Menace des drones
Défense anti-aérienne au laser : Israël réussit une révolution technologique militaire dont l’Europe aurait bien besoin.
Alors que la menace des drones ne cesse de croître sur les champs de bataille modernes, Israël affirme avoir franchi un cap technologique avec son système de défense laser Iron Beam, capable de neutraliser des cibles pour moins de 5 dollars l’unité. Une révolution à courte portée, mais à fort potentiel stratégique et économique, qui remet en question les modèles actuels de défense aérienne.
Atlantico : L’ancien Premier ministre israélien Naftali Bennett a déclaré que le système de défense Iron Beam aura des coûts d’interception inférieurs à 5$ par engin adverse intercepté. Quelle est cette arme de défense anti-aérienne au laser et en quoi est-ce une révolution technologique militaire ?
François Chauvancy : L’armée israélienne a communiqué sur cette technologie. Elle a pu intercepter des drones du Hezbollah en mai 2025 grâce à ce dispositif de défense anti-aérienne au laser. L’usage de ce matériel a été confirmé par d’autres nations. Les caractéristiques précises d’interception ne sont pas encore très détaillées. Il n’y a pas beaucoup de communication publique sur les conditions techniques.
Il ne s’agit pas d’armes qui disposent d’une capacité de tir à 50 kilomètres. Ce sont des armes qui vont permettre de compléter le dispositif du Dôme de fer, qui est surtout une arme de défense anti-roquettes et anti-drones qui tire jusqu’à dix kilomètres. Il s’agit donc d’interceptions à très courte distance.
Le coût de ces technologies est aujourd’hui devenu fondamental dans la défense, puisqu’il est inconcevable de dépenser un missile à un million de dollars pour détruire un drone de 10.000 dollars. Il y a donc une logique de coûts. Il y a trois ans, les drones agissaient plutôt de façon individuelle et pas en masse. Aujourd’hui, les drones arrivent de plus en plus en masse. S’il faut à chaque fois recourir à un missile Patriot ou un missile air-air lancé depuis un avion, le coût va atteindre des millions de dollars. À terme, ce sont peut-être des milliards de dollars qui seront dépensés pour détruire des appareils dont la valeur totale est bien moindre.
La réponse pourrait être le laser, comme le dispositif Iron Beam d’Israël, mais à condition d’avoir de l’électricité. La miniaturisation de l’arme laser est un travail entrepris depuis des années. Les Américains ont déjà lancé des travaux depuis une assez longue période, y compris sur des avions comme le B-52 ou l’Hercule. Ce n’a pas été un grand succès jusqu’à présent, en raison du problème de la réduction de l’empreinte du matériel, qui était trop lourd à l’origine. Aujourd’hui, les Israéliens semblent capables de miniaturiser leur capacité laser.
Il y a un intérêt économique derrière cette évolution puisque les drones sont devenus une menace majeure par leur masse croissante. Il faut pouvoir les neutraliser individuellement à moindre coût et le plus rapidement possible. Ces armes laser proposées par les Israéliens – et d’autres dispositifs – sont capables de tirer sur dix, quinze, vingt cibles en même temps. L’intelligence artificielle va également choisir les cibles désignées. La complexité des systèmes augmente.
Les Israéliens développent une arme qu’ils souhaitent vendre. Les Américains tentent également de se positionner sur cette technologie comme en témoignent les grands salons de l’armement où la priorité affichée est le drone et les mesures à prendre pour exploiter ces technologies le plus efficacement possible.
Depuis 2017, il existe aussi une alternative britannique avec un prototype nommé Dragonfly, destiné justement à neutraliser des drones. Le problème de la miniaturisation était que ce système était initialement prévu pour des plateformes navales, seules capables de supporter le poids de l’équipement, même s’il y a un objectif à terme de déployer ces systèmes auprès des forces terrestres. Il existe donc de vrais problèmes techniques pour déployer de tels dispositifs.
Le laser redevient une option peu coûteuse et potentiellement rentable, selon les cibles à neutraliser. Il est certain qu’il s’agit d’une voie d’avenir pour lutter contre les drones.
Au vu des menaces proférées par la Russie et Vladimir Poutine sur la Pologne, l’Union européenne et la France ou face au terrorisme et avec la menace des drones, les puissances européennes devraient-elles acquérir ce système pour obtenir un système de défense efficace et peu couteux ?
La question n’est pas seulement d’acquérir une arme permettant de répondre à la menace. Tout l’enjeu est de savoir quelle place sera donnée à l’industrie d’armement d’un pays comme Israël au détriment de l’industrie d’armement européenne. En cas d’urgence, que choisit-on d’acheter ? Les Européens achètent du matériel américain pour la guerre en Ukraine depuis des mois. L’enjeu est l’indépendance européenne dans ce domaine.
