Malgré les risques sanitaires, serait-il encore possible, aujourd’hui, d’effectuer des essais nucléaires ?

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C’est le retour de la bonne vieille menace nucléaire. Alors que les tensions entre Donald Trump et Vladimir Poutine sont de plus en plus palpables, le président américain a décidé, le 28 octobre, de sortir l’artillerie lourde en annonçant sur son réseau Truth Social la reprise, par les Etats-Unis, des essais nucléaires militaires. Le message, laconique, n’en indiquait cependant ni la date, ni le lieu.

Traditionnellement, entre les années 1960 et 1990, les zones les plus désertiques ont été chaque fois privilégiées par les pays ayant décidé de tester leurs capacités de destruction massive : d’abord dans le Sahara Algérien puis sur les îles inhabitées de Mururoa et de Fangataufa, en Polynésie française, pour la France, dans le Nevada pour les Etats-Unis, et dans les grandes plaines du site de Semipalatinsk, au Kazakhstan, pour l’ex-URSS.

La mise en place de normes de sécurité

Qu’ils soient atmosphériques, sous-marins ou souterrains, dès les premiers essais de la France, en 1957, la question de la localisation s’est posée. La France souhaitait se doter de l’arme atomique, mais avait besoin de se faire la main. Alors, dès le début, pour éviter tout incident humain et limiter au maximum les retombées environnementales des tirs atmosphériques, des normes de sécurité ont été mises en place.

Régime habituel des vents, prévisions météorologiques à 48 heures, puis à 10 heures : toutes les hautes et basses couches de l’atmosphère sont passées au crible avant chaque tir. Et des distances de sécurité vis-à-vis des populations sont également établies par la Commission Consultative de Contrôle (CCC) d’après les recommandations de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR), en fonction de l’irradiation estimée.

« Pour les populations, la dose maximale admissible annuelle était fixée par la CCS à 15 mSv en 1960 puis 5 mSv à partir de 1961 », détaille un rapport parlementaire de février 2002. Des chiffres qui semblent, aujourd’hui, bien trop élevés, la quantité estimée sans aucun danger étant désormais fixée à 1 mSv par an, selon l’Autorité de la sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), bien qu’un Français soit, en moyenne, exposé à 4,5 mSv chaque année.

Une mésestimation des retombées atmosphériques

Si la plupart des sites sélectionnés pour effectuer des tirs atmosphériques ou souterrains se situent, à cette époque, à 100 ou 150 km de la ville la plus proche, beaucoup de campements, notamment lors des essais en Algérie, se trouvent à moins de 30 km. Et la plupart des retombées post-tirs, notamment dans l’atmosphère, sont parfois mesurées à plus de 200 km. Les calculs ne sont donc pas bons.

« C’était insuffisant et on le sait aujourd’hui, affirme Pauline Boyer, chargée de campagne nucléaire pour Greenpeace France. Les essais nucléaires ne sont ni plus ni moins que des explosions atomiques. Et on a constaté une augmentation de la radioactivité ambiante dans le monde entier à la suite des essais nucléaires français, mais aussi des autres pays ».

A l’époque déjà, l’exposition de certaines populations à la radioactivité générée par les essais est considérée comme inévitable. Et les personnes les plus vulnérables sont classées en deux catégories : le personnel employé sur les sites et des armées, du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et des entreprises, et les populations voisines des champs de tir.

La planète « saupoudrée » de produits radioactifs

« La population a aussi servi de test. Car lors des essais, on n’expliquait à personne le danger qu’il y avait à rester là. Les militaires aussi ont servi de chair à canon. En Algérie, certains d’entre eux ont même été envoyés au centre des cratères des tirs nucléaires. Ils sont nombreux à avoir perdu la vie à cause de ça », affirme l’activiste de Greenpeace. Cette dernière est d’ailleurs catégorique : « Le nucléaire militaire est profondément raciste et colonialiste dans son approche. »

Mais les nuages radioactifs ne connaissent pas les frontières. Et leurs trajectoires, trop difficilement mesurables, finissent par toucher rapidement d’autres territoires. « Il y a eu tellement de tirs dans l’hémisphère nord, dans les années 1960, que les sols ont été contaminés. Par exemple, si vous achetez du vin de ces années-là, on retrouve, dedans, des produits de fission liés aux bombes atmosphériques. On a, en fait, saupoudré la planète de produits radioactifs », illustre Geneviève Baumont, experte retraitée de l’Institut de recherche pour la sûreté nucléaire (IRSN).

La radioactivité contenue dans des cavités

Pour éviter ces « déconvenues », la France choisit donc, dès le début des années 1960, de déporter les essais souterrains dans les massifs montagneux et granitique algériens.

L’un d’eux situé à 150 km au nord de Tamanrasset, « a un pourtour de 40 km environ et se situe entre 1.500 et 2.000 m d’altitude » détaille le rapport de 2002. Les tirs étaient ainsi effectués tout au fond de galeries d’une longueur d’environ 1 km qui se terminaient « en colimaçon de telle manière que l’effet mécanique du tir sur la roche provoque la fermeture de la galerie. Un bouchon de béton fermait l’entrée de la galerie à la sortie », décrit le document parlementaire. Le but étant de confiner la totalité des produits et éléments radioactifs dans la cavité créée par le tir.

Sauf que, là encore, des incidents se produisent, et quatre essais souterrains sur les treize réalisés entre novembre 1961 et février 1966 dans le Hoggar, en terres algériennes, n’auraient pas été totalement contenus ou confinés. De nouveaux tests seront tout de même effectués dans les sous-sols et sous les lagons des atolls polynésiens entre 1975 et 1991.

Des modèles simulés en laboratoire

Depuis les derniers essais français qui ont eu lieu en janvier 1996, décision a finalement été prise de retourner en laboratoire, pour des raisons de sécurité évidentes. « Aujourd’hui, nous avons les moyens de simuler la fusion nucléaire et de vérifier les capacités d’une bombe grâce à des modèles, et en utilisant des quantités infimes », indique Geneviève Baumont.

Installé près de Bordeaux, le centre CEA-Cesta en charge de la conception d’ensemble des têtes nucléaires de la dissuasion française a, par exemple, réussi à concevoir en laboratoire des armes nucléaires telles que les bombes thermonucléaires. Pour Pauline Boyer, « ça serait, d’ailleurs, totalement délirant, aujourd’hui, avec ce qu’on sait sur l’exposition aux radiations nucléaires et aux nuages radioactifs, de reprendre des essais nucléaires n’importe où sur terre ».

Avec 8 milliards d’habitants installés aux quatre coins du monde et une biodiversité et des écosystèmes déjà fragilisés, aucun endroit au monde ne pourrait donc, aujourd’hui, accueillir de nouveaux essais sans causer des dommages graves et irréversibles.

Une interdiction complète des essais nucléaires

Au total, 210 essais nucléaires ont, en définitive, été réalisés par la France entre 1960 et 1996, et plus de 2.000 au niveau mondial entre 1945 et 2017.

Point de détail, un traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) a été signé par 187 pays, dont les Etats-Unis, le 10 septembre 1996, à New York. Néanmoins peu contraignant, Donald Trump n’aura pas à contourner ce texte qui n’est encore jamais entré en vigueur et vaut comme un simple moratoire international. Bien que, depuis leur signature, aucun des 187 pays signataires n’ait osé briser ce serment.

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