Boum. Après avoir intercepté le 7 octobre dernier en exercice une cible supersonique avec un missile Aster 30, une frégate de la Marine nationale a réalisé une nouvelle prouesse le 15 octobre : elle a réalisé avec succès un tir contre une bombe A2SM (armement air-sol modulaire) lancée depuis un Rafale Marine, à nouveau à l’aide d’un missile antiaérien Aster 30.
Un double succès pour la Marine nationale, mais aussi pour ce missile franco-italien. L’occasion de se pencher sur les capacités de cet engin capable d’intercepter une grande partie des menaces actuelles venant du ciel. Explications.
En quoi l’interception d’une bombe A2SM constitue-t-elle une prouesse ?
La frégate de défense aérienne (FDA) Forbin a donc neutralisé le 15 octobre, lors d’un exercice, une bombe A2SM, qualifiée par le ministère des Armées de « menace aérienne véloce et présentant une faible signature radar ». L’interception a été réalisée « de manière très largement automatisée », précise le ministère des Armées, grâce au système PAAMS (Principal Anti Air Missile System).
L’interception de bombe guidée « est très difficile, nous explique le consultant en risques internationaux Stéphane Audrand. Car c’est un objet très petit, qui n’émet pas en infrarouge et qui possède une surface radar restreinte ». Ce type de bombe pose notamment énormément de problèmes aux Ukrainiens, « car l’aviation russe matraque le front avec des kits qu’elle rajoute sur de vieilles bombes pour en faire des bombes guidées. C’est cauchemardesque à intercepter car il y a très peu de temps d’engagement à partir du moment où c’est lancé, et cela va relativement vite, poursuit l’expert en armement. Alors, qu’on parvienne à tirer un Aster sur une bombe guidée, franchement, ce n’est pas un sport de masse, et cela offre une vraie capacité à notre Marine nationale. »
« Cette interception démontre les capacités techniques et opérationnelles des FDA en s’appuyant sur des marins entraînés et efficaces grâce à une excellente maîtrise de leurs outils et des exigences de la défense aérienne » assure de son côté le ministère des Armées. Qui ajoute : « cet entraînement souligne l’exigence de réalisme apportée à la préparation des forces de la Marine nationale afin de répondre efficacement à tout type de menace, actuelle ou future ».
C’est quoi le missile antiaérien Aster 30 ?
Les missiles Aster, développés en coopération par la France, l’Italie et le Royaume-Uni, existent en deux versions : l’Aster 15, adapté à l’autodéfense, d’une portée de 20 à 30 km (jusqu’à une altitude de 13 km) ; et l’Aster 30, d’une portée de 120 km (jusqu’à une altitude de 20 km), pour la défense de zone. Ils équipent les frégates multimissions, les frégates de défense aérienne et le porte-avions Charles de Gaulle, et équiperont les futures frégates de défense et d’intervention. Ils peuvent aussi être tirés depuis le sol, via la plateforme SAMP/T (Système aérien moyenne portée/terrestre) surnommée « Mamba » en France. Ces munitions sont spécialement conçues pour détruire aéronefs et missiles assaillants.
Notre dossier sur les missiles
Capable d’atteindre la vitesse de Mach 4,5, soit environ 5.500 km/h, l’Aster 30 possède en outre une capacité de manœuvre très importante. « L’Aster 30 est un missile très haut du spectre, dont la France a prouvé, patiemment, qu’il peut quasiment tout abattre : des missiles supersoniques, subsoniques, au ras de l’eau, balistiques, et maintenant des bombes guidées, énumère Stéphane Audrand. C’est donc une bonne nouvelle, car cela veut dire que l’on a un missile apte à la défense à 360°, contre quasiment tout type de menace. » Mais « leur gros inconvénient est qu’ils coûtent 2 millions d’euros pièce ; on ne peut donc pas en cramer sur n’importe quel drone Shahed ou autre », ajoute le spécialiste.
Peut-il vraiment quasiment tout intercepter ?
Le 7 octobre, l’Aster 30 a donc aussi intercepté une cible supersonique lors d’un exercice. Si le ministère des Armées n’a pas souhaité en dire davantage sur l’engin tiré depuis un Rafale, plusieurs experts ont identifié sur les images un missile Mica, capable d’atteindre Mach 4.
Mais l’Aster 30 a déjà fait mieux, en opération qui plus est : en mars 2024, il a neutralisé trois missiles balistiques (engins propulsés par un moteur-fusée au-delà de l’atmosphère et qui retombent à très grande vitesse, entre Mach 5 et Mach 20, sous l’effet de la gravité) tirés par les Houthis en mer rouge. « Cela a été fait de surcroît dans un angle très difficile, proche de la verticale, et en protection d’une autre cible, ce qui est encore plus dur », souligne Stéphane Audrand. « Peu de pays maîtrisent l’interception de missiles balistiques », souligne-t-il.
Mais qu’en est-il du fameux missile hypersonique, qui se situe un cran encore au-dessus du missile balistique, puisqu’on parle là d’un missile capable d’évoluer au-delà de Mach 5 (environ 6.000 km/h) tout en effectuant des manœuvres ? « Pour l’instant, l’Aster 30 n’a pas, à ma connaissance, intercepté ce genre de cible », nous dit l’expert.
Quelles seront les capacités de la prochaine version de l’Aster 30 ?
La prochaine version, l’Aster 30 B1NT (nouvelle technologie), qui doit entrer en service vers la fin 2026, début 2027, devrait traiter le missile hypersonique. Deux tirs ont déjà été réalisés depuis le centre Essais de missiles de la DGA (Direction générale de l’armement) à Biscarosse (Landes). « Il constituera une avancée majeure dans la protection contre les nouvelles menaces aériennes, [puisque] ce missile sera capable de frapper une cible à 25.000 mètres d’altitude et dans un rayon de 150 kilomètres, et interceptera des missiles balistiques de moyenne portée et des missiles hypersoniques » assure le ministère des Armées.
L’Aster 30 B1NT ne fonctionnera pas seul puisqu’il fera partie intégrante du nouveau système de défense sol-air SAMP/T NG (Nouvelle génération). Ce dispositif, qui comprendra un radar de dernière génération et un système de conduite de tir perfectionné, « promet de révolutionner la protection des espaces aériens », assure encore le ministère des Armées.
La capacité de production va-t-elle accélérer ?
MBDA, le leader européen du missile derrière le groupement franco-italien Eurosam, qui conçoit ces systèmes de défense aérienne, a annoncé avoir augmenté de 50 % sa production de missiles Aster depuis 2022, et prévoit de réduire ses délais de production de 42 mois à moins de 18 en 2026. Après avoir livré un premier lot de munitions en 2025, il doit fournir un millier de missiles Aster aux armées française, italienne et britannique dans les prochaines années.
« Nous avons besoin de reconstituer tous nos stocks, pour que tous les navires et unités au sol soient approvisionnés, explique Stéphane Audrand. Sachant que nous entrons, malheureusement, dans une ère où nous allons certainement devoir tirer beaucoup de ces engins ».
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