Crédits photo : ©Leah Marciano
Une édition marquée par une forte mobilisation
Cette édition a rassemblé plus de 2 000 participants venus assister à plus de vingt événements thématiques, en présence de près de 90 intervenants. Parmi eux, des ministres, élus, chercheurs, universitaires, réalisateurs, producteurs, présidents et représentants d’institution ont échangé et débattu autour de la question centrale : « La République a-t-elle dit son dernier mot ? ».
Plénière d’ouverture : « explorer les facettes du doute républicain […] sans angélisme »
Aurore Bergé, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, a ouvert la plénière en rappelant que « l’antisémitisme se combat sans soumission et sans hésitation » et que « la République doit répondre avec force quand elle est attaquée ». Il faut « regarder lucidement où nous en sommes ».
Pour la ministre, les « forces identitaires » tendent à « fracturer nos sociétés ». « Nous devons affirmer haut et fort ce que nous sommes […] la République n’est pas un cadre administratif, c’est une idée exigeante et universelle, toujours en mouvement. La France doit redevenir la République du respect » et cela doit être « une exigence collective ».
Aurore Bergé a également salué l’engagement universaliste du Crif et de son président Yonathan Arfi.
Elle a conclu par ces mots : « La République n’est pas un héritage dont nous serions comptables, c’est un combat dont nous sommes responsables ».
Le président du Crif, Yonathan Arfi, a ensuite présenté à l’assemblée le thème de cette 15e Convention nationale, rappelant l’importance « d’explorer les facettes de ce doute républicain qui progresse pour tenter d’y répondre sans angélisme ».
Il a conclu en rappelant combien face à l’antisémitisme décomplexé que le monde connaît depuis le 7-Octobre, il n’y avait pas de « cessez-le-feu sur le front de l’antisémitisme ».
Le directeur exécutif du Crif, Robert Ejnes, a ensuite présenté le récent sondage réalisé par l’Institut Ifop Bva sur la question du « regard des Français sur l’antisémitisme ». Vous pouvez retrouver l’intégralité des résultats de cette enquête en cliquant ici.
Denis Olivennes, conseiller honoraire à la Cour des comptes, dirigeant d’entreprises et auteur, a ensuite animé une table-ronde en présence de Philippe Aghion, prix Nobel d’économie et Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France.
Lors de cette table-ronde, Philippe Aghion a rappelé combien le sentiment d’abandon d’une partie de la population française nourrissait les forces antirépublicaines. La France connaît un taux d’emploi trop faible et la croissance de la productivité est insuffisante pour créer un écosystème de l’innovation. Le dialogue social n’a pas été au rendez-vous, notamment au moment de la réforme des retraites, et cela a engendré un sentiment d’abandon chez une large frange de la population qui s’est sentie laissé sur le bord de la route.
Pour Xavier Bertrand, certains partis politiques font croire à leurs électeurs que les « pauvres sont pauvres à cause des riches ». Il faut faire fonctionner l’ascenseur social, qui n’est autre que l’ascenseur républicain et qui passe par l’École. « L’École doit être le chantier prioritaire ». « Il n’y a aucune fatalité [face à l’antisémitisme notamment] mais cela demande un effort de la société et des politiques en premier. « Il faut aller chercher ceux qui ont mis le poison antisémite dans la tête des enfants. »
Sur la question de l’intelligence artificielle (IA), Phillipe Aghion a rappelé combien l’IA a été dès le départ prisée par les cybercriminels. S’il faut la réguler par des lois, elle est également capable elle-même techniquement de se réguler et ainsi de « lutter contre ses mauvaises utilisations ».
Catherine Michaud, conseillère régionale, membre de l’exécutif du Conseil régional d’Île-de-France et déléguée spéciale à la lutte contre les discriminations, le racisme et l’antisémitisme, a conclu cette plénière d’ouverture. Elle a rappelé combien la République n’avait pas dit son dernier mot, « car nous refusons de la laisser se taire, nous refusons d’abandonner nos concitoyens juifs à la peur ». « L’antisémitisme n’est pas une opinion, c’est un délit. C’est un poison qui attaque les fondements mêmes de notre démocratie. »
Elle a également rappelé les actions de la région Île-de-France et de sa présidente Valérie Pécresse avec la suppression notamment de subventions pour des festivals et établissements d’enseignement supérieur face à l’antisémitisme.
« Nous continuerons à affirmer que l’antisémitisme n’a pas le droit de citer ni dans nos écoles, ni dans nos universités, ni dans nos rues. Parce que la République protège avec ses valeurs, avec ses principes, avec sa laïcité dont nous célébrons cette année les 120 ans. Parce que la République ne renonce jamais. Parce que la République c’est nous et tant que nous n’aurons pas dit notre dernier mot, alors la République non plus n’aura pas dit son dernier mot. »
Tout au long de la journée, le public, très nombreux cette année encore, a pu assister à plus de vingt tables-rondes, débats et conférences, ainsi qu’à des projections de films, documentaires et courts-métrages.
Plénière de clôture : « la République continuera longtemps à faire entendre sa voix »
La plénière de clôture de cette 15e Convention nationale s’est ouverte par un hommage à Jacqueline Keller, ancienne directrice générale du Crif, rendu par Robert Ejnes, directeur exécutif du Crif, au nom de l’institution, de son président et de ses équipes. Robert Ejnes a rappelé combien « À la tête du Crif, Jacqueline Keller a profondément modernisé l’institution. Elle l’a structurée, professionnalisée et ouverte, renforçant son efficacité et sa visibilité auprès des pouvoirs publics comme de la société civile.
