Budget : Environ 10 milliards d’euros de TVA en moins que prévu…. Pourquoi Bercy se plante dans ses prévisions ?

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Mauvaise surprise. Au moment de faire les comptes annuels de l’Etat, Bercy a constaté qu’environ 10 milliards d’euros devraient manquer à l’appel par rapport aux recettes de TVA prévues pour 2025. Le manque à gagner précis peut encore très légèrement varier d’ici à fin décembre, en bien ou en mal. Mais à un gros mois de l’échéance, il est certain que le ministère de l’Economie s’est sacrément planté dans ses calculs.

Devant la Commission des finances du Sénat, Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics, a reconnu « une situation préoccupante » et que le « sujet TVA » devenait une affaire. Car il s’agit de la troisième année consécutive avec une surestimation massive de cette recette fiscale, comme l’a admis le député (Liot) Charles de Courson, ancien rapporteur du budget.

Un montant impossible à calculer ?

Mais pourquoi ces milliards se volatilisent-ils ? « Il peut y avoir des changements dans la conjoncture difficilement prévisibles », reconnaît Dominique Plihon, économiste et ancien membre du Conseil d’Analyse Economique (CAE), qui conseille directement le Premier ministre. Un climat politique plus tendu, une guerre qui menace, la crise écologique… « Toutes ces choses peuvent impacter le moral des Français, les inquiéter ou leur faire dire qu’il vaut mieux attendre de meilleures opportunités », indique l’expert. En somme, ne pas dépenser. Or, la TVA dépend directement de la consommation, puisque c’est une taxe prélevée sur le moindre de vos achats.

Bercy, lui, accuse les colis, notamment de Shein et Temu, de tromper le chiffrage. Leur valeur serait plus chère que celle déclarée, ce qui entraînerait un amoindrissement de la TVA. Autre aspect soulevé, une fraude à la consommation, que le ministère de l’Economie chiffre à au moins un milliard d’euros.

Dernier biais : l’importance des montants en jeu. Trois, deux, un, armada de gros chiffres : 60 % de la croissance provient de la consommation des ménages, la TVA représente 37 % des recettes fiscales du pays, et elle dépasse allègrement les 200 milliards annuels. A ce niveau, la moindre variation engendre des séismes en bout de chaîne. Ce sont 10 milliards d’euros d’erreur, certes, mais Bercy pourra toujours plaider s’être trompé de même pas 5 %.

L’optimisme forcené et idéologique de Bercy

Peut-on pour autant le dédouaner ? « Bien sûr, on ne peut pas prévoir les recettes fiscales à la virgule près, mais il y avait moyen de faire mieux », estime Anne-Sophie Alsif, cheffe économique au Bureau d’informations et de prévisions économiques (BIPE). Si le ministère de l’Economie a ses excuses, il a aussi ses torts, appuie Dominique Plihon : « Les politiques ont tendance à être systématiquement trop optimistes sur les prévisions de croissance, et donc de consommation, afin de montrer que le budget sera équilibré ou le déficit pas trop important. »

S’ils surestiment la croissance, les politiques – dont Bercy – auraient également une tendance à sous-estimer « l’impact négatif des politiques d’austérité menées depuis plusieurs années », estime l’expert. « Lorsqu’on baisse les allocations chômage, le remboursement des médicaments, cela entraîne une déprime de l’activité et une baisse de la consommation. »

Une équation un peu trop automatique

Pour Anne-Sophie Alsif, « les prévisions fonctionnent encore trop sur un modèle automatique. Plus on va stimuler la demande, plus on aura de consommation, donc de la TVA ». Un modèle qui était plutôt vrai jusqu’au Covid, date où les prévisions ont commencé à sérieusement se gripper elles aussi. Depuis, Bercy enchaîne les erreurs.

Avant, les stimulus budgétaires – comme l’indexation sur l’inflation, les primes ou l’allocation de rentrée, par exemple – « étaient extrêmement fléchés. Quand vous donnez une allocation de rentrée, vous la donnez à des personnes à bas revenus qui vont forcément consommer. Elles n’ont pas de quoi épargner. » Du coup, l’aide se transforme forcément en consommation, et donc, in fine, en TVA. L’équation de Bercy est respectée.

« Tous les ménages sont arrosés »

Depuis le Covid et le « Quoiqu’il en coûte », les stimuli budgétaires sont beaucoup moins bien fléchés. « Tous les ménages sont arrosés quel que soit le revenu. Or, on peut dire qu’au-dessus de 2,1 smic, une personne qui reçoit encore de l’aide va avoir tendance à épargner », poursuit Anne-Sophie Alsif. Elle cite notamment l’indexation des retraites sur l’inflation. La dernière a coûté 25 milliards d’euros, dont 19 ont été épargnés – soit 75 % du montant, qui ne fourniront aucune TVA.

France s Public Accounts Minister Amelie de Montchalin during a debate session on the first part of the draft budget law for 2026 at the Assemblee Nationale. Paris, France. November 17, 2025.//01ACCORSINIJEANNE_AN.0015/Credit:JEANNE ACCORSINI/SIPA/2511171826
France s Public Accounts Minister Amelie de Montchalin during a debate session on the first part of the draft budget law for 2026 at the Assemblee Nationale. Paris, France. November 17, 2025.//01ACCORSINIJEANNE_AN.0015/Credit:JEANNE ACCORSINI/SIPA/2511171826 - JEANNE ACCORSINI/SIPA

Sur l’ensemble de l’année 2025, la consommation des ménages ne devrait connaître qu’une maigre progression de 0,5 %, moitié moins qu’en 2024 (1 %). Et ce malgré un pouvoir d’achat qui a évolué positivement sur les premiers mois cette année, les hausses de salaire étant nettement supérieures à l’inflation. « Le modèle n’intègre pas assez les prévisions d’épargne, et Bercy manque de corrections plus fines sur son modèle », estime Anne-Sophie Alsif. Amélie de Montchalin a annoncé le 13 novembre avoir confié une « mission d’urgence » sur le sujet à « tous les services de Bercy ». Verdict en 2026.

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