La Gestapo la surnommait “la femme la plus dangereuse d’Europe.”
Elle marchait en boitant, appuyée sur une jambe de bois qu’elle avait baptisée Cuthbert.
France occupée, 1942.
Les soldats nazis contrôlaient chaque route, chaque village, chaque ombre.
La Gestapo avait des informateurs partout.
Un seul mot de travers pouvait signifier la torture — ou la mort.
Et au milieu de ce cauchemar, une femme, avec son panier et son foulard, les faisait passer pour des imbéciles.
Elle boitait dans les marchés.
Elle bavardait avec les paysans.
Elle versait le lait, balayait les planchers.
Et pendant que les officiers nazis la prenaient pour une simple paysanne, elle coordonnait des opérations de sabotage qui mettaient en pièces leurs lignes d’approvisionnement.
La Gestapo savait qu’une main dirigeait ces attaques.
Mais impossible de découvrir à qui elle appartenait.
On l’appelait La Dame qui boite.
Son vrai nom était Virginia Hall.
Née à Baltimore en 1906, Virginia était brillante, aventureuse, et parlait couramment le français, l’allemand, l’italien et le russe.
Elle rêvait de devenir diplomate — de servir son pays sur la scène internationale.
Mais en 1933, un accident de chasse en Turquie changea tout.
Elle se tira accidentellement une balle dans le pied gauche.
La gangrène s’installa. Les médecins durent amputer sous le genou.
On lui posa une jambe de bois. Elle l’appela “Cuthbert.”
Le département d’État américain avait une règle : aucun amputé dans la diplomatie.
Malgré ses compétences, malgré ses langues, malgré sa détermination — sa carrière semblait terminée.
Du moins, c’est ce qu’ils croyaient.
Quand la Seconde Guerre mondiale éclata et que la France tomba sous l’Occupation en 1940, Virginia refusa de rester les bras croisés.
Si son propre pays ne voulait pas de ses talents, la Grande-Bretagne, elle, les accepterait.
En 1941, elle fut recrutée par le SOE — l’armée secrète de Churchill, chargée de mener le sabotage derrière les lignes ennemies.
Elle devint l’une des toutes premières femmes agents de terrain envoyées en France occupée.
Sa couverture : journaliste américaine pour le New York Post.
Sa véritable mission: organiser les réseaux de résistance, coordonner les parachutages d’armes, libérer des agents capturés, recueillir des renseignements sur les mouvements de troupes allemandes, et détruire la machine de guerre nazie de l’intérieur.
Et elle excellait dans cet art.
Elle cachait des messages codés dans des articles de journaux.
Elle plaçait des signaux secrets à l’aide de pots de fleurs aux fenêtres.
Elle transmettait des informations dissimulées sous des verres de cocktail dans les cafés.
Elle coordonnait les parachutages d’armes et de vivres aux résistants français.
Elle se déplaçait sans cesse, ne dormant jamais deux nuits au même endroit.
Elle possédait des refuges dans tout Lyon. Elle connaissait chaque ruelle, chaque échappatoire.
Et la Gestapo devenait folle à l’idée de la capturer.
En 1942, Klaus Barbie, le sinistre Boucher de Lyon, la déclara “la plus dangereuse espionne alliée de France.”
Des affiches “Wanted” furent placardées, décrivant une femme boiteuse.
L’étau se resserrait.
Virginia devait fuir.
À la fin de 1942, traquée à travers tout le sud de la France, elle tenta une évasion désespérée :
traverser les Pyrénées à pied, jusqu’à l’Espagne neutre.
En novembre.
En plein hiver.
À travers les cols enneigés.
Sur une jambe valide et une jambe de bois.
Le périple fut terrible.
Cuthbert — sa prothèse — s’enfonçait douloureusement dans sa chair à chaque pas.
Le froid mordait. Le terrain était traître.
À un moment, elle envoya un message radio à ses supérieurs :
« Cuthbert me cause des ennuis. »
Réponse du QG de Londres, croyant qu’il s’agissait d’un homme :
« Si Cuthbert vous pose problème, éliminez-le. »
Elle parvint à passer. De justesse.
N’importe qui d’autre aurait arrêté là.
Aurait accepté un poste de bureau.
Aurait laissé les autres prendre la relève.
Pas Virginia Hall.
Les Britanniques jugeaient sa couverture trop compromise pour retourner en France.
Alors elle rejoignit l’OSS — l’organisation américaine qui deviendrait plus tard la CIA — et y retourna quand même.
Cette fois, elle se transforma entièrement.
Elle se teignit les cheveux en gris.
Elle lima ses dents pour changer son apparence.
Elle apprit à marcher autrement, dissimulant sa boiterie derrière une démarche de vieille paysanne appuyée sur une canne tordue.
Elle devint une humble livreuse de lait.
En 1944, à 38 ans, avec sa jambe de bois, elle sauta en parachute de nouveau sur la France occupée.
Là, elle organisa des groupes de résistants dans tout le pays.
Sous sa direction, les partisans français détruisirent des ponts, firent dérailler des trains, coupèrent des lignes téléphoniques, tendirent des embuscades aux convois allemands.
La France occupée devint un enfer pour ses occupants.
Ses réseaux tuèrent plus de 150 soldats allemands et en capturèrent 500.
Ils sabotèrent les lignes ferroviaires destinées à ravitailler la défense allemande face au Débarquement.
Elle transmettait aux Alliés les coordonnées de bombardements, orientait les maquisards, planifiait les frappes.
À elle seule, elle incarnait un service secret complet.
Quand la France fut libérée en 1944, Virginia Hall avait passé plus de temps derrière les lignes ennemies que presque tout autre agent allié.
En 1945, elle devint la seule femme civile à recevoir la Distinguished Service Cross, la deuxième plus haute distinction militaire américaine, pour héroïsme exceptionnel au combat.
Le général Donovan voulut lui remettre la médaille lors d’une cérémonie publique.
Virginia refusa.
Trop de publicité, dit-elle.
Elle préférait rester dans l’ombre.
Après la guerre, elle rejoignit la CIA et travailla encore quinze ans dans le renseignement.
Elle n’écrivit jamais de mémoires.
Ne donna jamais d’interview.
Ne chercha jamais la gloire.
Elle prit sa retraite paisiblement dans une ferme du Maryland.
Quand elle mourut en 1982, le monde ignorait presque tout de ce qu’elle avait accompli.
Pendant des décennies, son histoire resta classée secret défense.
Oubliée.
Enfouie dans les archives.
Mais l’Histoire finit toujours par faire remonter à la surface les êtres extraordinaires.
Aujourd’hui, Virginia Hall est reconnue comme l’une des plus grandes espionnes de tous les temps.
Une femme qui transforma le rejet en résilience.
Qui sut rendre invisible son handicap quand il fallait — et en faire une arme quand il le fallait.
Qui déjoua la Gestapo, ridiculisa Klaus Barbie, et contribua à libérer la France — tout cela sur une jambe de bois nommée Cuthbert.
Elle ne s’est pas contentée de combattre les nazis.
Elle les a terrifiés.
Et elle le fit sous leurs yeux,
tandis qu’ils ne voyaient en elle qu’une pauvre paysanne boiteuse,
incapable, pensaient-ils, de représenter le moindre danger.
Son nom était Virginia Hall.
Et elle fut la femme la plus dangereuse d’Europe.
Source: Meta
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