Un monstre de 18 tonnes à vide. L’avion de chasse Soukhoï Su-30MK1 de l’armée de l’air indienne a impressionné son monde à la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan. L’Indian Air Force s’était déplacée dans les Landes avec six exemplaires de cet appareil de conception russe – mais fabriqué en partenariat avec Hindustan Aeronautics Limited (HAL), industriel aéronautique indien – pour l’exercice Garuda, organisé avec l’armée de l’Air et de l’Espace.
Celui-ci s’est achevé jeudi. Il s’agissait de la septième édition en France de Garuda, lancé en 2003 et organisé en alternance en France et en Inde. L’armée de l’Air a engagé de son côté 10 Rafale, 6 Mirage 2000, un hélicoptère Caracal, un Airbus A330 MRTT Phénix et un A400M Atlas. Plus de 500 aviateurs des deux Nations, dont 120 côté indien (avec les mécanos et la logistique), y ont participé pour réaliser des missions de défense aérienne, d’attaque au sol, de ravitaillement en vol et de coopération tactique, visant à renforcer l’interopérabilité entre les équipages.
« Je peux passer dessous les mains levées »
Le Soukhoï Su-30MK1 – nom de code Otan Flanker – « est très impressionnant », reconnaît le chef Olivier, mécanicien sur Rafale. « Ce qui surprend le plus, c’est sa taille, poursuit-il. Sur le Rafale, on travaille souvent courbés, là je peux passer dessous les mains levées. » Avec ses 22 mètres de long, 15 d’envergure et 6,36 de haut, il ferait en effet passer le Rafale et ses 15,3 mètres de long, 11 d’envergure et 5,30 de haut pour un nain.
Outre ses dimensions, la motorisation du Su-30MK1 en fait également un appareil singulier, puisqu’il est doté de deux moteurs de 12,5 tonnes de poussée chacun (contre deux fois 7,5 tonnes pour le Rafale), et à poussée vectorielle. C’est-à-dire que leurs tuyères « peuvent s’incliner en vol pour orienter le flux, ce qui donne des capacités de manœuvre que l’on n’a pas l’habitude de voir en France, le Rafale n’ayant pas cette option » explique le lieutenant-colonel Samuel, commandant la 30e escadre de chasse de Mont-de-Marsan.
« La poussée vectorielle du Soukhoï surprend la première fois »
L’officier a eu l’occasion, durant les deux semaines d’exercice, d’affronter le Soukhoï lors de missions dites de « dogfight », que l’on peut résumer en du combat à vue, en un-contre-un. Alors, comment ça s’est passé ? Le pilote sourit… « Disons que j’ai pu être assez offensif parce que le Rafale est de son côté un avion extrêmement agile, vif et manœuvrant. Mais en face, la poussée vectorielle du Soukhoï est une capacité qui surprend vraiment la première fois, car cela donne des attitudes à l’avion auxquelles on ne s’attend pas, comme il est très lourd et massif. Il faut donc toujours garder un œil sur le Soukhoï et anticiper pour passer à l’étape d’après. Cela a donné des combats assez particuliers, c’était intéressant. »
Le capitaine Armand, 29 ans, pilote au régiment de chasse 2/30 Normandie-Niémen de Mont-de-Marsan, confirme que « la poussée vectorielle accroît la manœuvrabilité du Soukhoï dans certaines phases. ». « Mais bon, ajoute-t-il immédiatement, le Rafale est lui aussi très manœuvrant, et il est très réputé dans le combat à vue. »
Les aviateurs reconnaissent que cela a été « une chance » pour eux de travailler auprès d’un tel appareil. « Le Soukhoï est un vecteur assez utilisé dans le monde, notamment par la Russie. Donc bien évidemment pour nous, pilotes français, c’est très intéressant de pouvoir appréhender ce type d’appareil lors de missions d’entraînement, estime le lieutenant-colonel Samuel. Mais cela ne veut pas dire que nos partenaires indiens nous dévoilent tous les secrets de leur avion, ce que nous ne leur demandons d’ailleurs pas. » « On sait que ce type d’appareil est utilisé par la Russie, on le prend en compte, ajoute le capitaine Armand, mais nous sommes avant tout réunis dans le cadre d’un entraînement prévu de longue date ».
« Si demain, on doit aller côte à côte sur un conflit, on a besoin de se connaître »
« Ces avions sont certes d’origine russe mais ils ont été adaptés pour les Indiens, rappelle de son côté le général Julien Sabéné, commandant en second de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA). Le but de cet exercice – Garuda – est surtout de maximiser les atouts de ces deux avions pour qu’il y ait un maximum de synergie, car si demain, on doit aller côte à côte sur un conflit, on a besoin de se connaître. »
L’Inde est en effet « un partenaire stratégique de la France depuis 1998, rappelle le général Sabéné, puisque la France est aussi un acteur dans l’Indo-Pacifique ». « Et l’armée de l’air indienne a une histoire, notamment avec du matériel français depuis les années 1950, avec les avions Ouragan, Jaguar, Mirage et maintenant les Rafale ». Après une commande de 36 appareils en 2018, l’Inde a commandé en avril dernier 26 autres Rafale en version marine. Et pourrait passer une autre très grosse commande en 2026. « C’est donc très important pour nous d’être en interaction avec ce partenaire qui a une autre culture, de développer l’interopérabilité à travers des missions très pointues, que l’on ne fait pas avec tout le monde », insiste le général.
Parachutes de freinage
« C’est primordial que l’on puisse voler ensemble, qu’il s’agisse de missions simples ou complexes », ajoute le lieutenant-colonel Samuel. Outre les dogfights, « nous nous sommes entraînés au passage de relais d’une défense de zone entre plusieurs avions, à la protection d’avions stratégiques, et à de l’opposition contre des cibles lentes, comme les hélicoptères et les petits avions. »
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« Nous avons commencé par des vols de familiarisation dans un espace aérien qui est un peu différent du leur, puis nous avons complexifié au fur et à mesure les missions, ajoute le capitaine Armand. Nous avons également effectué du ravitaillement en vol, avec des A330 MRTT Phénix ou des A400M, sachant que les Soukhoï ont le même système que nous, des perches à l’avant de l’avion qui se branchent sur les paniers des ravitailleurs. »
Une des dernières particularités du Soukhoï, et que ne possède pas le Rafale, repose sur deux parachutes de freinage, pour freiner la course à l’atterrissage du massif Flanker. On n’arrête pas les 18 tonnes de la bête comme ça.
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