Sous la présidence de Me Théo Klein, elle organisa le premier Dîner du Crif, devenu depuis un rendez-vous incontournable du dialogue républicain. Elle développa également le lien avec les collectivités, clarifia l’articulation entre les échelons national et régional, et posa les bases d’une communication plus cohérente et plus rigoureuse. Elle a ainsi préparé le Crif aux défis du XXIᵉ siècle ».
L’historien et universitaire Jean Garrigues a ensuite fait un exposé sur le thème de la Convention : « La République a-t-elle dit son dernier mot ? ». Il a ouvert son exposé par cette question : « Qu’est-ce que la République ? ». La République est d’abord une idée, apparue au tout début de la Révolution française. Pour François Robert, avocat belge et premier à parler de la Républiuqe, la République serait ce qui donnerait la souveraineté au peuple. Si la République est une idée au départ, elle est ensuite devenue un système de valeurs. La République est un ensemble de citoyens libres et égaux en droit.
Sur la laïcité, elle est apparue dès la Révolution française et surtout avec la loi de 1905 qui est venue compléter ce tableau de valeurs.
Depuis quelques temps, la République subit des attaques. Si les institutions peuvent se réformer, les citoyens eux ne comprennent plus ce qu’est la République. La société s’est individualisée et fragmentée. L’insécurité individuelle, identitaire et sociale est un facteur très puissant dans la société actuelle et il faut restaurer la sécurité sur tous ces plans.
Concernant la lutte contre l’antisémitisme, c’est un des aspects majeurs de l’identité républicaine ; lorsqu’on s’attaque aux Juifs, on s’attaque à la République. Les Juifs, à l’image d’Alfred Dreyfus, ont fait la République.
Jean Garrigues a conclu par ces mots forts : « Il faut défendre la République mais elle est loin d’avoir dit son dernier mot ».

Lors de son discours de clôture, le président du Crif a rappelé la richesse de cette journée de débats et d’échanges et la force du pluralisme qui y règne. « Notre Convention est la plus belle démonstration que, contrairement à d’autres acteurs du débat public, nous ne sommes ni une meute ni une secte ! »
Pour répondre à la question posée par la thématique de cette Convention, Yonathan Arfi a redit combien la réponse la plus évidente et la plus flagrante était la présence, lors de cette nouvelle édition, de près de 2 000 personnes. « 2 000 personnes qui ont bravé le fatalisme ou le défaitisme, les intimidations ou le confort du prêt-à-penser pour dire que la République n’a pas dit son dernier mort ».
Yonathan Arfi a rappelé que « lutter contre le racisme et les discriminations, comme contre l’antisémitisme, c’est dire au contraire que la République n’est pas le problème mais la société. C’est demander plus de République et la même République pour tous ».
Le président du Crif a rappelé combien l’idéal républicain était attaqué de toutes parts, que ce soit à Verdun avec une messe en hommage à Pétain, à la Philarmonie de Paris, à Épinay-sur-Seine où l’arbre en mémoire d’Ilan Halimi a été tronçonné, à Marseille avec le narcotrafic, etc. « Face à cela, je le vois quotidiennement : la République tangue mais reste debout, défendue par ses soldats. »
Le président du Crif a conclu par ces mots : « La République ne nous appartient pas, nous n’en sommes que les dépositaires le temps fugace de nos vies. Nous avons la responsabilité de la protéger et de la faire vivre.
Pour cela, la République continuera longtemps à faire entendre sa voix,
Et nous-mêmes, au Crif, nous continuerons de faire entendre la voix des Français juifs dans la République. »
Vous pouvez retrouver le discours du président du Crif en intégralité en cliquant ici.
Laurent Nuñez, ministre de l’Intérieur et invité d’honneur de cette Convention a ensuite pris la parole. Pour le ministre de l’Intérieur, les très nombreux thèmes débattus lors de cette Convention nationale du Crif traduisent ce que sont les préoccupations du gouvernement français et du ministère de l’Intérieur.
Il a rappelé avec force tout au long de son discours que le ministère de l’Intérieur et le gouvernement français dans son ensemble se tenaient aux côtés des Français juifs. « Le soutien moral vis-à-vis de la communauté juive n’est autre qu’un soutien à la République. Il ne faut rien laissé passer. »
Avec force, il a indiqué que la France ne renoncera jamais à organiser les manifestations culturelles notamment des chanteurs et humoristes qui sont menacés et victimes d’appel au boycott. « La France ne sera jamais le pays qui renonce. Si nous renonçons, c’es la République qui recule. »
Le ministre de l’Intérieur a redit combien en luttant contre l’antisémitisme, on défendait la République.
Il a conclu son discours par ces mots : « Si la République n’a pas dit son dernier mot, une chose est certaine : c’est la République qui aura le dernier mot ! »
En conclusion de cette journée, l’ensemble de l’assemblée à entonner la Marseillaise à l’issue du discours du Ministre de l’Intérieur.

Vous pouvez revoir les moments forts de la 15e Convention nationale du Crif en cliquant ici.
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