Washington freine la riposte israélienne au Nord
De Gaza au sud-Liban, jusqu’aux hauteurs syriennes, les services de sécurité israéliens décrivent un même tableau : celui d’un « axe de la résistance » qui tente de se remettre en ordre de bataille, pendant qu’Israël est tenu par une équation stratégique complexe. D’un côté, la nécessité d’endiguer la reconstruction des capacités hostiles ; de l’autre, une forte pression américaine pour éviter une guerre régionale ouverte.
Gaza : un Hamas qui relève la tête
Au sud, le Commandement de Tsahal observe avec inquiétude la façon dont la branche armée du Hamas profite de la trêve relative. Selon des évaluations militaires, l’organisation a réorganisé ses unités, recruté de nouveaux combattants, repris l’entraînement et intensifié la collecte de renseignements sur les forces israéliennes positionnées autour de la bande.
Des sources de sécurité estiment que le mouvement cherche une « fenêtre d’opportunité » pour mener une attaque surprise, limitée mais symbolique, contre des unités de Tsahal à l’intérieur des territoires palestiniens, au mépris des termes du cessez-le-feu. Le chef du Commandement Sud, le général Yaniv Asor, et plusieurs officiers de division plaident pour une approche plus offensive face à ces préparatifs, craignant qu’un laisser-faire n’encourage le Hamas à tester les lignes rouges israéliennes.
Front nord : un calme trompeur au Liban
Sur le front libanais, le calme relatif masque mal une réalité plus inquiétante. Le Hamas, mais surtout le Hezbollah, cherchent à rétablir leurs infrastructures militaires avec l’aide financière et logistique de l’Iran. Des armes sont transférées vers le Sud-Liban et la vallée de la Bekaa, des stocks sont reconstitués, de nouveaux hommes recrutés, les entraînements intensifiés. Les services de renseignement israéliens parlent moins de « repli stratégique » que d’une phase de reconstitution avant un prochain round.
Dans ce contexte, Israël accuse le Hezbollah de violer de façon répétée les arrangements du cessez-le-feu, loin de la démilitarisation promise pour le sud du pays. Les frappes aériennes récentes ont visé des dépôts d’armes, des infrastructures de commandement et des cadres responsables de cette remontée en puissance. Le Commandement Nord pousserait pour une réponse beaucoup plus ferme ; toutefois, des responsables israéliens reconnaissent que la pression de Washington freine pour l’instant toute escalade majeure, les États-Unis redoutant une extension du conflit à tout le Levant.
Syrie : la « ceinture de sécurité » au cœur du message
C’est dans ce climat tendu que s’inscrit la visite remarquée du Premier ministre Benyamin Netanyahou en territoire syrien, au sein de la zone contrôlée par Tsahal à l’est de la ligne de cessez-le-feu. Accompagné du ministre de la Défense, du ministre des Affaires étrangères et du chef du Shin Bet, il est venu afficher un message sans ambiguïté : Israël ne renoncera pas à la « ceinture de sécurité » qu’il maintient en Syrie, autour du Golan.
Depuis la chute du régime de Bachar el-Assad fin 2024, Israël a élargi sa présence militaire dans le sud de la Syrie, estimant qu’un retrait prématuré ouvrirait la voie au retour des milices pro-iraniennes ou de groupes jihadistes. La visite du Premier ministre, casqué et en gilet pare-balles devant les caméras, visait autant l’opinion israélienne que les capitales étrangères, en particulier Washington et Damas, où se négocie en coulisses un éventuel accord de sécurité.
Méfiance face au nouveau pouvoir syrien et au rapprochement US–Damas
Au même moment, la communauté de sécurité israélienne observe avec circonspection la trajectoire du nouveau président syrien, Ahmad al-Sharaa. Ancien chef d’un groupe jihadiste, longtemps recherché avec une prime américaine sur sa tête, il a vu cette récompense levée après des discussions directes avec des diplomates occidentaux. Sa participation à des rencontres au plus haut niveau avec les États-Unis symbolise une volonté affichée de tourner la page du terrorisme et de repositionner la Syrie comme partenaire dans la lutte contre l’État islamique et d’autres organisations armées.
Pour de nombreux responsables israéliens, cette réhabilitation éclair ne saurait effacer un passé lourd, ni garantir que Damas contrôle pleinement l’ensemble de son territoire dans l’une des zones les plus instables du Moyen-Orient. Ils redoutent qu’un accord de sécurité mal calibré ne permette à des éléments pro-iraniens de revenir à proximité de la frontière, voire de profiter de la moindre réduction de la présence israélienne.
Un axe affaibli mais toujours dangereux
Plusieurs analyses régionales soulignent que l’axe Iran–Hamas–Hezbollah–milices alliées a été durement atteint par les opérations israéliennes depuis 2024, et qu’il traverse une phase de fragilité. Mais du point de vue de Tsahal, cette faiblesse rend d’autant plus probable une tentative de « coup » coordonné sur plusieurs fronts, à un moment jugé opportun par Téhéran et ses partenaires pour restaurer leur image de force.
Entre la nécessité de préserver sa liberté d’action militaire et le souci de ne pas provoquer une conflagration avec l’Iran et ses alliés, Israël évolue ainsi sur une ligne de crête. Pour l’heure, la stratégie consiste à contenir la reconstruction de l’axe de la résistance par des frappes ciblées, à maintenir une présence visible en Syrie et à coordonner étroitement avec Washington. Reste à savoir si cette combinaison de fermeté et de retenue suffira à dissuader ceux qui rêvent encore d’un embrasement simultané à Gaza, au Liban et sur le plateau syrien.
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