« Assassiner des civils et diffuser » : la directive de Yahya Sinwar — et les enregistrements d’unité 8200

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Un document manuscrit de 6 pages, rédigé par le leader du Hamas et récemment retrouvé, détaille les instructions données par l’architecte du massacre aux terroristes : « Brûler des maisons et enlever le plus de personnes possible », filmer et mettre en ligne afin de « provoquer des sentiments d’effroi et de peur chez l’ennemi ». Une enquête du New York Times révèle pour la première fois aussi les enregistrements des réseaux radio de la Nukhba, tels qu’ils ont été captés par l’unité 8200. On y entend des commandants à Gaza d’une cruauté inimaginable : « Eliminez les enfants d’Israël ».

Après que l’Armée de l’air a bombardé, en mai dernier, le tunnel où se cachait Mohammed Sinwar — frère du leader du Hamas Yahya Sinwar et alors chef de la branche militaire de l’organisation terroriste — et l’a éliminé, Tsahal a envoyé une unité spéciale dans le complexe creusé profondément sous l’hôpital européen de Khan Younès, où se trouvait ce haut responsable aux côtés du commandant de brigade de Rafah, Mohammed Shabana.

Dans une vaste enquête publiée ce samedi par le New York Times — signée aussi par Ronen Bergman, journaliste de Yedioth A’haronoth et Ynet, avec Adam Rasgon — on révèle que la force spéciale a localisé dans ce complexe un ordinateur non connecté au réseau, ce qui a compliqué l’extraction d’informations dans le cadre des efforts du renseignement israélien pour suivre l’activité du Hamas avant le 7 octobre. Sur cet ordinateur a été trouvé le scan d’un document de six pages, manuscrit en arabe, contenant des directives aux terroristes du Hamas sur la manière d’exécuter l’attaque du 7 octobre. Sept responsables militaires et du renseignement israéliens estiment que ce mémo — vraisemblablement des notes de Sinwar sur le plan opérationnel complet, « le grand projet » — a été rédigé le 24 août 2022 par Yahya Sinwar lui-même, l’un des deux architectes du massacre.

Le document, parvenu rapidement au Times après sa découverte, montre comment le chef du Hamas appelait les commandos Nukhba à attaquer soldats, civils et localités de l’enveloppe de Gaza, tout en veillant à filmer et à diffuser les atrocités afin de semer la peur parmi les citoyens israéliens et d’ébranler la stabilité de l’État.

Ce document est corroboré par de nombreuses heures d’enregistrements des réseaux radio entre les commandants du Hamas à Gaza et les opérateurs de l’organisation le jour du massacre, interceptions réalisées par Tsahal durant l’attaque. On y entend les commandants donner des ordres très proches de ceux figurant dans le document découvert dans le tunnel de Khan Younès.

Des sources du renseignement et de la sécurité ont indiqué au Times que le document montre que Yahya Sinwar a ordonné de viser des civils, et que cela faisait partie intégrante de la planification de l’attaque — à rebours des dénégations publiées par la direction du mouvement après le 7 octobre. Bien que le texte ne mentionne pas explicitement l’enlèvement ou l’assassinat de civils, il prescrit aux terroristes du Hamas de pénétrer dans des quartiers résidentiels des localités et d’y mettre le feu aux bâtiments « avec de l’essence ou du diesel ».

Il est écrit dans le document de Sinwar : « Il faut se préparer à deux ou trois opérations au cours desquelles un quartier entier, un kibboutz ou quelque chose de similaire sera incendié. » Un épisode faisant écho à ces instructions s’est produit le matin du 7 octobre, peu avant 10h00 : dans l’un des enregistrements, on entend Abou Mohammed, commandant du bataillon de la ville de Gaza, dire à ses subordonnés : « Commencez à brûler des maisons. Brûlez, brûlez, je veux voir le kibboutz en flammes. » À peu près au même moment, un commandant nommé Abou al-Abed, du bataillon de Jabalia, ordonne : « Enflammez tout. »

Le document et les enregistrements révélés pour la première fois par l’enquête du Times constituent des éléments probants majeurs pour comprendre la planification et l’exécution de l’attaque surprise du Hamas, dont une partie des informations connues s’appuyait jusqu’ici sur d’autres documents et captations collectés par Israël pendant la guerre.

Sima Ancona, ancienne experte principale en écritures manuscrites au laboratoire des documents de la Police israélienne, spécialiste des écritures arabes, a déclaré que l’écriture figurant dans le document correspond à d’autres échantillons de l’écriture de Yahya Sinwar, tué par Tsahal il y a environ un an à Rafah. À la demande du Times, Ancona a comparé ce document avec des manuscrits de Sinwar saisis par Tsahal dans la bande de Gaza. La comparaison s’est appuyée sur d’autres exemples de sa main, dont un billet envoyé au Premier ministre Benyamin Netanyahou en 2018, des signatures sur des dépositions à la police, etc.

Le Times ajoute que plusieurs mots et tournures spécifiques du document se retrouvent dans d’autres documents du Hamas que le journal américain a obtenus et vérifiés, avec divers recoupements. Izzat al-Rishq, haut responsable du Hamas et directeur du bureau de communication de l’organisation au Qatar, a refusé de répondre à une série de questions détaillées concernant le document, notamment si la direction du Hamas à l’étranger était au courant de son existence et des instructions qu’il contenait.

