Les entreprises israéliennes de nouveau exclues d’un salon en France
La tenue de Milipol Paris, grand rendez-vous mondial de la sécurité intérieure, s’ouvre le 18 novembre dans un climat tendu. Depuis plusieurs jours, des ONG françaises ont mis en demeure les organisateurs et Matignon d’écarter les entreprises jugées liées, directement ou indirectement, aux livraisons d’armes à Israël. Cette pression place le salon face à un dilemme récurrent : protéger sa neutralité commerciale ou répondre à une exigence politique et morale qui s’exprime de plus en plus bruyamment dans l’espace public.
Si l’édition 2025 n’a pas officiellement annoncé l’exclusion totale du pavillon israélien, l’épisode ravive un précédent lourd. En juin, au Salon du Bourget, les stands des principaux groupes israéliens avaient été partiellement masqués par des parois noires, après une injonction des autorités françaises de retirer tout matériel « offensif ». La mesure, spectaculaire, avait déclenché une tempête diplomatique et des accusations de traitement discriminatoire. Quelques mois plus tôt, en 2024, la France avait déjà frappé fort en interdisant les sociétés israéliennes à Eurosatory, autre vitrine stratégique de l’armement terrestre. À travers ces séquences, un fil rouge apparaît : l’espace des salons parisiens devient un terrain d’expression privilégié des choix politiques de Paris au sujet du conflit israélo-palestinien, avec des effets concrets pour les industriels.
Milipol, lui, occupe une niche particulière : frontières, cybersécurité, contrôle, intervention, C2 — des technologies où Israël a bâti une réputation d’efficacité et d’innovation. Les appels à bannir tel ou tel exposant ne relèvent donc pas seulement d’une posture symbolique ; ils touchent à la compétition industrielle. C’est pourquoi des voix, à Jérusalem comme dans le secteur, y voient un mélange de calcul diplomatique, de réponse à l’opinion et de protection de parts de marché. À l’inverse, les partisans des restrictions estiment qu’il est impossible de compartimenter : ce qui s’expose à Villepinte finit par s’exporter, avec des conséquences humaines directes sur des théâtres de guerre.
La séquence diplomatique renforce encore la charge politique de l’événement. À la suite de la reconnaissance par Paris de l’État de Palestine en septembre, Emmanuel Macron a reçu Mahmoud Abbas et annoncé une commission conjointe destinée à accompagner la construction institutionnelle palestinienne. Ce signal, assumé, s’inscrit dans une stratégie plus large : pousser le « jour d’après » en soutenant la réforme de l’Autorité palestinienne, la reconstruction de Gaza et une trajectoire à deux États. Dans ce contexte, la symbolique de qui a le droit — ou non — d’exposer sur le sol français prend une portée nouvelle.
Reste la question clé pour Milipol : comment concilier son statut de salon professionnel — où se négocient des contrats sensibles — avec une opinion publique polarisée et des décisions souveraines qui évoluent rapidement ? À court terme, il est probable que les organisateurs privilégient une solution « au scalpel » : tolérer la présence d’entreprises sous conditions strictes (pas d’armements « offensifs », pas de démonstrations litigieuses), quitte à assumer des frictions avec certains gouvernements et exposants. À moyen terme, la tendance européenne à politiser les grandes foires d’armement semble s’installer. Pour les entreprises israéliennes, la France n’est plus un hub commercial neutre mais un espace à haute variabilité réglementaire. Pour Paris, chaque salon devient une scène diplomatique où se lisent ses choix et ses lignes rouges. Et pour Milipol, l’édition 2025 pourrait faire jurisprudence : ce que décidera Villepinte la semaine prochaine dira beaucoup de la façon dont l’Europe entend désormais relier sécurité, industrie et responsabilité politique.
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