Le Liban pas fâché après l’élimination du N°2 du Hezbollah

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Le Liban pas fâché après l’élimination du N°2 du Hezbollah

L’explosion a secoué la banlieue sud de Beyrouth en pleine journée. En quelques secondes, un immeuble d’Haret Hreik s’est transformé en champ de ruines. Dans les décombres, les autorités libanaises ont compté plusieurs morts et des dizaines de blessés. Parmi les victimes, Israël revendique la cible principale de l’opération : Haytham Ali Tabataba’i, considéré comme le chef d’état-major et de facto numéro deux militaire du Hezbollah. Une élimination ciblée d’une ampleur rare, survenue malgré le cessez-le-feu instauré l’an dernier entre Israël et le mouvement chiite.

À chaud, la réaction qui a retenu l’attention n’est pas seulement celle de Hezbollah, qui promet de riposter et qualifie l’attaque de « franchissement de ligne rouge », mais celle du Premier ministre libanais, Nawaf Salam. Dans un message diffusé peu après la frappe, il parle d’« attaque sur la banlieue sud de Beyrouth » et appelle à « l’unification de tous les efforts derrière l’État et ses institutions ». Pour lui, la priorité est de « protéger le peuple libanais » et d’éviter que le pays « ne glisse vers des voies dangereuses ».

Le ton est ferme mais mesuré. Salam condamne l’attaque israélienne, sans adopter pour autant la rhétorique incendiaire habituelle de certains alliés de Hezbollah au Liban. Il replace l’événement dans un cadre étatique, insistant sur le rôle des institutions plutôt que sur celui des milices. Dans un contexte où la présidence et d’autres forces politiques dénoncent bruyamment Israël, cette nuance n’est pas passée inaperçue.

Le Premier ministre met ensuite en avant ce qu’il présente comme la seule voie durable : la mise en œuvre complète de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU. Adoptée après la guerre de 2006, cette résolution prévoit le cessez-le-feu, le retrait des forces armées non étatiques au nord du Litani, le déploiement de l’armée libanaise et de la FINUL au Sud-Liban, ainsi que le renforcement de l’autorité exclusive de l’État sur tout le territoire.

Or, près de vingt ans plus tard, la réalité reste tout autre : Hezbollah conserve un arsenal considérable, contrôle de facto de larges portions du Sud-Liban et de la banlieue sud de Beyrouth, et continue d’agir comme une armée parallèle à côté des forces régulières. Les frappes israéliennes récurrentes, tout comme la riposte du mouvement chiite, s’inscrivent dans ce vide stratégique que les institutions libanaises n’ont jamais réussi à combler.

Dans ce contexte, la référence insistante de Salam à 1701 et à « l’extension de l’autorité de l’État sur tous ses territoires par ses propres forces » a une portée politique claire. Sur le papier, il rappelle la ligne officielle du Liban : désarmement progressif des milices, renforcement de l’armée, monopole étatique de la force. Dans la pratique, son discours peut être lu comme une critique implicite de la mainmise de Hezbollah sur une partie du pays, sans le nommer directement, pour ne pas faire exploser un équilibre interne déjà fragile.

L’élimination de Tabataba’i n’est pas un épisode isolé. Depuis la fin de la guerre de 2023–2024 entre Israël et Hezbollah, les deux camps ont multiplié les gestes de pression. Israël affirme viser la reconstruction de l’appareil militaire chiite le long de la frontière nord, et revendique des frappes de plus en plus ciblées contre des cadres, des dépôts et des infrastructures. De son côté, Hezbollah met en scène des funérailles massives et des promesses de vengeance, tout en évitant pour l’instant une escalade totale qui plongerait le Liban dans une nouvelle guerre. (Times of Israel)

Dans ce jeu dangereux, la position de Nawaf Salam ressemble à une tentative de marche sur un fil. D’un côté, il ne peut pas ignorer une violation manifeste de la souveraineté libanaise ni la colère d’une partie de l’opinion. De l’autre, il sait que le pays, en crise économique profonde et politiquement paralysé, n’a ni les moyens ni l’intérêt d’une confrontation frontale avec Israël. D’où ce choix de vocabulaire : un appel à l’unité nationale, à la diplomatie, à la consolidation de l’État – plutôt qu’à la mobilisation derrière une milice.

Reste la question de savoir si ce discours pourra se traduire en actes. Tant que l’armée libanaise restera dépendante de l’aide internationale pour fonctionner et que les décisions stratégiques continueront d’être prises en dehors des institutions officielles, la marge de manœuvre du Premier ministre restera limitée. L’élimination de Tabataba’i, en affaiblissant un peu plus l’aile militaire de Hezbollah, peut être vue par certains à Beyrouth comme une opportunité : celle de rééquilibrer le rapport de force en faveur de l’État. Mais elle peut tout aussi bien déclencher une nouvelle spirale d’affrontements qui réduira à néant les efforts diplomatiques.

Entre ces deux scénarios, le Liban se trouve à nouveau pris en étau : coincé entre les calculs régionaux d’Israël et de l’Iran, et sa propre incapacité à imposer, enfin, le principe élémentaire d’une souveraineté sans armée parallèle.

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