La Haute Cour de Justice a réduit à néant la marge de déni du gouvernement sur la question du service militaire. Le principe fondamental selon lequel la Loi sur le service de sécurité s’applique à tous n’a pas changé, mais sa signification publique, morale et sécuritaire a pris une tout autre dimension. D’un autre côté, il s’agit d’une bouée de sauvetage pour les ‘harédim (Juifs orthodoxes).
Ma’ariv
La dernière décision de la Haute Cour de Justice sur la question de la conscription des ‘Harédim, publiée ce jour (mercredi), n’est pas un simple round technique dans une lutte prolongée ; c’est un point de rupture. La Cour statue, de manière nette et sans équivoque, que le gouvernement ne peut plus se cacher derrière des promesses de législation future ou masquer son inaction avec des slogans sur les « processus ». Il existe une Loi sur le service de sécurité, elle s’applique à tous, et l’État reçoit un ultimatum : dans les 45 jours, il doit présenter une politique d’application concrète, avec des sanctions pénales et économiques, qui mettra fin à l’ère de la tolérance face à l’évasion massive du service – surtout lorsqu’elle bénéficie d’un financement politique.
Au cœur de la décision se trouve la reconnaissance que la réalité a changé de manière spectaculaire depuis le 7 octobre. Le principe fondamental selon lequel la Loi sur le service de sécurité s’applique à tous n’a pas changé. Cependant, sa signification publique, morale et sécuritaire a pris une autre dimension. La détresse au sein de l’armée (Tsahal), la charge pesant sur les soldats en service, le besoin de plus de soldats pour les rôles de combat – tout cela n’est pas une simple « considération », mais une réalité brûlante. Et lorsque, dans les faits, les autorités de l’État, selon les juges, « ne sont pas loin d’un désengagement total de l’application de la loi », la Haute Cour n’est plus disposée à attendre.
La décision ne concerne pas uniquement l’armée. Elle touche à l’un des fondements d’une bonne gouvernance : l’application de la loi. Les juges soulignent un phénomène persistant : un fossé entre les déclarations et les actions. Pendant des années, le gouvernement a promis un « arrangement », pendant des années, le chariot de la conscription a traîné dans les couloirs, des années de promesses pour l’avenir tout en fermant les yeux sur le présent. Maintenant, la Haute Cour arrête cette trajectoire et exige des mesures claires : application pénale pour les fraudeurs, sanctions économiques pour ceux qui bénéficient d’avantages en tant qu’étudiants de Yechiva mais qui, en réalité, se soustraient à une obligation légale, et une politique qui ne peut être contournée par des « canaux de financement » créatifs.
D’un point de vue juridique, c’est un moment contraignant. D’un point de vue politique, c’est un moment embarrassant. Car la décision n’est pas seulement un « jugement » ; c’est aussi un acte d’accusation implicite contre un gouvernement qui n’a pas pris de décisions, contre un système de sécurité qui a évité d’appliquer la loi, et contre une coalition qui a traîné les pieds. Même au sein du système ‘harédi, beaucoup comprennent que la situation est devenue insupportable. L’absence de loi a laissé le public ‘harédi exposé : formellement, tous sont soumis à la conscription, mais en pratique, il n’y a pas de mécanisme organisé pour protéger celui qui étudie en Yechiva. Pour le leadership ‘harédi, c’est un cauchemar politique et spirituel. Ils savent qu’une loi doit naître – mais la signer fait peur : personne ne veut être celui qui a été enregistré comme ayant donné son aval à la conscription des étudiants de Yechiva (NDLR : ce qui est faux : tant Déguel haTora que Shass ont fini par accepter le projet de loi de Bismuth, mais il est vrai qu’ils se sont gardé le droit de changer de cap si la loi sous sa forme finale ne correspond pas à leurs attentes et à ce qu’ils peuvent accepter).
Une bouée de sauvetage pour la société Haredi
C’est là qu’intervient l’interprétation politique : la décision de justice pousse les ‘Harédim – mais leur ouvre également une porte. Elle leur permet de dire au public ‘harédi : « Il n’y a pas d’autre choix, la Haute Cour nous a forcés. » Les juges, peut-être sans le vouloir, fournissent aux députés ‘harédim la justification nécessaire pour faire avancer une loi dont ils savent de toute façon qu’elle doit arriver. La peur des extrémistes, des manifestations, de la colère des factions zélées – tout cela est réel. Mais la peur la plus réelle est celle de l’absence d’ordre. La Haute Cour leur a simplement retiré la possibilité de continuer à gagner du temps.
La coalition, en revanche, est présentée dans l’arrêt comme ayant préféré éviter un conflit interne, préserver le calme politique et reporter la confrontation. Elle se retrouve maintenant face à un mur. Dans 45 jours, elle devra présenter une politique ; plus de déclarations sur une loi « imminente ». La Haute Cour a essentiellement établi les règles du jeu : sans sanctions efficaces, il n’y a pas de politique. Sans application, il n’y a pas d’égalité. Et sans égalité, le mécanisme d’exemption n’a aucune validité.
Et si quelqu’un dans la coalition pensait pouvoir créer une « voie de contournement », masquer les avantages, créer de nouvelles voies en douce – la décision de justice le bloque explicitement. Il n’y aura pas d’arrangements. Il n’y aura pas de budgets transférés par la porte dérobée. Les avantages ne seront pas accordés à ceux dont l’existence même signifie une évasion du service.
Par conséquent, en substance, la Haute Cour ne fait pas que pousser à une loi sur la conscription – elle en dessine les limites : application pénale, sanctions économiques, réglementation ordonnée et exemption des érudits dans des nombres limités. Tout est transparent, tout est mesurable. La balle est maintenant dans le camp du gouvernement. Et si l’on devait parier ? La loi sera adoptée. Non pas parce que la coalition le souhaite – mais parce qu’elle n’a plus le choix.
(NDLR : Une fois de plus, voici prouvé qui est le maitre à bord dans le pays…)
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