Pretoria invoque le génocide mais ferme sa porte
Pour un pays qui s’érige en procureur moral de la planète, la scène a quelque chose d’embarrassant. Sur les réseaux sociaux, des images montrent des réfugiés gazaouis assis ou allongés à même le sol dans un avion cloué au sol en Afrique du Sud. Motif : les autorités sud-africaines auraient refusé de les laisser entrer sur le territoire. Ironie cruelle pour cet État qui accuse Israël de « génocide » devant la Cour internationale de Justice… tout en renvoyant loin de ses frontières ceux qu’il présente comme les victimes de ce même crime.
Selon des informations relayées notamment par le canal Telegram Abu Ali Express, le groupe de Gazaouis serait arrivé en Afrique du Sud avec l’espoir d’y trouver un accueil, voire un début de reconstruction de vie. Faute d’autorisation d’entrée, ils auraient finalement été redirigés vers l’Indonésie, nouveau point de chute pour ces réfugiés ballotés au gré des décisions bureaucratiques et des calculs politiques. Dans l’appareil immobilisé, les images d’hommes, de femmes et d’enfants attendant au sol donnent à la scène des airs de huis clos diplomatique : tout le monde voit, mais personne ne bouge.
Le contraste avec la posture affichée par Pretoria sur la scène internationale est saisissant. Depuis décembre 2023, l’Afrique du Sud a engagé une procédure contre Israël devant la Cour internationale de Justice, l’accusant de violer la Convention sur le génocide dans le cadre de la guerre à Gaza. Le pays a multiplié les discours enflammés sur la nécessité de « protéger le peuple palestinien » et s’est posé en héritier de la lutte anti-apartheid, transposée à la cause palestinienne.
Les dirigeants sud-africains n’ont cessé de dénoncer les bombardements, les déplacements forcés de population, les pénuries organisées et d’appeler la communauté internationale à agir. Dans les dossiers déposés à La Haye, Pretoria affirme que les Palestiniens de Gaza sont visés en tant que groupe, évoquant une « volonté de destruction ». Dans ce contexte, on aurait pu imaginer une politique généreuse d’accueil de réfugiés, ne serait-ce que pour quelques centaines de personnes.
La réalité migratoire et sécuritaire sud-africaine est toutefois plus complexe – et nettement moins héroïque que les déclarations à la tribune. Le pays est confronté à une crise économique persistante, à un chômage massif, à des violences récurrentes contre les étrangers et à une contestation interne de sa politique étrangère jugée parfois plus symbolique que concrète. Ouvrir grand la porte à des réfugiés gazaouis, même peu nombreux, reviendrait à assumer sur le sol national ce que Pretoria dénonce chez les autres : l’obligation d’héberger, protéger, scolariser et soigner des populations traumatisées par la guerre.
D’un point de vue strictement juridique, rien n’oblige l’Afrique du Sud à accueillir les personnes qu’elle présente comme victimes de crimes internationaux. La Convention sur le génocide encadre la prévention et la répression du crime, pas la politique d’accueil des réfugiés. Mais sur le plan moral et politique, l’épisode ressemble à un faux pas. Difficulté, en effet, de réclamer des corridors humanitaires, d’appeler les pays occidentaux à ouvrir leurs frontières aux Palestiniens, tout en renvoyant soi-même un avion chargé de familles vers un autre continent.
Cet épisode s’inscrit dans une tendance plus large : de nombreux États aiment plaider la grande cause palestinienne dans les forums internationaux, mais restent très prudents lorsqu’il s’agit d’accueil concret de réfugiés. Entre soutien verbal et engagement réel, il y a souvent un gouffre – surtout lorsque l’opinion publique locale se montre déjà inquiète d’une immigration perçue comme incontrôlée.
Pour Israël et ses soutiens, la scène fournit en tout cas un argument commode : si même le pays qui mène la charge contre l’État hébreu à La Haye rechigne à accueillir des Gazaouis, que vaut réellement sa posture morale ? Les autorités israéliennes ne manqueront pas de souligner cette contradiction pour délégitimer le discours sud-africain, déjà critiqué par certains juristes qui jugent l’accusation de génocide juridiquement discutable.
Pour les réfugiés concernés, en revanche, la bataille de communication importe peu. Ce qu’ils retiendront de ce passage par l’Afrique du Sud, ce ne sont ni les plaidoiries devant la Cour internationale de Justice ni les grandes déclarations à l’ONU, mais des heures passées sur le sol d’un avion, dans un pays qui affirme parler en leur nom sans vouloir réellement les recevoir. Entre grands principes et réalité du tarmac, le fossé n’a peut-être jamais paru aussi visible.
Jforum.fr
Similaire
La rédaction de JForum, retirera d’office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.
La source de cet article se trouve sur ce site


L’hypocrisie criante de ces pays .