendre que ces propos lui sont destinés. De plus, ils regrettent qu’une partie du public soit absente au rassemblement. Il est en effet essentiel pour eux d’entendre ce discours, se disent-ils. Ils ne pensent pas à eux, car ils estiment que ces propos ne leur sont pas adressés.
D’après cette parabole, les auteurs des ouvrages sacrés interprètent ces louanges récitées lors de la Sim’hath Beth Hachoéva (fête de puisage de l’eau) : « Si je suis présent, tout est présent (Soucca 53a). Il semblerait que ces propos reflètent de l’orgueil et il ne convient pas de faire l’éloge d’un homme connu pour ses fautes. Mais l’intention de l’éloge était que, si l’on participe à cette occasion joyeuse pour se renforcer, chacun d’entre nous doit dire : « Si je suis présent, tout est là », en d’autres termes, chacun doit s’assurer d’être bien présent et d’accepter les propos adressés et de se fortifier. C’est uniquement de cette façon que le renforcement sera effectif pour tous, mais en revanche, si tout le monde pense aux autres, l’effet du renforcement ne se fera pas sentir.
Celui qui cherche les défauts chez les autres et non chez lui, se dupe lui-même. À ce sujet, rabbi Sim’ha Bounam de Psishi’ha zatsal a dit : « Il est écrit dans la Tora (Vayikra 25,14) : ‘Ne vous lésez pas l’un l’autre’, du point de vue de la loi, il est interdit de tromper autrui, mais un ‘Hassid qui va au-delà de la loi n’a pas le droit de se tromper lui-même.
De même, nos Sages affirment (Kidouchin 70a) : « Toute personne qui disqualifie les autres – se disqualifie lui-même. » Celui qui a toujours des suspicions sur les autres et les disqualifie en estimant qu’ils sont dotés d’un défaut spirituel, comme l’orgueil, etc., c’est le signe qu’il est lui-même doté de ce défaut, et en conséquence, juge que les autres en sont aussi dotés.
Il est dit dans la Michna (Negayim 2,5) : « L’homme voit tous les défauts des autres, à l’exception des siens. » Le Ba’al Chem Tov, que son mérite nous protège, affirme que tous les défauts repérés par l’homme chez les autres, ont pour origine ses propres défauts.
Mon vénérable ancêtre, rabbi Its’hak Eizik, que son mérite nous protège, commente à ce sujet que le Metsora’ (lépreux) est nommé ainsi, car il est « Motsi ra’ », c’est-à-dire qu’il profère de la médisance. Un tel homme découvre le mal qui se trouve en lui, en prétendant que les autres sont dotés de ce même mal.
Dans cette perspective, nous comprenons bien l’épisode de notre paracha avec Yossef Hatsadik. Après s’être dévoilé à ses frères, ces derniers se rendirent compte de sa grande vertu et comprirent qu’il avait été persécuté injustement. Yossef craignit que sur le chemin du retour, ils se disputent et se querellent au sujet de sa vente, et que chacun dise à l’autre : « Il a été vendu par ta faute, car tu as médit de lui et tu nous l’as fait prendre en haine », comme l’indique Rachi.
C’est pourquoi il leur dit : « Ne vous agitez pas pendant le voyage » : chacun d’entre vous ne cherchera pas à accuser l’autre, ce qui vous empêcherait de réaliser votre Tikoun. Que chacun d’entre eux se souvienne qu’il a fait partie de ceux qui ont accepté et proféré de la médisance, et ainsi, chacun intégrera la leçon afin de s’améliorer à compter de maintenant.
Chabbath Chalom !
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