L’Égypte et la Turquie avancent de concert

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Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, et son homologue égyptien, Badr Abdelatty

L’Égypte et la Turquie avancent de concert

Au lendemain de la guerre israélo-palestinienne, les équilibres régionaux au Moyen-Orient connaissent une recomposition discrète mais profonde. Tandis que les relations entre Washington et Jérusalem se tendent sur plusieurs dossiers stratégiques, l’Égypte et la Turquie accélèrent leur rapprochement, donnant naissance à une coordination politique, militaire et sécuritaire qui n’existait plus depuis plus d’une décennie.

Cette évolution est devenue plus visible à mesure que les États-Unis et Israël divergent dans leur lecture du rôle régional d’Ankara. Pour Washington, la Turquie demeure un acteur incontournable, capable d’influencer plusieurs théâtres clés, de Gaza à la Méditerranée orientale. Pour Jérusalem, en revanche, Ankara est perçue avec une méfiance persistante, voire comme un facteur d’instabilité qu’il convient d’écarter des dispositifs de sécurité liés à l’après-guerre.

Le calendrier diplomatique illustre cette divergence. L’envoyé américain Steve Witkoff a récemment préparé des rencontres avec des responsables égyptiens, turcs et qataris afin d’aborder les prochaines étapes concernant Gaza. Cette inclusion d’Ankara reflète l’approche pragmatique de Washington, qui cherche à élargir le cercle des partenaires régionaux impliqués dans la mise en œuvre du cessez-le-feu et dans les arrangements post-conflit. Israël, de son côté, s’efforce de limiter cette participation, craignant une dilution de son contrôle sécuritaire.

Sur le terrain, le rapprochement entre Le Caire et Ankara s’est concrétisé de manière spectaculaire. Fin septembre, les deux pays ont mené des exercices navals conjoints en Méditerranée orientale, leur coopération militaire la plus visible depuis plus de dix ans. Ces manœuvres, impliquant des hauts commandants des deux marines, ont marqué une rupture nette avec les années de gel consécutives à la crise politique de 2013. Officiellement, il s’agissait d’améliorer l’interopérabilité et la coordination opérationnelle en mer.

À Washington, ces exercices ont été perçus comme une normalisation bilatérale logique entre deux partenaires régionaux. À Jérusalem, la lecture est différente : cette coopération est vue comme le passage d’un simple dégel diplomatique à une coordination opérationnelle, à un moment où la situation à Gaza reste fragile. Cette inquiétude explique en partie l’intensification des consultations israéliennes avec Athènes et Nicosie.

Ainsi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu doit rencontrer à Jérusalem le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis et le président chypriote Nikos Christodoulides. Ces échanges s’inscrivent dans un cadre plus large de coordination trilatérale, alors que des discussions portent sur la possible création d’une force conjointe d’intervention rapide en Méditerranée orientale, reflet des préoccupations croissantes face à la présence militaire turque.

Le dégel égypto-turc ne se limite toutefois pas au domaine militaire. Des mécanismes diplomatiques ont été mis en place pour institutionnaliser la coopération. En novembre, les ministres des Affaires étrangères des deux pays se sont rencontrés à Ankara afin de lancer un cadre de planification conjoint couvrant les dimensions politique, sécuritaire et régionale. L’objectif est clair : transformer des contacts ponctuels en une coordination durable.

Gaza constitue aujourd’hui le principal terrain d’application de cette dynamique. Alors que les discussions dépassent les pauses humanitaires pour aborder des arrangements à long terme, les questions de gouvernance, de contrôle des frontières, de reconstruction et de sécurité internationale restent ouvertes. Les États-Unis privilégient une approche inclusive, tandis qu’Israël adopte une position plus restrictive, notamment face à toute force internationale susceptible d’inclure la Turquie.

Pour Le Caire, ce rapprochement est présenté comme une démarche pragmatique, fondée sur la convergence d’intérêts régionaux plutôt que sur une remise en cause des engagements existants. Pour Ankara, il s’inscrit dans une évolution plus large vers une politique étrangère moins idéologique et plus transactionnelle. Pris ensemble, ces mouvements suggèrent que le Moyen-Orient d’après-guerre pourrait entrer dans une phase où les acteurs régionaux disposent d’une marge de manœuvre accrue, dans un contexte de gestion américaine plus diffuse.

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