Petit-déjeuner à New York, dîner à Tel Aviv
Le supersonique silencieux décolle enfin.
Vingt ans après la fin du Concorde, l’aviation vient de tourner une page : le X-59, démonstrateur « supersonique silencieux » de la NASA construit par Lockheed Martin, a réussi son premier vol d’essai au-dessus du désert californien. Au lever du jour, l’appareil a quitté l’usine de Palmdale (Plant 42) pour rejoindre la base d’Edwards, où il s’est posé sans incident après une boucle d’environ une heure, escorté par un avion de poursuite. Objectif de cette campagne : prouver qu’il est possible de franchir Mach 1 sans imposer aux riverains le fracas capable de faire vibrer des vitres — et, ce faisant, rouvrir la porte aux vols commerciaux supersoniques au-dessus des terres.
Le pari technologique est visible au premier coup d’œil. Avec son fuselage interminable, son nez d’environ douze mètres et son entrée d’air située au-dessus du fuselage, le X-59 étire et répartit les ondes de choc afin d’empêcher leur coalescence en « bang » explosif. Au sol, la signature attendue n’est plus qu’un « coup sonique » étouffé, comparé au claquement d’une portière. À l’intérieur, autre singularité : pas de pare-brise frontal classique. Le pilote s’appuie sur un système de vision externe (caméras + écran haute définition) qui restitue le champ visuel tout en préservant la forme aérodynamique optimale.
Ce premier vol s’est déroulé volontairement en régime subsonique, pour vérifier la navigabilité, les systèmes et les qualités de pilotage. La suite montera progressivement en altitude et en vitesse, jusqu’à atteindre la cible de croisière du programme : Mach 1,4, environ 925 mph (1 490 km/h), à 55 000 ft (≈ 16 800 m). Pour en arriver là, la NASA a investi depuis 2018 plus d’un demi-milliard de dollars dans la conception, l’assemblage et les essais au sol (dont des mises en puissance moteur jusqu’à la post-combustion) de cet avion « X » unique en son genre.
Mais la prouesse ne se limite pas à la fiche technique. La mission Quesst (Quiet SuperSonic Technology) vise surtout à produire des données publiques sur la perception du bruit : des survols de communautés sélectionnées mesureront l’acceptabilité de ce « thump » discret. Ces résultats doivent nourrir les régulateurs américains et internationaux afin de définir de nouveaux seuils acoustiques. S’ils aboutissent, le tabou des vols supersoniques au-dessus des terres — hérité des années 1970 — pourrait être réexaminé, ouvrant la voie à des liaisons nettement plus rapides entre grands pôles économiques.
Pour Israël, l’enjeu est stratégique. Tel-Aviv, hub naturel de l’innovation, des services et de la diplomatie économique, gagnerait mécaniquement en accessibilité si des transporteurs adoptaient un jour des appareils inspirés de ces technologies. Des trajets vers New York, Tokyo ou Sydney raccourcis de plusieurs heures renforceraient l’attractivité de Ben-Gourion pour les investisseurs, les chercheurs et les décideurs, tout en facilitant les échanges humains au cœur de l’écosystème high-tech. Les bénéfices potentiels touchent aussi la sécurité — coordination plus rapide des missions officielles — et la résilience économique, à condition bien sûr que les futures plateformes civiles concilient bruit, empreinte carbone et viabilité économique.
Rien n’est toutefois acquis : le Concorde nous a appris que vitesse et rentabilité ne vont pas toujours de pair. Les motoristes devront conjuguer performance en croisière, consommation contenue et normes environnementales plus strictes. Les avionneurs, eux, devront démontrer qu’un « grand frère » du X-59 peut transporter des passagers en toute sécurité, à coûts d’exploitation maîtrisés, et avec une empreinte sonore compatible avec les survols terrestres. C’est précisément l’ambition de la campagne Quesst : transformer une démonstration en standard.
En attendant, le premier vol du X-59 marque un tournant. Il rappelle que l’audace technologique reste la meilleure manière de dessiner des ponts — plus rapides, plus discrets — entre les nations. Dans cette perspective, l’ouverture de « corridors supersoniques silencieux » ferait de Tel-Aviv un bénéficiaire naturel de la prochaine ère du transport aérien. C’est un horizon à encourager : favoriser la connectivité d’Israël, accélérer ses échanges légitimes et affirmer — par l’innovation — son inscription au premier rang des nations qui inventent l’aviation de demain.
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