Parmi les industriels européens, Thales travaille énormément sur la lutte anti-drones. Des solutions se mettent en place. Il existe aussi des moyens plus conventionnels. Il y a eu une récente démonstration de l’armée de Terre à l’École militaire. Tous les matériels étaient présentés, notamment un prototype dit Proteus, un canon de 20 mm au coeur de nos unités de combat qui a été reconfiguré pour détruire les drones pour un faible coût.
Les munitions de canons de 20 mm sont abondantes. Il suffit de recalibrer et de remettre ces canons en état, et d’ajouter une intelligence artificielle pour détruire les drones à faible coût. L’objectif est double : défendre le territoire national et détruire les engins à moindre coût.
La Commission européenne souhaite renforcer le système de défense de l’UE face à la menace des drones alors que ce n’est pas son domaine de compétence. Ce sont les États qui doivent assurer leur protection territoriale. La première action à mener ne sera pas de construire un mur de drones à l’échelle nationale ou européenne, mais de protéger les sites sensibles : les centrales nucléaires, les centrales thermiques, les installations de production d’électricité et, comme en Ukraine, les centres névralgiques que constituent les entreprises d’armement. Il faudra ensuite établir des priorités, par exemple assurer la protection des sites institutionnels comme le palais de l’Élysée, ce qui implique un déploiement massif de matériels et éventuellement de personnel. Il faut des dispositifs capables de détecter, d’identifier et d’intercepter les drones adverses. L’interception doit être contrôlée, car la destruction d’un drone peut générer des débris dangereux. Il est donc nécessaire d’accompagner les moyens d’une doctrine opérationnelle.
Il est possible d’acheter des armements à l’étranger en cas d’urgence mais nos industries nationales doivent également être capables de fournir ces systèmes. Elles y travaillent depuis des années. Outre l’équipement militaire et les financements, il faut réfléchir à l’emploi de ces moyens. Qui commandera et qui organisera lors de ces opérations de défense face à la menace des drones ? Cela relève de l’organisation générale de la défense des territoires des différents États membres.
L’UE pourrait-elle engager un partenariat d’achat ou de transfert technologique sur ce système de défense laser ? Quelles garanties faudrait‑il exiger avant toute acquisition ?
L’Union européenne n’a pas de compétence juridique en la matière. Cela ne s’inscrit pas dans le domaine de la Commission. Ursula von der Leyen tente de progresser sur la question du « mur de drones » mais ce n’est pas une compétence qui lui a été déléguée. La Commission européenne traite principalement de questions économiques. Les 30 milliards annoncés pour soutenir l’industrie d’armement visent à permettre à ce secteur de survivre, alors que l’UE a parfois entravé son développement pour des raisons environnementales, par exemple via le « plan vert » et des restrictions de financement.
Au niveau de chaque État membre, la souveraineté nationale demeure centrale. Le premier rôle d’un État est de protéger son territoire et sa population. Cela n’empêche pas des collaborations et des partenariats entre pays. Des groupes comme Thales et MBDA, qui opèrent à l’échelle européenne et internationale, peuvent concevoir et financer des armements collectifs, à condition que les États s’entendent sur les priorités. Il existe des points de convergence évidents (les centrales nucléaires, électriques, les barrages, les industries d’armement, les centres d’eau potable) mais des divergences industrielles subsisteront, selon les pays.
Si les pays d’Europe s’équipent massivement de lasers de défense ou développent de telles technologies, une défense anti-aérienne au laser en Europe modifierait‑elle la dissuasion, et l’escalade face aux diverses menaces ?
Aujourd’hui, les armes laser sont à courte portée. Elles ne dépassent pas cinq à dix kilomètres, selon la presse spécialisée. Cela repose sur une question de puissance énergétique. Un missile pourrait être intercepté au dernier moment. Cela pourrait avoir une incidence sur l’efficacité de la dissuasion nucléaire, mais à condition que cette défense laser soit largement déployée sur le territoire, ce qui est impossible aujourd’hui. Protéger l’ensemble d’un territoire contre une frappe nucléaire me paraît irréaliste.
La question des distances est cruciale. L’interception se ferait au tout dernier moment, et il est probable qu’une ogive atteindrait néanmoins son objectif. En fonction des technologies développées par les différents pays et industriels, je ne pense pas que la dissuasion nucléaire soit réellement remise en cause par les armes laser existantes.
Sur un horizon de cinq à vingt ans, la situation pourrait évoluer, mais les données ne montrent pas actuellement une capacité d’énergie suffisante pour des lasers de très longue portée. Une arme laser nécessite beaucoup d’énergie et pour accroître la portée, il faut encore davantage d’énergie.
ATLANTICO
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A ne pas mettre entre toutes les mains européennes, c’est à dire celles de Macroun Ier !