Eurovision; l’Autriche défend la participation d’Israël
À l’origine, ce devait être une simple fête de la musique télévisée. Mais à mesure que l’Eurovision approche de son 70ᵉ anniversaire, prévu l’an prochain à Vienne, le concours ressemble de plus en plus à une scène géopolitique miniature, où chaque déclaration pèse lourd. Au centre de la tempête : la participation d’Israël et le duel à distance entre deux hommes, Roland Weissmann et José Pablo López, patrons respectifs des télévisions publiques autrichienne et espagnole.
Tout a commencé avec un article affirmant que l’Autriche, pays hôte, tenterait de convaincre en coulisses des diffuseurs réticents – parmi eux l’Espagne, l’Irlande ou encore la Slovénie – de revenir sur leur opposition à la présence d’Israël. C’en était trop pour José Pablo López, directeur général de RTVE. Sur X, il a réagi sèchement : « Ici, personne ne nous a appelés. » En quelques mots, il balaye l’idée de pressions directes et dénonce ce qu’il considère comme une politisation assumée du concours.
Le même message contient une pique à peine voilée : López rappelle que, selon l’Union européenne de radiodiffusion (UER), l’Eurovision est censée être « un concours entre diffuseurs, pas entre pays ». Une façon de dire : si l’on commence à traiter ce rendez-vous comme un sommet diplomatique, on s’éloigne de l’esprit originel du show. Derrière ce ton sec, il y a un contexte très concret : le conseil d’administration de RTVE a déjà voté, à une large majorité, le principe d’un retrait d’Eurovision si Israël figure au line-up, faisant de l’Espagne le premier membre du « Big Five » à adopter une telle position symbolique.
En face, Roland Weissmann joue une partition très différente. Le directeur général de l’ORF, diffuseur public autrichien et hôte du concours après la victoire du chanteur JJ en 2025, a choisi la diplomatie active. Début novembre, il s’est rendu à Jérusalem, où il a été reçu à la résidence du président Isaac Herzog aux côtés de Golan Yochpaz, PDG de KAN, la télévision publique israélienne. Là, Weissmann a multiplié les mots chaleureux : pour lui, Israël est « un partenaire essentiel » et « une partie inséparable » de l’Eurovision, et il n’y aurait « aucune justification » à son exclusion.
Dans les coulisses, l’Autrichien assure mener un « travail intense » pour convaincre ses homologues de venir à Vienne malgré les appels au boycott. Il le répète : « C’est le moment de la diplomatie. » Son objectif affiché est presque à contre-courant de l’ambiance du moment : atteindre un nombre record de pays participants, Israël compris, alors même que le climat politique est explosif.
Car l’Espagne n’est pas seule. Les diffuseurs des Pays-Bas, d’Islande, d’Irlande et de Slovénie ont eux aussi menacé de ne pas participer si Israël est maintenu dans la compétition. Tous invoquent le contexte de la guerre contre le Hamas et le lourd bilan humain à Gaza. De l’autre côté, plusieurs pays – dont l’Autriche ou l’Allemagne – insistent sur le principe de neutralité du concours et rappellent qu’Israël participe depuis des décennies, avec plusieurs victoires à la clé, sans que sa place au concours n’ait été remise en cause de cette façon.
Au milieu de ces lignes de fracture, l’UER marche sur un fil. L’organisation rappelle officiellement que l’Eurovision est un événement de divertissement et non une arène politique, mais elle ne peut ignorer la pression grandissante. Une réunion générale des diffuseurs est prévue dans les prochaines semaines : un vote doit y trancher la question de la participation de KAN à l’édition 2026. Il faudra une majorité absolue pour exclure Israël, une décision qui ferait date et raviverait le parallèle avec le bannissement de la Russie en 2022.
Pour les fans, pour les artistes et pour les millions de téléspectateurs qui ne demandent qu’un soir d’évasion, ce feuilleton a un goût amer. Les images de Roland Weissmann serrant la main du président Herzog contrastent avec les messages indignés de José Pablo López sur les réseaux sociaux. Entre ces deux visions – celle d’un concours qui essaie coûte que coûte de rester ouvert à tous ses membres, et celle d’un événement qui ne peut plus ignorer la réalité des guerres en cours – l’Eurovision se retrouve à la croisée des chemins, bien loin des paillettes et des ballades calibrées.
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