Lituanie : « Bon voyage et surtout, évitez les ballons »… L’aéroport de Vilnius troublé par la contrebande biélorusse

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De notre envoyée spéciale à Vilnius (Lituanie),

En quittant le restaurant de grillades de Vilnius, Arūnas Gelūnas enfile son manteau et nous lance dans un sourire : « Bon voyage et surtout, évitez les ballons ! » Ce conseil, que le directeur du Musée national d’art de Lituanie accompagne d’un geste de la main mimant un avion qui louvoie entre les obstacles, les Lituaniens le connaissent bien. Samedi dernier, l’aéroport de Vilnius a de nouveau été fermé et ses activités suspendues à cause de ballons suspects, en provenance de la Biélorussie. Mardi, la Première ministre Inga Ruginiene a décrété une « situation d’urgence », qui facilite la participation des militaires aux opérations en cours à la frontière.

Si des drones suspects sont parfois à l’origine de ces incidents, l’immense majorité est imputable à des « ballons » de contrebande qui transportent des cigarettes (deux à trois fois moins chères qu’en Lituanie). Vilnius estime que ces objets, qui peuvent atteindre 10 kilomètres d’altitude, sont délibérément envoyés sur les trajectoires de vol de l’aéroport de Vilnius dans le cadre « d’attaques hybrides » de cet allié de la Russie, ce qui représente un danger pour les avions en phase d’atterrissage ou de décollage. Résultat : « Entre octobre et novembre 2025, les fermetures temporaires de l’espace aérien de l’aéroport de Vilnius ont affecté environ 50.000 passagers et quelque 350 vols », résume Tadas Vasiliauskas, porte-parole des Aéroports lituaniens (LTOU).

« Je n’ai pas pu assister à ma conférence »

Derrière le stand du Ritazza, qui vend sandwichs et boissons à l’aéroport de Vilnius, Neringa sourit à l’évocation de ce problème récurrent. « Je travaille ici depuis seulement six mois mais, oui, j’en ai vu des soucis liés aux ballons. La première chose que l’on voit, ce sont les affichages des avions qui clignotent en orange et annoncent les retards, puis, parfois les annulations. En général, on nous demande de travailler plus pour continuer à fournir un service aux clients mécontents. »

Erika fait justement partie de ces voyageurs malheureux. Alors qu’elle revenait de Varsovie, fin octobre, son vol « a été reporté au lendemain en milieu de journée. L’aéroport polonais a très bien communiqué et nous avons obtenu une nuit d’hôtel mais, évidemment, je n’ai pas pu assister à ma conférence le lendemain car j’étais toujours en transit », se souvient-elle. A force d’incidents, les voyageurs les plus chevronnés se sont toutefois organisés. « Maintenant, c’est rigolo, on a un site Web consacré à ça, s’exclame Neringa en plissant son nez percé d’un anneau argenté. Il nous permet de savoir quel niveau de risque il y a en fonction de la météo. »

L’algorithme des vents

Le « facteur déterminant » dépend du vent, nous confirme le porte-parole des Aéroports lituaniens, alors que l’aéroport de Vilnius ne se trouve qu’à quelque 30 kilomètres de la frontière biélorusse. Conscient de cet aspect du problème, Vitalij, à l’origine du site No Balloons, a écrit « un programme afin de collecter automatiquement ces données et déterminer la probabilité que les vents soient favorables à une trajectoire poussant les ballons vers l’aéroport de Vilnius. »

Image du site No Balloons montrant la probabilité très élevée que des ballons de contrebande biélorusses atteignent l'aéroport de Vilnius s'ils sont lancés, samedi 6 décembre 2025.
Image du site No Balloons montrant la probabilité très élevée que des ballons de contrebande biélorusses atteignent l’aéroport de Vilnius s’ils sont lancés, samedi 6 décembre 2025.  - Noballoons.lt

Cette formule, qu’il teste plusieurs fois, s’avère si efficace qu’elle lui permet « ainsi qu’à plusieurs de ses amis » d’éviter des vols qui sont finalement annulés à cause des ballons. Le site, lancé début décembre, a déjà reçu plus de 200.000 visites. « Un nombre énorme, compte tenu de la population lituanienne » de moins de 3 millions d’habitants, se félicite Vitalij.

Le « risque » d’un vol tardif

Forts de leur site prévisionnel et d’une bonne dose de bon sens, les voyageurs lituaniens se sont adaptés. Passé les contrôles, ils sont introuvables dans les couloirs de l’aéroport de Vilnius lundi soir. « C’est particulièrement un risque le soir », nous explique Erika qui se souvient avoir hésité à troquer son vol annulé fin octobre pour un similaire, en milieu de journée. « C’était vraiment hors de prix, donc j’ai décidé de prendre le risque. Mais désormais, je prends vraiment des vols en milieu de journée si possible et je regarde aussi mes options à l’aéroport de Kaunas [à une centaine de kilomètres à l’est de Vilnius], c’est moins risqué. »

Le vent, plus prévisible le soir ou à l’aube, permet aux ballons de dériver plus longtemps, jusqu’à atteindre et perturber l’aéroport. De plus, les ballons sont plus discrets à la faveur de l’obscurité, ce qui leur permet (parfois) de passer entre les mailles des autorités lituaniennes. A force de travail et d’habitude, ces dernières ont toutefois musclé leur réponse, mettant notamment en place un équipement antidrone si efficace que les contrebandiers se sont « tournés vers de nouvelles méthodes, ces ballons », explique Lina Laurinaitytė, porte-parole des gardes-frontières lituaniens. A l’approche d’un vol tardif à Vilnius, l’expression « bon voyage » pourrait être remplacée par « et que le vent vous soit favorable ».

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