Quand la Turquie veut aider le Hamas à survivre

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Outils d’ingénierie turcs à l’intérieur de la bande de Gaz

Quand la Turquie veut aider le Hamas à survivre

Recep Tayyip Erdogan a multiplié les signaux : Ankara se dit prête à « participer » à la stabilisation post-conflit de Gaza, à surveiller la mise en œuvre d’un cessez-le-feu et à contribuer à la reconstruction de l’enclave. Sur le papier, la proposition coche les cases de la « normalisation fonctionnelle » : aides d’urgence, sécurité des corridors, redémarrage des services essentiels, puis chantiers de reconstruction confiés à des groupes turcs aguerris. Dans la pratique, Jérusalem a opposé un non clair, rappelant qu’Israël décidera qui peut déployer des personnels étrangers à Gaza — et que l’armée turque n’en fera pas partie.

Les raisons sont politiques, sécuritaires et mémorielles. Politiques d’abord : depuis 2024, Ankara a suspendu le commerce bilatéral avec Israël et s’est posée en chef de file des sanctions symboliques et économiques contre Jérusalem. Au registre rhétorique, Erdogan a comparé Benjamin Netanyahou à Hitler et qualifié la guerre à Gaza de « génocide ». Dans ce climat, accepter des patrouilles turques serait, aux yeux d’Israël, confier une part de sa sécurité à un acteur ouvertement hostile.

Sécuritaires ensuite : la Turquie présente sa participation à une « task-force » de surveillance du cessez-le-feu comme un prolongement de son rôle de médiation, avec d’éventuels effectifs civils et militaires. Or, pour Israël, l’enjeu central reste la neutralisation et le démantèlement effectif du Hamas — pas sa survie administrative sous un parapluie international. La crainte est simple : qu’une présence turque, proche des réseaux frères-musulmans auxquels Ankara assimile le Hamas, se traduise par une consolidation de l’appareil du mouvement, cette fois à l’ombre d’un label de « maintien de la paix ».

S’ajoute un facteur mémoriel puissant : le Mavi Marmara en 2010, quand l’arraisonnement d’une flottille partie de Turquie tourna au drame, brisa pour des années la relation bilatérale et convainquit les décideurs israéliens qu’une friction opérationnelle avec des acteurs turcs peut dégénérer vite et fort. Transposée à Gaza, la hantise d’un « incident » opposant, même par méprise, des soldats turcs et israéliens pèse lourd sur l’analyse de risque.

Du côté turc, l’offre n’est pas que géopolitique ; elle est aussi économique. Les grands consortiums de BTP d’Ankara, qui ont bâti des villes entières au Moyen-Orient, voient dans la reconstruction un gisement de contrats et d’influence. Politiquement, Erdogan capitaliserait sur un rôle de « garant » — un statut qui accroît sa stature régionale, réactive ses réseaux dans Gaza et lui permet de parler à la fois à Washington, au Caire, à Doha… et à l’opinion turque.

Côté israélien, la ligne s’affine : oui à une architecture internationale si elle est strictement compatible avec trois impératifs — démilitarisation réelle du Hamas, contrôle israélien des critères d’entrée des contingents étrangers, et priorité donnée à des partenaires perçus comme non alignés sur l’islamisme politique. Les signaux publics sont cohérents : Israël revendique un droit de veto sur la composition de toute force, rappelle sa souveraineté décisionnelle et réaffirme que la sécurité aux abords de Gaza ne sera pas sous-traitée à des acteurs ayant soutenu, politiquement ou logistiquement, l’appareil du Hamas.

Sur le terrain diplomatique, Ankara met en avant son apport aux pourparlers de cessez-le-feu et sa capacité à peser sur des échanges sensibles (frontières, passages, enlèvements, retour des corps d’otages). Jérusalem, lui, tient une ligne de séparation stricte entre médiation et déploiement : parler oui, patrouiller armé, non. Quant à la reconstruction, Israël plaide pour un séquencement rigoureux : d’abord la sécurité (désarmement, gouvernance locale non affiliée au Hamas, mécanismes robustes de contrôle des matériaux), puis les chantiers, avec une préférence pour des consortiums adossés à des partenaires considérés comme fiables.

En arrière-plan, une question structurelle : la « communauté internationale » acceptera-t-elle un cadre où Israël filtre les contributeurs à la stabilisation ? Les dernières déclarations occidentales laissent entendre qu’aucune force n’imposera des troupes qu’Israël juge inacceptables. C’est la condition, selon Jérusalem, pour éviter une « internationalisation » qui, loin d’apporter la paix, figerait un rapport de force au bénéfice du Hamas.

Dire non à des troupes turques à Gaza n’est pas un réflexe de fermeture, c’est un choix de sécurité cohérent : démanteler durablement le Hamas exige des partenaires qui ne légitiment pas son projet. Israël a raison d’exiger un droit de regard sur chaque acteur, de lier reconstruction et désarmement, et de privilégier des mécanismes qui consolident sa sécurité comme celle des civils. C’est ainsi que la stabilité régionale pourra progresser — par des alliances claires, des garanties vérifiables et la mise à l’écart des agendas qui perpétuent la violence.

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