Corée du Nord : « Je recommande à tout le monde d’y aller »… Sur la plage de Wonsan, tapis rouge pour les touristes russes

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Toboggans colorés, plage de sable fin, buildings à l’apparence bien léchée… Non, ce n’est Miami dont il s’agit mais bien de la Corée du Nord. Après des années de construction, le régime nord-coréen a inauguré son immense station balnéaire Wonsan Kalma, dans le sud-est du pays, le 1er juillet dernier. Le complexe, qui se targue de pouvoir accueillir 20.000 personnes, ambitionne de développer le tourisme local. « Le tourisme domestique et international a été décrété par Kim Jong-un comme axe important de sa politique depuis une dizaine d’années », explique Manon Prud’homme.

La doctorante spécialiste de la Corée du Nord à l’École des hautes études en sciences sociales précise que Wonsa Kalma n’est pas la seule station balnéaire du pays, même si elle marque par son « ampleur titanesque ». Depuis son inauguration, cette zone touristique côtière, qui fait face à la mer du Japon, n’a ouvert ses portes qu’aux Russes. Et en mai, le blogueur spécialisé dans les voyages Konstantin Kaskaev a fait partie des quelques « chanceux » à visiter l’un des pays les plus fermés au monde.

Une vitrine de l’amitié entre Russie et Corée du Nord

« J’ai passé cinq jours à Pyongyang et deux jours au cœur des monts Myohyang [un ensemble montagneux du centre du pays] », raconte Konstantin Kaskaev, qui a voulu se rendre en Corée du Nord dès qu’elle s’est ouverte aux visiteurs étrangers. « Je recommande à tout le monde d’y aller, c’est très inhabituel », glisse-t-il alors que la Corée du Nord a fermé ses frontières aux touristes depuis la pandémie de Covid-19. Seuls ses proches alliés, à l’instar de la Chine ou de la Russie, bénéficient de dérogations.

Pour Manon Prud’homme, c’est « limpide » : si les Russes peuvent aller en Corée du Nord et font partie des seuls à pouvoir fouler le sable de Wonsan Kalma, c’est que le pays « montre son alliance avec la Russie ». Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, Pyongyang et Moscou se sont en effet intensément rapprochés. D’après les services de renseignement sud-coréens, environ 10.000 Nord-Coréens sont déployés près de la frontière russo-ukrainienne.

L’arrivée de touristes russes en Corée du Nord montre donc « que la Russie redevient un allié, un partenaire économique et politique assez fort, alors que la Chine s’était un peu retirée », note la spécialiste du pays. Un soin tout particulier est d’ailleurs accordé à ces touristes russes. « Les guides s’expriment en russe, c’est pratique. Nous avons même assisté à un concert en russe, juste pour nous, où des chansons russes et nord-coréennes ont été chantées », se remémore Konstantin Kaskaev. Comme une ode à l’amitié russo-nord-coréenne.

Des devises étrangères dans le marché nord-coréen

Au-delà du rapprochement entre Kim Jong-un et Vladimir Poutine, le tourisme russe en Corée du Nord « permet de faire rentrer des devises étrangères dans le pays, explique Manon Prud’homme. Il existe l’économie officielle, mais aussi un marché noir et un marché gris en Corée du Nord. Le marché noir a été mis en place dans les années 1990 lors de la famine, afin de faire rentrer des produits venus de Chine, avec laquelle le pays partage une longue frontière. Quant au marché gris, il permet à l’Etat et aux citoyens d’accéder à des produits spécifiques, comme les matières premières qui ont permis de construire la station balnéaire de Wonsan. »

Les devises étrangères permettent d’acheter des produits plus onéreux alors que la monnaie nord-coréenne est particulièrement faible. « En 2019, le billet le plus élevé était de 5.000 wons et ne valait même pas 1 euro », illustre Manon Prud’homme, qui a visité le pays à deux reprises. Nombre de Nord-Coréens utilisent donc des monnaies étrangères, notamment le dollar américain, pour de grosses transactions comme l’achat d’un logement. « Les étrangers payent en dollars, en rouble ou en yuan, explique Konstantin Kaskaev. J’ai réussi à changer discrètement des dollars en wons nord-coréens, au taux de 1 dollar pour 25.000 wons. »

Un séjour touristique sous haute surveillance

Si les touristes russes ont le « privilège » de passer la frontière, ils ne sont pas pour autant dispensés de respecter les règles et de payer le prix fort. « Ça reste des voyages réservés à des gens qui ont des capacités financières », souligne Manon Prud’homme. Konstantin Kaskaev explique avoir payé 150.000 roubles, soit environ 1.600 euros. L’équivalent de son « salaire mensuel », confie l’influenceur voyage.

Et les visiteurs sont bien sûr surveillés. « Où que nous soyons, nous étions accompagnés de guides ! les touristes n’ont pas le droit de photographier les chantiers, les militaires… On ne nous autorisait à sortir de l’hôtel que pour fumer sur le perron. Et l’hôtel se trouvait sur une île au milieu de la rivière Taedong », témoigne le Russe.

La surveillance est donc constante « mais il est difficile d’être surpris. Vous devez signer une décharge disant que vous ne pourrez pas sortir le soir de votre hôtel ou quitter votre groupe lors des excursions », note Manon Prud’homme. Si les pieds des touristes russes peuvent désormais fouler le sable de Wonsan Kalma, leurs yeux, eux, n’ont toujours pas le droit de s’aventurer au-delà.

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