L’opération beepers 2 a-t-elle déjà commencé ?
Le jour où Yosif a déballé son premier iPhone 17 plaqué or, Gaza ressemblait soudain à un décor de film. Devant sa boutique, des jeunes en survêtement, des hommes en costume impeccable et quelques barbes bien taillées patientaient sagement, comme si la fin du monde pouvait attendre qu’ils aient leur smartphone serti de diamants. Sur la vitrine, l’affiche était digne d’un générique : « iPhone 17 Pro Max Gold – avec montre en or assortie ». Prix : plus de 30 000 shekels. Dans une enclave ravagée par la guerre, c’est à peu près le prix d’une petite maison… quand il y a encore des murs.
Ces appareils n’ont rien à voir avec la gamme standard vendue en Israël. Ce sont des modèles ultra-personnalisés, plaqués or, décorés de pierres précieuses, importés via des points de passage frontaliers récemment rouverts. Certains auraient même atteint Gaza avant leur commercialisation officielle en Israël, ce qui a fait naître un marché noir très select où le dernier iPhone se négocie six à dix fois plus cher que de l’autre côté de la barrière. Les vidéos de la boutique « Yosif Phone », à Khan Younès, font le tour des réseaux sociaux : on y voit des téléphones scintillants, des clients souriants… et un contraste saisissant avec les images de ruines et de pénurie diffusées par ailleurs.
Qui peut s’offrir un tel jouet en pleine guerre ? Des sources locales évoquent une frange très privilégiée de la société gazaouie, souvent proche de l’appareil du Hamas. Une élite capable de sortir en liquide l’équivalent de plusieurs années de salaire moyen pour un seul appareil. Dans un roman d’espionnage, on les appellerait « les notables du bunker » : ceux qui ont un générateur, de l’air conditionné et un smartphone qui coûte plus cher que la voiture de leurs voisins.
À des centaines de kilomètres de là, dans un bureau discret de Téhéran, des analystes regardent les mêmes vidéos avec un tout autre œil. Pour eux, la question n’est pas de savoir qui paye, mais qui écoute. Et très vite, un vieux fantôme remonte à la surface : l’« opération beepers » au Liban. En 2024, des milliers de bipeurs et de talkies-walkies utilisés par le Hezbollah avaient explosé presque simultanément, faisant des dizaines de morts et des milliers de blessés. L’opération, attribuée à Israël, avait été préparée comme un casse-tête d’ingénieur : appareils piégés, sociétés écrans, circuits d’importation truqués… un « Grim Beeper » digne des meilleurs scénarios de cinéma.
Depuis ce traumatisme, à Téhéran, chaque gadget électronique est un suspect potentiel. L’Iran a interdit les bipeurs et talkies-walkies dans les avions, les Gardiens de la révolution ont ordonné à leurs cadres de limiter au maximum l’usage d’appareils de communication. Alors, quand ils voient des files d’attente pour des iPhone 17 à Gaza, certains médias iraniens y décèlent une « opération iPhone » : des milliers d’appareils introduits en douce avec l’aide humanitaire, destinés à transformer la population gazaouie en immense réseau de capteurs.
Dans cette version, les smartphones ne sont pas seulement des symboles de luxe : ce sont des balises. Ils permettent de suivre les déplacements des utilisateurs, de cartographier des tunnels, de repérer des entrepôts, voire d’intercepter des conversations. Pas besoin d’imaginer des explosifs cachés dans les batteries ; un téléphone moderne, c’est déjà une machine à produire des données. Géolocalisation, métadonnées, messageries mal sécurisées : tout ce qui fait le bonheur des influenceurs fait aussi celui des services de renseignement.
Les autorités israéliennes, elles, ne confirment rien. Officiellement, chaque cargaison entrant à Gaza est contrôlée selon les critères du Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires. Officieusement, les anciens du renseignement n’ont guère besoin de s’étendre : tout le monde sait qu’un smartphone haut de gamme dans la poche d’un cadre du Hamas est une cible de choix pour les oreilles électroniques qui scrutent la bande de Gaza.
Au fond, l’histoire des iPhone 17 de Gaza dit deux choses. La première, c’est qu’il existe, même en temps de guerre, une économie du luxe, avec ses codes, ses vitrines et ses réseaux – parfois très proches du pouvoir local. La seconde, c’est que dans une région où l’on a déjà vu des bipeurs exploser au visage de leurs utilisateurs, plus personne ne regarde un appareil connecté comme un simple gadget.
On est loin du mythe du « téléphone qui rapproche les peuples ». Entre les mains d’un notable gazaoui, l’iPhone 17 plaqué or est à la fois un signe extérieur de richesse, un possible fil à la patte numérique et, dans l’imagination des stratèges iraniens, un comprimé d’espionnage à avaler avec le sourire. Dans ce théâtre d’ombres, même l’ouverture d’une boutique de smartphones peut ressembler au premier chapitre d’un roman d’espionnage moyen-oriental.
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