Des ouvrages racistes, antisémites et même des ouvrages interdits par la loi : nos confrères de Libération ont écumé les plateformes de vente en ligne, et trouvé des livres au contenu inquiétant et parfois même illicite sur Cultura, la Fnac ou encore Amazon. Mais rappeler à l’ordre ces géants du commerce en ligne suffira-t-il pour empêcher les amateurs et amatrices de haine de se procurer ces ouvrages ? Pas sûr, car une pléthore de sites les propose sans débourser un euro.
« On peut se faire une parfaite bibliothèque de néonazi gratuitement en trois clics », explique Jean-Yves Camus, chercheur spécialiste de l’extrême droite. Prenons par exemple L’Ordre SS – Ethique et idéologie, d’Edwige Thibaut, interdit en 1992 par les autorités, qui avaient estimé que la publication était « de nature à causer des dangers pour l’ordre public en raison de l’apologie du nazisme, du racisme et de l’antisémitisme » que faisait le document. Une simple recherche Google nous affiche l’ouvrage en premier résultat de page, en intégralité.
Un livre qui a inspiré des terroristes aux Etats-Unis
Parmi les diverses boutiques en ligne qui proposent gratuitement ce type de contenus, l’une se démarque par sa concentration d’horreurs. Il s’agit du site b****. com*, qui affiche d’entrée de jeu sur sa page d’accueil un ouvrage d’Hermann Göring, ministre de l’Aviation du Reich, ou encore un autre de Marcus Eli Ravage, A Real Case Against the Jews (Un vrai procès contre les Juifs), qui a servi au ministère de la propagande nazie pour propager sa haine antisémite. Un clic plus loin, on trouve le manifeste d’Anders Breivik, terroriste norvégien qui a tué près de 80 personnes en 2011, et par ailleurs ultranationaliste raciste et antimusulman.
Une recherche plus précise fait ressortir la présence de nombreux ouvrages interdits en France : celui d’Edwige Thibaut ; mais aussi le « rapport » de Rudolf Germar sur les chambres à gaz, interdit en 1997 à cause des thèses négationnistes qu’il développait. Les ouvrages d’autres auteurs condamnés sont par ailleurs hébergés sur le site, comme ceux de Robert Faurisson ou de William Luther Pierce, qui aurait inspiré plusieurs terroristes américains d’extrême droite avec ses Carnets de Turner, bloqués dans l’Hexagone dès 1999.
Contrôles insuffisants
Mais que peut faire le ministère de l’Intérieur contre un site Internet qui n’affiche pas de mentions légales, et masque une partie de ses données ? D’après Etienne Deshoulières, avocat en droit du numérique, l’Etat peut s’il le souhaite assigner l’hébergeur du site et l’entreprise qui octroie le nom de domaine. Si ces méthodes échouent, il reste encore possible pour les autorités d’assigner en justice tous les fournisseurs d’accès à Internet et de les enjoindre de ne pas diffuser les signaux en provenance de ce site, de telle sorte que les internautes n’y aient plus accès. Le ministère, qui a décidé de faire un signalement à la justice après l’article de Libération, n’avait pas encore réagi aux informations de 20 Minutes au moment de la publication de cet article.
S’il est très difficile d’évaluer l’audience réelle en France de ces ouvrages, il est en revanche certain que leur diffusion est aujourd’hui facilitée, estime Marc Knobel, historien et auteur du livre Cyberhaine. Propagande et antisémitisme sur Internet (éditions Hermann, 2021) : « L’espace de diffusion s’est largement ouvert. »
L’ex vice-président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) dénonce par ailleurs l’absence ou l’insuffisance du contrôle exercé sur les sites Internet et plateformes : « C’est vraiment gravissime qu’on puisse trouver les Cahiers de Turner en ligne. Si des personnes mal intentionnées ou peu saines d’esprit finissent par avoir cet ouvrage dans les mains, cela peut avoir des conséquences très graves. »
*Nous avons fait le choix de ne pas donner le nom de ce site Internet.
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