«Un vestige de l’esclavage jugé raciste» : comment le père Fouettard a été banni des fêtes aux Pays-Bas

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Depuis quinze ans, des Néerlandais se mobilisent pour en finir avec la tradition du «Zwarte Piet», qui consiste à se déguiser en père fouettard en se grimant le visage de noir, en arborant une perruque afro et des boucles d’oreilles créoles. Une campagne qui a pris fin ce vendredi. 

Personnage chéri de l’enfance pour certains et caricature raciste blessante pour d’autres, Piet, le père fouettard assistant de Saint-Nicolas, qui distribue des cadeaux aux enfants chaque 5 décembre aux Pays-Bas, a pendant des années suscité un débat national houleux. Jusqu’à récemment, lors des célébrations, de nombreux Néerlandais se déguisaient en Piet en se grimant le visage de noir, mais aussi en arborant une perruque afro, des boucles d’oreille créoles et lèvres plus épaisses peintes en rouge, faisant écho aux représentations caricaturales de l’ère coloniale. 

Quinze ans de lutte plus tard, la campagne pour en finir avec la tradition du «Zwarte Piet» a pris fin ce vendredi, ses responsables estimant avoir accompli leur mission. «À cette période de l’année, on croisait des centaines de personnes blanches en blackface», explique à l’AFP Jerry Afriyie, co-fondateur du mouvement «Kick Out Zwarte Piet», quelques jours avant la fête. «Aujourd’hui, c’est différent. Beaucoup d’enfants racisés se sentent plus en sécurité et même les plus petits me corrigent.»

Jerry Afriyie a co-fondé «Nederlands Wordt Beter» («Les Pays-Bas s’améliorent») en 2010 et, suivi de bénévoles, s’est lancé dans une campagne pour sensibiliser la nation sur le racisme. La fondation affichait trois objectifs : une reconnaissance du passé colonial et esclavagiste des Pays-Bas dans le programme scolaire, une commémoration nationale de ce passé, et une fête de la Saint-Nicolas inclusive – sans Zwarte Piet.

En 2025, «cela n’a plus lieu d’être»

Ce «Pierre noir» est apparu en 1850, période esclavagiste aux Pays-Bas, lorsque l’instituteur Jan Schenkman a couché sur le papier le récit de Sinterklaas. «Il a introduit le personnage de Zwarte Piet, qui est en fait un serviteur noir… au service d’un maître blanc», explique Jerry Afriyie. «Je pense qu’en 2025, cela n’a plus lieu d’être», ajoute-t-il. 

Dès 2015, année où un comité de l’ONU a évoqué «Zwarte Piet» comme un «vestige de l’esclavage», des manifestations non-violentes ont été organisées dans le pays, s’attirant les foudres de nombreux locaux. Les manifestants étaient souvent attaqués avec des oeufs, ou à certaines occasions, des feux d’artifice, forçant la police à intervenir.

La campagne a pris une ampleur internationale mais c’est avec le mouvement «Black Lives Matter» en 2020 que le combat a fait un bond en avant. À l’époque, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte – qui avait soutenu pendant des années que «Zwarte Piet est juste noir» avait déclaré s’attendre à ce que la tradition finisse par disparaître.

 Une coutume encore ancrée aux Pays-Bas 

Aujourd’hui de nombreuses écoles, chaînes de télévision publique et rassemblements officiels ont décidé de ne plus grimer les «Piets» de noir, si bien qu’aucune manifestation de KOZP n’a eu lieu cette année. 

D’après une étude Ipsos, 38% des Néerlandais sondés souhaitaient encore en 2024 conserver Zwarte Piet, contre 65% en 2016. Mais Zwarte Piet n’a pas complètement disparu. Le leader d’extrême droite, Geert Wilders, fait partie de ses grands supporters, et en dehors des festivités officielles, de nombreux Néerlandais s’accrochent à la coutume. Loin des enfants, quelques dizaines de Néerlandais venus participer à une manifestation anti-migration fin novembre à La Haye arboraient néanmoins le maquillage de Zwarte Piet.

Ces dernières années, les Pays-Bas se sont lancés dans un débat épineux sur leur passé colonial qui en a fait l’un des pays les plus riches du monde, aboutissant à des excuses officielles du gouvernement et à la commémoration chaque 1er juillet de l’abolition de l’esclavage. 

«Ce pays a fait un grand pas en avant dans la lutte contre le racisme», affirme Jerry Afriyie. «Il est bon de tenir le pays responsable de la lutte qui reste à mener, plutôt que de la laisser reposer sur les épaules de quelques-uns.»

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