La Nobel vénézuélienne parle d’invasion déjà réelle
À Oslo, la scène avait des airs de retour d’exil. Depuis le balcon d’un hôtel du centre-ville, María Corina Machado, nouvelle prix Nobel de la paix, est apparue devant des dizaines de Vénézuéliens agitant des drapeaux. Absente des écrans depuis près d’un an, interdite de voyager depuis dix ans par le régime de Nicolás Maduro, elle est parvenue à quitter clandestinement le pays pour recevoir – à sa manière – la récompense qui consacre son combat.
Elle n’a pourtant pas assisté à la cérémonie officielle : les conditions de son départ l’ont retardée. C’est sa fille, Ana Corina Sosa, qui a reçu le prix en son nom et lu un discours préparé par sa mère. Dans un moment de forte émotion, la jeune femme a évoqué une famille éclatée, des enfants vivant en exil et une mère qui ne les a pas vus depuis environ deux ans. Le prix Nobel, dans ce récit, n’est pas une consécration confortable, mais le symbole d’un sacrifice prolongé.
Le lendemain, face à la presse internationale, Machado a choisi de ne pas parler d’elle, mais du pays qu’elle veut voir renaître. Interrogée sur la possibilité d’une intervention militaire américaine, après la saisie par les États-Unis d’un pétrolier vénézuélien lié à des réseaux iraniens, elle a renversé la question : « Certains évoquent la menace d’une invasion du Venezuela ; pour moi, le Venezuela est déjà occupé. »
Occupé par qui ? Par des agents russes et iraniens, par des groupes terroristes comme le Hezbollah et le Hamas, mais aussi par de puissants cartels de la drogue, affirme-t-elle. Selon la lauréate, ces acteurs étrangers et criminels ne sont pas de simples invités de passage : ils sont enracinés au cœur de l’appareil d’État, où ils trouvent protection, facilités logistiques et circuits financiers. Dans son intervention, elle a qualifié le pays de « hub criminel » au service d’un régime qui échange souveraineté contre survie.
Les propos de Machado s’inscrivent dans un contexte explosif. Le pétrolier Skipper, arraisonné au large des côtes vénézuéliennes, était déjà sanctionné pour sa participation présumée à un trafic de pétrole impliquant les Gardiens de la révolution iraniens et le Hezbollah. Washington présente l’opération comme une action de droit international visant des réseaux illicites ; Caracas dénonce un acte de « piraterie » et de « vol » de ressources nationales. Dans ce bras de fer, la voix de Machado ajoute une dimension morale et sécuritaire : selon elle, le problème ne se résume pas à un différend bilatéral entre Maduro et Trump, mais à la transformation du territoire vénézuélien en plateforme pour des acteurs armés liés à Téhéran et au crime organisé.
Depuis des années, des rapports de think tanks et d’organisations de sécurité pointent la présence de réseaux proches de l’Iran et du Hezbollah en Amérique latine, et particulièrement au Venezuela. Ces structures mêlent activité politique, trafic de drogue, blanchiment d’argent et contrebande, dans un entrelacs où les frontières entre corruption d’État et criminalité transnationale deviennent floues. Les accusations de Machado ne naissent donc pas dans le vide : elles s’appuient sur une inquiétude partagée dans de nombreuses chancelleries.
Reste la question centrale : que faire ? La Nobel de la paix confirme son opposition à une invasion étrangère, qu’elle juge contraire aux principes démocratiques qu’elle défend. Mais elle appelle la communauté internationale à « couper les sources » qui alimentent le système : circuits financiers, structures écrans, complicités logistiques. Elle plaide pour des sanctions ciblées, un travail de renseignement renforcé et un soutien concret aux forces démocratiques internes, plutôt qu’une aventure militaire aux conséquences imprévisibles.
Sur le balcon d’Oslo, après son intervention, Machado a entonné l’hymne national avec la foule, avant de franchir les barrières pour embrasser ses partisans. Le geste, largement relayé sur les réseaux sociaux, résume son pari : faire de la reconnaissance internationale un levier pour renforcer la résistance pacifique à l’intérieur du pays.
« Elle veut vivre dans un Venezuela libre et elle n’abandonnera jamais cet objectif », a assuré sa fille. Entre un régime qui s’appuie sur des alliés extérieurs contestés et une opposition prête à miser sur le droit, les sanctions ciblées et la pression citoyenne, l’avenir du Venezuela se jouera désormais sous le regard du monde. À chacun, désormais, de décider quelle “occupation” est acceptable : celle des groupes armés et des mafias, ou celle d’un peuple qui réclame de reprendre possession de son propre destin.
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