Iran; comment Israël prépare déjà la seconde manche
La salle est enterrée sous des mètres de béton. Pas de fenêtre, seulement la lumière froide des écrans et le vrombissement discret des serveurs. C’est là, loin du fracas des bombes, que s’est joué le destin du ciel iranien pendant les douze jours de guerre de juin. Dans cette pièce, les analystes du Service de technologie du renseignement de l’armée de l’air israélienne scrutaient chaque pixel, chaque écho radar, chaque mouvement d’un camion sur une route poussiéreuse de la République islamique.
Sur l’un des écrans, ce soir-là, deux blocs de pixels se sont détachés de la tache lumineuse de Téhéran. Deux systèmes de défense aérienne, déplacés en urgence vers une autre région d’Iran. Le « lieutenant G », officier de défense aérienne, se souvient de l’instant où ses opérateurs ont compris ce qu’ils avaient sous les yeux : non pas une simple rotation d’unités, mais une tentative iranienne de rebâtir un parapluie anti-aérien après les premières frappes israéliennes. En quelques minutes, les données ont été aspirées par le système de fusion du renseignement, recoupées avec des images satellites et des interceptions, puis renvoyées vers l’IAF sous forme de couloirs sûrs et de cibles prioritaires.
La guerre de juin, baptisée plus tard « guerre des Douze Jours », a vu l’aviation israélienne lancer plus de mille sorties contre des cibles en profondeur sur le territoire iranien : sites nucléaires, bases de missiles balistiques, radars longue portée. En face, Téhéran a riposté par un déluge d’environ 550 missiles balistiques et près d’un millier de drones dirigés vers Israël. La plupart ont été interceptés par la combinaison de systèmes israéliens et américains, mais 28 Israéliens ont tout de même perdu la vie et des milliers ont été blessés, rappel brutal que même un bouclier à 90 % de succès laisse des failles meurtrières.
Si aucun avion de chasse israélien n’a été abattu, ce n’est pas seulement grâce aux pilotes. Au-dessus des cartes numériques, l’ITS dessinait en permanence une carte vivante de l’Iran : batteries Bavar-373, Khordad-15, S-300 russes, radars Ghadir, tous repérés, classés, hiérarchisés. Chaque fois que l’un de ces systèmes était déplacé, un algorithme redéfinissait les zones de danger, indiquait quelles vallées survoler, quelles bases frapper, quelles ornières du désert éviter. Sans cette toile invisible, les F-35 et F-15 israéliens auraient avancé beaucoup plus à l’aveugle.
En juin, cette domination technique a permis à Israël de détruire des dizaines de batteries de défense aérienne, de neutraliser une part importante des lanceurs de missiles balistiques iraniens et de frapper des sites clés du programme nucléaire, tout en gardant la maîtrise du ciel au-dessus de l’ouest de l’Iran et de la capitale. Mais la victoire est restée incomplète : les installations souterraines les plus profondes ont été endommagées, non éradiquées, et l’arsenal balistique iranien, bien qu’entamé, n’a pas disparu.
Depuis, à des centaines de kilomètres de là, d’autres machines tournent sans relâche. Selon des responsables iraniens cités par des experts internationaux, les usines de missiles en Iran fonctionnent désormais jour et nuit, avec un objectif clair : être capables, lors du prochain round, de tirer jusqu’à 2 000 missiles en une seule salve, au lieu des quelque 500 tirés sur douze jours en juin. Une tentative assumée de saturer les systèmes de défense israéliens et de transformer la prochaine confrontation en déluge sans précédent.
Face à cela, le « lieutenant G » et ses équipes ne se bercent d’aucune illusion. Dans les briefings, on parle ouvertement d’une guerre « inachevée ». Les analystes reconstituent, écran après écran, la nouvelle architecture de défense iranienne, traquent les signes de reconstitution des batteries abattues, suivent l’apparition de nouveaux radars autour de Natanz, Fordow ou des bases de missiles. Les avions israéliens continuent de s’entraîner à des raids de très longue portée, pendant que les ingénieurs ajustent les logiciels qui, en temps réel, signaleront aux pilotes la moindre ouverture dans un ciel saturé de dangers.
Sur le plan politique, le ton n’est pas moins tranchant. Un haut responsable israélien, cité récemment par la télévision publique, a estimé qu’Israël devrait se fixer pour horizon de renverser le régime iranien avant la fin du mandat du président américain Donald Trump, au motif que la fenêtre d’action se referme à mesure que l’Iran reconstruit ses stocks de missiles et adapte sa doctrine. D’autres responsables se montrent plus prudents, rappelant qu’une chute chaotique de Téhéran pourrait embraser toute la région. Mais tous s’accordent sur un point : la pause actuelle n’est qu’un répit, pas une paix.
Alors, dans le silence de la salle enterrée, les opérateurs de l’ITS reprennent leur veille. Les pixels qui bougent sur leurs écrans ne sont ni des abstractions ni des lignes de code : ce sont des lanceurs, des radars, des colonnes de camions qui, demain peut-être, ouvriront le feu vers Tel-Aviv ou Haïfa. Leur travail n’a rien du spectaculaire des vidéos de frappes aériennes, mais sans eux, aucune supériorité aérienne n’est possible. La prochaine guerre, si elle éclate, se jouera encore dans ce dialogue muet entre les algorithmes israéliens et les radars iraniens – bien avant que le premier missile ne quitte sa rampe.
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