Ibrahim Madhoun, analyste palestinien proche du Hamas, a mis en doute l’authenticité du document, affirmant que la plupart des directives qui y sont décrites ne se sont finalement pas produites lors de l’attaque du 7 octobre. Selon lui, le texte « ne reflète pas la culture de la branche militaire du Hamas », et bien que de nombreuses maisons et bâtiments aient été incendiés durant le massacre, il soutient qu’il n’y a pas eu d’incendie de quartiers entiers.

Les enregistrements interceptés par Tsahal ont été recueillis par l’unité de renseignement 8200 le jour même de l’attaque, selon trois sources de la sécurité israélienne. Ils comprennent des communications en arabe entre des commandants restés à Gaza et huit unités différentes de la Nukhba sur de multiples scènes, dans des localités et sur des routes du sud. Le document saisi à Khan Younès et les enregistrements, ont indiqué plusieurs responsables, ont été étudiés par Israël pour approfondir la compréhension de l’attaque.

Un rapport approfondi et classifié de l’institut de recherche Gazit — groupe d’étude avancé du renseignement militaire (Aman) — et de la société Rafael, analysant les racines de l’extrême cruauté manifestée par le Hamas, conclut que, dans la conception des planificateurs du massacre, la brutalité était la finalité stratégique : provoquer une onde de choc profonde au sein de la société israélienne, au minimum jusqu’à miner le sentiment de sécurité des habitants d’Israël et empêcher leur retour dans les localités. Autrement dit, la brutalité du 7 octobre n’était pas l’expression d’une colère spontanée des assassins du Hamas, mais était « planifiée, dirigée et systématique ».

Le document précise également un plan pour l’attaque surprise contre Israël, incluant l’instruction de percer la clôture de sécurité à l’aide de bulldozers, suivis par de multiples vagues d’assaillants. L’auteur — selon toutes les expertises, Yahya Sinwar — espérait que ces actions laisseraient les forces de Tsahal sous le choc. Il y est écrit : « Écrasez les têtes des soldats. »

Autre directive consignée : « Ouvrir le feu à bout portant sur les soldats, en égorger certains au couteau, et faire exploser des chars. » Là encore, les enregistrements interceptés montrent des commandants ordonnant d’agir dans le même esprit : « Coupez-leur la gorge », dit un commandant d’un bataillon du nord de la bande à ses hommes. « Coupez-leur comme vous vous êtes entraînés. »

Les captations présentent aussi des consignes claires aux terroristes du Hamas d’user d’une violence extrême et de procéder à des enlèvements de soldats et de civils. Lorsqu’un terroriste du bataillon de Jabalia demande à son commandant, un certain Abou-Mouta’, s’il doit s’affronter aux Israéliens qu’il croisera en route, celui-ci lui répond : « Tue tous ceux qui sont sur ton chemin, tue tous ceux que tu vois. »

« Nous sommes à présent à l’entrée d’un kibboutz », entend-on dire l’un des assaillants dans un enregistrement. « Nous avons éliminé ceux qui s’y trouvaient. Il y a des habitants que nous avons tués. » Le commandant Abou-Mouta’ ajoute ensuite : « Les gars, prenez beaucoup de prisonniers, prenez beaucoup de prisonniers. »

Les actions et exactions commises durant l’attaque surprise, note le document manuscrit attribué à Sinwar, doivent être diffusées dans tout le monde arabe afin d’inciter des personnes hors de Gaza à se joindre au combat contre Israël. Dans le plan conçu par Sinwar, les Palestiniens de Judée-Samarie, les Arabes d’Israël et les membres de « notre nation » — référence apparente aux Arabes, aux musulmans, ou aux deux — « répondront positivement à l’appel à rejoindre la révolution », selon ses termes.

« Ces instructions doivent parvenir aux commandants d’unités pour exécuter ces actions de manière délibérée, les filmer et diffuser les images le plus rapidement possible », poursuit le texte. D’après les comptes rendus des réunions secrètes de la direction du Hamas au cours des deux années précédant l’attaque du 7 octobre — documents divulgués dans une enquête antérieure du Times — on voit comment Sinwar a tenté de convaincre ses alliés d’Iran et du Hezbollah de se joindre à l’attaque surprise, ou au moins de s’engager à une guerre d’ampleur contre Israël.

Dans les enregistrements du jour du massacre, on entend des commandants du Hamas encourager leurs hommes à filmer les atrocités pour inciter d’autres à rejoindre les combats. « Documentez les actes d’horreur, maintenant, et diffusez-les sur les chaînes de télévision du monde entier », lance un commandant du bataillon de Gaza à des opérateurs dans le kibboutz Saad vers 7h00. « Égorgez-les. Éliminez les enfants d’Israël. » Abou-Mouta’ déclare à ses subordonnés : « Il est crucial d’amener un drone pour filmer cela pour tout le monde islamique. »

Des hauts responsables du Hamas ont également publié des déclarations publiques le jour de l’attaque, encourageant des acteurs extérieurs à la bande à participer aux combats, mais ils n’ont finalement pas réussi à déclencher une insurrection populaire palestinienne. « Tsahal ne pourra pas faire face à plusieurs fronts en même temps », a déclaré ce jour-là le haut responsable Salah al-Arouri — depuis éliminé — dans un message enregistré diffusé par la chaîne qatarie Al-Jazira. Il a ajouté : « Après aujourd’hui, personne ne pourra retenir son fusil, sa balle, son pistolet, son couteau, sa voiture ou son cocktail Molotov. » Al-Arouri a été éliminé par des frappes de l’Armée de l’air dans une opération conjointe avec le renseignement militaire en janvier 2024.

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