Avec leur commission d’enquête, Eric Ciotti et le RN veulent-ils se « payer » l’audiovisuel public ?

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«Vous ne comprenez pas l’indignation suscitée par une grande majorité des Français ? » La commission d’enquête sur « la neutralité, le fonctionnement et le financement de l’audiovisuel public » a débuté mardi après-midi à l’Assemblée nationale avec l’audition du président de l’Arcom, Martin Ajdari. Cette commission a été voulue fin septembre par Eric Ciotti (Union des droites pour la République, UDR), dans la foulée de la polémique sur les journalistes Thomas Legrand et Patrick Cohen, accusés de connivence avec le PS. Elle intervient dans un contexte économique et politique délicat pour Radio France et France Télévisions. Certains élus voient dans cette démarche une volonté « politique » du Rassemblement national et de ses alliés ciottistes de fragiliser l’audiovisuel public afin de mieux défendre sa privatisation.

« Bastion idéologique » et « cadavres »

France Télévisions et Radio France sont régulièrement attaquées pour leurs supposés manques de neutralité et d’impartialité par le RN. « Une grande démocratie comme la France n’a aucune raison de dépenser 4 milliards par an pour un mastodonte médiatique partisan », avait ainsi encore taclé fin septembre Marine Le Pen au Journal du dimanche (JDD). Le Rassemblement national prévoit d’ailleurs dans son programme la privatisation de l’audiovisuel public, « un bastion idéologique financé par les impôts des Français ».

Charles Alloncle, le rapporteur UDR de la commission d’enquête, a ainsi évoqué mardi en conférence de presse des « atteintes répétées à la transparence et à l’honnêteté » sur les chaînes publiques, citant notamment « la reprise des chiffres du Hamas sans devoir de source par France Inter » ou les « comparaisons indignes entre Adolf Hitler et Jordan Bardella sur le plateau de France 5 ». L’élu UDR de l’Hérault prévoit « au minimum une cinquantaine d’auditions » jusqu’à début mars, dont celles des patronnes de France Télévisions et Radio France, Delphine Ernotte Cunci et Sibyle Veil.

Afin de régler ses comptes avec les dirigeants du service public ? L’entourage d’Eric Ciotti faisait monter la pression lundi auprès du Figaro : « Tout le monde sera mis sur le gril. […] Il y a beaucoup de scandales à révéler, beaucoup d’abus à dénoncer. C’est le moment de sortir les cadavres du placard. »

« Un danger démocratique »

Les députés de gauche et du centre craignent une opération « politique » pour se « farcir » France Télévisions et Radio France. « Il y a une volonté d’instrumentaliser cette commission, en dénigrant l’audiovisuel public et ses acteurs, regrette Erwan Balanant, député MoDem du Finistère. Le but est d’en faire un outil politique, d’attaquer notre modèle informationnel et ses institutions de contrôle, comme l’Arcom. Et au fond, d’attaquer notre Etat de droit, pour avancer dans leur projet de modèle illibéral. Il y a là un danger démocratique », prévient l’élu centriste, qui a échoué à prendre la présidence de cette commission.

« Il est toujours bon de poser des débats. Est-ce que les missions sont bien menées ? Comment peut-on pousser encore plus la distinction par rapport aux médias privés afin que l’audiovisuel public soit davantage une référence ? », interroge aussi Céline Calvez, députée Horizons des Hauts-de-Seine. « Mais on sent que le déclenchement de cette commission est mû par des envies de fragiliser l’audiovisuel public, de faire sensation lors des auditions, avec derrière l’idée de justifier sa privatisation », ajoute la vice-présidence de la commission.

Une « première audition lunaire »

Le président de la commission d’enquête, l’élu Horizons Jérémie Patrier-Leitus, a insisté mardi sur le fait qu’il veillerait à ce qu’elle ne soit pas « le lieu de la politique spectacle », précisant que les « députés ne sont pas des juges ». Mais lors de la première audition, les échanges se sont parfois tendus entre le rapporteur Charles Alloncle et le président de l’Arcom. En débat notamment : la possible différence de traitement entre France Inter et les chaînes comme CNews ou C8, dont la fréquence n’a pas été renouvelée. « En douze ans, l’Arcom a prononcé une dizaine de sanctions pécuniaires, notamment contre C8 et CNews, pour un montant total de 8 millions d’euros. La dernière sanction pécuniaire infligée à un média du service public remonte à quinze ans, en 2010 », a ciblé l’élu UDR.

« On n’est pas dupes des arrière-pensées de l’extrême droite qui mène une bataille politique, on l’a vu lors de cette première audition lunaire avec des procès d’intention, des mises en cause personnelle », déplore Aurélien Saintoul, député LFI des Hauts-de-Seine. « Il y a en réalité un échange de bons procédés entre Bolloré qui a mis son empire au service de l’extrême droite et ses représentants qui tentent de saboter le service public, pour le privatiser », ajoute l’élu insoumis.

Depuis plusieurs semaines, l’audiovisuel public est en guerre ouverte avec les médias privés dans le giron du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, CNews, Europe 1 et le Journal du dimanche. Face aux attaques sur leur manque de « partialité », France Télévisions et Radio France ont contre-attaqué début novembre en poursuivant ces médias en justice pour « dénigrement ».

Interrogé sur son rapport aux chaînes publiques, Charles Alloncle s’est défini mardi comme un « enfant de la télé ». « J’ai été biberonné à nombre de programmes de l’audiovisuel public, qui ont suscité d’ailleurs un éveil dans mon engagement politique », citant notamment « Complément d’Enquête ». L’élu UDR aura l’occasion dès ce jeudi de regarder le dernier épisode de cette émission de France 2, consacré à « La méthode CNews », première chaîne d’informations en continu.

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