Porush secoue Rabin : « C’est Mama Rahel qui pleure ! »
Chaque automne, lorsque les pluies d’hiver commencent à arroser la terre d’Israël, une étrange synchronicité se produit dans le calendrier hébraïque. Le 11 Heshvan commémore la disparition de Rahel Imenou, la matriarche dont les pleurs résonnent à travers les siècles comme un appel à la compassion divine. À peine vingt-quatre heures plus tard, le 12 Heshvan, la nation se recueille pour l’assassinat d’Itshak Rabin, le 4 novembre 1995, un jour qui a marqué la politique israélienne d’une cicatrice indélébile. Cette proximité temporelle, survenue il y a trente ans, tisse un fil invisible entre une figure ancestrale de la Bible et un leader moderne, un pont entre l’exil éternel du peuple juif et les tourments contemporains de la paix.
Rahel, épouse de Jacob et mère de Joseph et Benjamin, n’est pas une ombre du passé. Son histoire, narrée dans la Genèse, incarne la souffrance et l’espoir : morte en couches près de Bethléem, elle fut enterrée sous un arbre, un lieu que Jacob transforma en pilier de mémoire. Au fil des millénaires, ce site – connu comme le tombeau de Rachel – est devenu un phare spirituel pour les Juifs, un endroit où l’on prie pour la guérison, la rédemption et le retour des exilés. Les textes talmudiques la dépeignent comme une mère en deuil, intercédant auprès de Dieu pour ses enfants dispersés. Aujourd’hui, ce sanctuaire attire des milliers de pèlerins, malgré les tensions sécuritaires, et symbolise l’attachement viscéral d’Israël à ses racines bibliques.
C’est dans ce contexte chargé que s’inscrit une anecdote peu relatée, mais pivotale, survenue au cœur des négociations des accords d’Oslo en 1993. À l’époque, Israël envisageait de céder des territoires à l’Autorité palestinienne, redessinant les frontières avec une audace qui divisait le pays. Parmi les points litigieux : Bethléem, berceau de David et lieu du tombeau de Rachel, risquait de passer sous contrôle palestinien, isolant potentiellement ce joyau juif derrière des barrières hostiles. Hanan Porat, figure emblématique de la droite sioniste religieuse et cofondateur du mouvement Goush Emounim, ne pouvait tolérer cette perspective. Bouleversé, il obtint une audience auprès de Rabin pour plaider la cause, armé de cartes détaillées et d’arguments mêlant droit historique et enjeux sécuritaires.
À la porte du bureau du Premier ministre, Porat croise Menahem Porush, député ultra-orthodoxe au tempérament de feu, qui insiste pour se joindre à la délégation. La réunion s’ouvre sur une exposition méthodique : Porat déroule les cartes, soulignant comment l’accès au tombeau serait compromis, transformant un lieu de prière en zone d’isolement. L’atmosphère est tendue, mais c’est alors que Porush explose. Dans un geste spontané, il agrippe Rabin par les épaules, le secoue avec une ferveur presque prophétique, et hurle d’une voix brisée : « Reb Itshak, c’est Mama Rahel ! » Les larmes jaillissent, trempant la veste impeccable du Premier ministre. « Comment peux-tu l’enterrer hors de la clôture, loin de ses enfants ? » gémit-il, évoquant l’image biblique de Rachel pleurant ses fils sur les routes de l’exil.
Rabin, pris au dépourvu par cette irruption émotionnelle, tente de tempérer : « Menahem, reprends-toi, tu vas te trouver mal. » Mais l’appel au cœur de l’homme – cet « Reb Itshak » qui rappelle le Rabin rabbin formé dans sa jeunesse – fait mouche. Le visage du leader blêmit puis rosit, signe d’un trouble profond. Porat, témoin de la scène, racontera plus tard avec une émotion intacte : « J’ai vu un géant vaciller, touché au plus intime de son être juif. » Sans un mot de plus, Rabin demande un instant de réflexion. Il décroche son téléphone et, sous les yeux des deux hommes, compose le numéro de Shimon Peres, son partenaire dans les négociations. « Revois la question du tombeau de Rachel, ordonne-t-il d’une voix ferme. C’est plus qu’une carte ; c’est notre âme. »
Ce revirement n’est pas anecdotique. Les cartes d’Oslo furent amendées : le site resta sous souveraineté israélienne, un îlot bleu dans un océan de zones palestiniennes, protégé par des checkpoints et des prières quotidiennes. Cette décision, née d’un cri larmoyant, illustre comment l’héritage spirituel peut peser sur les équilibres géopolitiques. Elle préfigura aussi les fractures internes d’Israël : tandis que Rabin avançait vers la paix, des voix comme celle de Porat rappelaient les racines indissolubles avec la terre promise. Trente ans après, lors des commémorations annuelles, des milliers se rassemblent au tombeau – hommes en talith, femmes en châles de prière – pour allumer des cierges et psalmodier les Psaumes, un rituel qui transcende les clivages politiques.
L’assassinat de Rabin, deux ans plus tard, par un extrémiste juif opposé à Oslo, ajoute une couche tragique à cette saga. Le 12 Heshvan devint un jour de deuil national, où l’on défile à Tel-Aviv avec des torches, chantant « Shir LaShalom », l’hymne de la paix que Rabin affectionnait. Pourtant, le lien avec Rachel persiste : des rabbins évoquent souvent comment la matriarche, dans ses pleurs, avait « réveillé » en lui un sens profond de la continuité juive, un équilibre entre concession et fidélité. Aujourd’hui, face aux défis persistants – roquettes du Hamas, incitations à la haine –, ce souvenir rappelle que la force d’Israël réside dans son identité plurielle, mêlant audace diplomatique et ancrage spirituel.
Au final, l’histoire de Mama Rahel et de Rabin est un témoignage émouvant de la résilience juive. Israël, en préservant ce tombeau comme un phare intouchable, affirme son droit inaliénable à ses lieux saints. C’est cette vigilance, forgée dans l’émotion et la mémoire, qui protège non seulement les tombes des matriarches, mais l’essence même d’une nation : un peuple qui, contre vents et marées, transforme ses pleurs en bastions de vie. Soutenir Israël, c’est honorer cette flamme éternelle, garante d’une paix ancrée dans la vérité historique et la sécurité absolue.
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