Des livres aux préjugés: comment la London Review of Books a perdu son objectivité vis-à-vis d’Israël
Rinat Harash
La London Review of Books publie régulièrement des essais qui présentent Israël comme un État particulièrement illégitime, privilégiant les récits militants au détriment d’une analyse littéraire ou historique équilibrée.
Sa ligne éditoriale amplifie les voix qui contextualisent ou justifient la violence palestinienne tout en omettant les travaux de recherche sérieux sur le terrorisme arabe, le rôle des Palestiniens et les dynamiques internes.
Parce que la LRB façonne le discours des élites universitaires, médiatiques et politiques, ce déséquilibre restreint la compréhension du conflit et transforme une revue littéraire en une chambre d’écho politique.
Pendant des décennies, la London Review of Books a cultivé sa réputation de revue littéraire parmi les plus sérieuses au monde : un lieu d’analyse approfondie, de débats intellectuels et d’une réflexion rigoureuse sur l’histoire et les idées qui façonnent le discours international. Mais concernant Israël, la LRB a progressivement cessé de remplir sa fonction de revue littéraire. Elle est devenue une tribune politique qui amplifie systématiquement le point de vue d’un camp dans un conflit extrêmement controversé, tout en marginalisant, voire en ignorant, l’autre.
Le schéma est on ne peut plus clair. Il transparaît dans les choix de publication de la LRB, sa ligne éditoriale, les types d’articles qu’elle privilégie et ceux qu’elle exclut.
Avant le cessez-le-feu à Gaza, la revue a publié « Gaza assiégée », un essai de Tareq Baconi, analyste principal à l’International Crisis Group et figure de proue du mouvement pro-palestinien. Les essais de Baconi présentent systématiquement Israël comme un agresseur colonial et interprètent la violence palestinienne comme un acte de résistance. Les lecteurs ont rarement accès à des analyses alternatives ou à des travaux de chercheurs qui remettent en question ce récit.
Le problème n’est pas la publication de Baconi, mais la récurrence de voix comme la sienne, tandis que les points de vue alternatifs sont largement absents. Ce déséquilibre est renforcé par la direction éditoriale même de la revue. Adam Shatz, rédacteur en chef américain de la London Review of Books, en est un autre exemple frappant.
Shatz a utilisé sa tribune pour présenter Israël sous un jour résolument dénigrant. Dans son essai intitulé « La descente d’Israël », paru en juin 2024 dans la revue LRB, il affirmait que le retrait israélien de Gaza en 2005 avait permis à l’armée de l’air israélienne de bombarder Gaza à sa guise et décrivait le traitement infligé aux Palestiniens par Israël comme un pillage, une privation de leurs droits civiques, une ghettoïsation, un nettoyage ethnique et une déshumanisation raciste.
Dans un essai ultérieur publié dans LRB en juillet 2025, intitulé « Le monde depuis le 7 octobre », Shatz a écrit que la guerre d’Israël contre l’Iran visait à faire d’Israël « le maître de la région », et a ajouté qu’Israël « semble poursuivre un plan à long terme pour affaiblir, voire rendre sans défense, les autres États de la région, afin qu’aucun ne soit en mesure de le contester ».
Avec une telle ligne éditoriale, la London Review of Books ne se contente plus de critiquer des livres ou de publier des essais sur la région, mais promeut activement un récit politique singulier.

L’année dernière, le magazine a publié un article intitulé « La Shoah après Gaza », de l’auteur indien Pankaj Mishra. Ce dernier pose des questions telles que : « Comment les médias politiques et journalistiques occidentaux dominants peuvent -ils ignorer, voire justifier, les cruautés et les injustices manifestement systématiques commises par Israël ? »
On y trouve également des affirmations telles que : « La liquidation de Gaza… est quotidiennement occultée, voire niée, par les instruments de l’hégémonie militaire et culturelle de l’Occident », notamment « des médias prestigieux qui utilisent la voix passive pour relater les massacres perpétrés à Gaza ».
Un autre paragraphe dit : « Pourquoi les politiciens et les journalistes occidentaux n’ont -ils cessé de présenter des dizaines de milliers de Palestiniens morts et mutilés comme des dommages collatéraux, dans une guerre d’autodéfense imposée à ce que prétend être l’armée la plus morale du monde ? »
Et il y a aussi, comme le titre le suggère, une intégration forcée et inévitable de l’Holocauste : « Une affiliation résolue à la Shoah a également marqué et amoindri une grande partie du journalisme américain sur Israël. »
Tout en tenant compte de ce qui précède, les lecteurs de la revue doivent s’interroger sur ce que la LRB ne publie pas. Ces dernières années, elle a manifesté peu d’intérêt pour les travaux de recherche récents et sérieux portant sur le rejet arabe, la violence politique palestinienne ou la dynamique interne de la société palestinienne. On note notamment l’absence d’une analyse approfondie de l’ouvrage d’Oren Kessler, Palestine 1936 , une œuvre historique majeure qui examine la révolte arabe contre la domination britannique et l’immigration juive – un moment fondateur qui a façonné le conflit bien avant la création d’Israël.
L’ouvrage de Kessler nuance la vision simpliste et moralisatrice qui imprègne souvent le discours contemporain. Il met en lumière les divisions internes palestiniennes, les violences perpétrées contre d’autres Arabes et les choix stratégiques aux conséquences durables. Le fait qu’un tel ouvrage soit resté sans critique dans une publication qui se targue d’une analyse historique approfondie est révélateur.
Ce déséquilibre est important car la LRB n’est pas un média marginal. Elle est largement lue par les universitaires, les écrivains et les décideurs politiques. L’article de Mishra, par exemple, a été partagé sur les réseaux sociaux par Simon Robinson , rédacteur en chef de Reuters. Les longs essais de la LRB façonnent l’opinion des élites.
Lorsqu’une publication influente présente systématiquement Israël comme le seul État illégitime, tout en minimisant ou en omettant le rôle, la responsabilité et le terrorisme palestiniens, elle ne se contente pas d’exprimer un point de vue; elle restreint le champ intellectuel permettant de comprendre ce conflit.
Une revue littéraire n’est pas tenue à la neutralité. Mais elle se doit d’être intellectuellement honnête. Lorsqu’une revue donne systématiquement la parole à un groupe d’activistes et de récits et ignore les travaux de recherche sérieux qui nuancent son point de vue, elle franchit une limite.
Le résultat n’est pas une critique rigoureuse d’Israël. C’est quelque chose de bien moins littéraire: une chambre d’écho politique qui se pare du prestige de la culture du livre.
Rinat Harash, docteure en philosophie, est une professionnelle chevronnée des médias, forte de quinze années d’expérience chez Reuters en tant que journaliste, monteuse vidéo et productrice, couvrant Israël et les territoires palestiniens. Elle est également l’auteure de « Apollon, Dionysos et le Surhomme au Sinaï : une tentative d’analyse nietzschéenne », une étude novatrice qui fusionne la pensée juive et le domaine de l’esthétique.
Jforum.fr avec HonestReporting
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Le comble.Adam.Shatz est juif