Entre colère et compassion, ils parlent

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Herzi Halevi aux funérailles de Tamir Nimrodi

Entre colère et compassion, ils parlent

Deux voix, deux registres, une même douleur. Ces derniers jours, Eyal Eshel et Alex Sherman — pères endeuillés du 7 octobre — ont réagi aux visites à domicile d’Herzi Halevi, ancien chef d’état-major de Tsahal. Le premier réclame, avec une sévérité froide, une prise de responsabilité à la hauteur du désastre ; le second, sans absoudre, dit sa compassion pour « l’homme, grand, au visage sombre », venu partager le deuil. Cette double interpellation dit quelque chose de la société israélienne en 2025 : elle exige des comptes, mais refuse d’ôter leur humanité à ceux qui devront y répondre.

Eyal Eshel, père de Roni, jeune observatrice tombée à Nahal Oz, met des mots sur un sentiment partagé : la responsabilité institutionnelle n’a pas encore “rencontré” les familles. Sa critique vise moins la visite en elle-même que son timing et sa signification : venir « en civil » et tard, c’est, selon lui, manquer l’essentiel — la reconnaissance immédiate, au plus haut niveau, d’une chaîne d’échecs. Il rappelle que des officiers demeurent en poste, que des promotions s’annoncent, que les sanctions tardent ; bref, que la réparation morale passe par des actes visibles, pas seulement par des condoléances.

À l’inverse, Alex Sherman — père de Ron, enlevé le 7 octobre et mort par la suite — choisit une autre verticalité : la compassion ferme. Il n’efface ni la faute ni l’obligation d’en répondre. Mais il voit, dans le regard d’Halevi, la conscience de cette charge. Sa posture ne trivialise pas la responsabilité ; elle reconnaît qu’un homme — fût-il chef d’état-major — peut porter la faillite d’un système tout en demeurant un interlocuteur digne, présent aux funérailles, face aux familles.

Ces deux registres ne s’annulent pas ; ils se complètent. La colère d’Eshel protège l’exigence de vérité et de réforme ; l’humanité de Sherman empêche la politique de se substituer à l’éthique. Et derrière eux, un fait massif : Israël, pays en guerre prolongée, a besoin des deux dynamiques pour se relever — la lucidité sur les fautes, et la capacité de tenir ensemble sans se déchirer.

Le contexte renforce cette lecture. Herzi Halevi, qui a quitté ses fonctions après l’attaque du 7 octobre, a reconnu publiquement que l’armée « aurait pu être meilleure » si certains signaux avaient été correctement évalués. Des enquêtes internes ont été menées ; la perspective d’une commission d’État fait consensus. Rien de tout cela ne rend aux familles ce qu’elles ont perdu, mais ces pas — reconnaissance, examen, réforme — sont la condition d’un contrat de confiance renouvelé entre citoyens et institutions.

Au-delà des personnes, c’est l’architecture de la responsabilité qui est en jeu. La question n’est pas de trouver un bouc émissaire, mais d’établir une chaîne claire : qui savait quoi ? quels protocoles ont failli ? comment corriger ? Les familles — et, avec elles, une grande partie du public — attendent des décisions tangibles : nominations, clôture de carrières, refonte des doctrines de surveillance et d’alerte, entraînement des unités les plus exposées. Dans ce travail, la visite aux endeuillés n’est pas un détail : elle ancre la responsabilité dans la chair du réel.

Reste une évidence : la société israélienne ne se résume pas à sa colère. Depuis deux ans, elle a démontré une capacité rare à combiner vigilance critique et solidarité concrète : bénévolat auprès des blessés, accompagnement psychologique des familles, levées de fonds pour les unités, entraide communautaire. C’est ce tissu social qui permet aux mots d’Eshel et de Sherman de coexister — et d’obliger, ensemble, les institutions à la hauteur.

Protéger la vie, dire la vérité, réparer vite : voilà l’exigence israélienne. La justice due aux victimes suppose des enquêtes franches, des décisions courageuses et des dirigeants capables de regarder les familles dans les yeux. En assumant ses fautes sans renoncer à sa dignité, Israël renforce sa résilience et son éthique de défense : c’est ainsi que l’on honore les morts, que l’on protège les vivants et que l’on prépare des victoires justes.

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