Laissez donc Tom Cruise continuer de faire des cabrioles insensées à 86 ans dans le dernier opus de « Mission Impossible » et arrêtez de chercher qui pourra enfin succéder dignement à Pierce Brosnan dans le prochain « James Bond ». Le vrai bon film d’espionnage nous vient de France. La distribution est pas mal : Marcoussis comme lieu de tournage, Fabien Galthié en réalisateur, le XV de France en personnage principal et les Sud-Africains dans le rôle habituel du vilain petit canard.
Car avant de se rentrer dans le lard ce samedi soir au Stade de France (21h10), Bleus et Boks se sont livrés au petit jeu du chat et de la souris pendant la semaine de préparation. Le tout pour évidemment donner le moins d’indices possibles à la concurrence en vue de cette « revanche » du quart de finale du Mondial 2023 où les coéquipiers de Cheslin Kolbe avaient envoyé la France entière chez le psy pour des mois afin de régler ces troubles de stress post-traumatique.
« Toute la semaine, on a répété aux Français ce match perdu d’un point, il va y avoir une sorte de frustration à évacuer, explique à 20 Minutes Joe Niekerk, ancien international sud-africain (52 sélections) et légende du RC Toulon. Et du côté des Boks, je pense qu’on est sur une des meilleures équipes du monde tout sport confondus, qui pourrait aller chercher un troisième titre mondial consécutif. Ça va être accroché. »
Des invités gênants aux entournures
Tellement accroché que tout le monde a pris ses précautions. Habitué à donner sa compo d’équipe le lundi, Rassie Erasmus a attendu jeudi en début d’après midi pour annoncer ses 23 gaillards avides de sang, soit quelques minutes après que Fabien Galthié a officialisé sa composition d’équipe. Le sélectionneur des Bleus a, lui, pris d’autres dispositions pour garder secret la stratégie mise en place pour le choc, et pas seulement en mettant des verres teintés à ses lumières.
En raison notamment de la présence de l’équipe U20 sud-africaine à Marcoussis durant cette préparation, l’ancien n°9 a décidé de cacher un peu son jeu : une petite partie de l’entraînement, celle où avants et arrières sont séparés, ouverte aux médias, des conférences de presse où la stratégie a été mise de côté… Du jamais vu hors période de Coupe du monde. « On n’a pas peur, mais on fait en sorte d’être tranquille », nous a-t-on expliqué dans l’entourage des Bleus.
« Il n’y a aucun espionnage, a affirmé Fabien Galthié jeudi. Il y a des précautions à prendre dans la préparation et dans l’approche stratégique comme avant tout test-match. » Mais encore plus cette fois avec les petits Springboks qui s’entraînent à quelques mètres et dont le staff pourrait, par hasard évidemment, venir zyeuter l’entraînement des Bleus pour donner des tips à Rassie Erasmus.
« On ne s’approche jamais de leur terrain »
Croisé inopinément dans les allées de Marcoussis, Kevin Foote, le sélectionneur des Juniors Springboks, a souri quand on lui a parlé d’espionnage : « Je peux comprendre la peur des Français, mais ils n’ont pas de souci à se faire. On est juste reconnaissant de pouvoir être ici, dans ces conditions parfaites, dans un endroit vraiment merveilleux. On ne s’approche jamais de leur terrain, on joue plus loin. On doit surtout les remercier de nous permettre de bénéficier de tout ça. »
Doit-on vraiment les croire, tant les Boks sont passés maîtres dans l’art de dénicher tous les petits détails qui pourraient leur faciliter un match ? Avant ce funeste quart de finale de 2023, le staff sud-africain s’était servi d’une vidéo extraite de la websérie « Destins Mêlés » produite par la FFR pour décrypter les rucks français. En juillet dernier Warren Gatland, ancien sélectionneur du pays de Galles affirmait, lui, que Sud-Africains avaient « espionné » les Lions britanniques en 2021 :
« On ne comprenait pas comment pouvaient-ils avoir autant d’informations sur nous. Nous avons commencé à nous entraîner à l’intérieur, dans une salle de sport, pour éviter d’être observés. Mais nous avions toujours l’impression d’être filmés. Nous soupçonnions qu’ils utilisaient un objectif longue portée pour nous filmer depuis un endroit proche. »
« La stratégie, on la gardera pour nous »
Des accusations évidemment démenties par Rassie Erasmus : « Il faut que ça cesse. Si on commence à raconter chaque anecdote sur chaque événement improbable ou invérifiable, on va entendre beaucoup d’histoires comme celle-ci. Je ne veux pas que les gens croient que ce genre de choses se passe réellement en coulisses. » L’ancien coach des Stormers avait même ironisé à une soi-disant preuve avancée par Gatland, en tweetant sur une photo du plan de jeu des Boks : « Ils ont réussi à déchiffrer notre plan de jeu en afrikaans. Bravo, excellent espionnage. »
Notre dossier sur le XV de France
« J’ai entendu parler d’espionnage, mais je ne suis pas sûr que ça soit vrai, je crois que c’est de la spéculation, nous glisse Joe Van Niekerk. Moi, je n’ai jamais connu ça. Il peut aussi y avoir une guerre psychologique, quand des choses sont dites, ça peut créer des tensions, et c’est intéressant que les deux coachs aient cette dynamique. » A Marcoussis, on n’a pas vu d’émissaires sud-africains se cacher dans les buissons ou de drones étrangers survoler le terrain pour observer les plans secrets de Galthié.
« C’est vrai qu’on a mis quelques précautions pour être sûr que notre plan de jeu soit préservé jusqu’à samedi soir, a souri le demi de mêlée Nolann Le Garrec, qui débutera à la charnière accompagné de Romain Ntamack. Ça nous tient à cœur aussi de pouvoir être entre nous jusqu’à samedi soir. La stratégie, on la gardera pour nous. »
Malgré toutes les précautions prises, on a assisté à un drame qui a failli tout compromettre (ou presque) : avant que les joueurs n’arrivent sur le terrain d’entraînement mercredi, sur l’écran géant installé au bord de la ligne de touche, des plans sur le jeu au pied des Boks ont été diffusés pendant quelques secondes avant d’être vite zappés. Des informations confidentielles qui pourraient valoir chères. Faire offre.
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