Vincent Dedienne se met à la chanson. Pour son premier album, Lendemain soir de gala, qui sort ce vendredi, il a demandé à une belle galerie d’artistes aux plumes aiguisées – Ben Mazué, Jeanne Cherhal, Albin de la Simone et Pierre Lapointe parmi de nombreux autres – de lui écrire sur mesure des morceaux inspirés de son spectacle Un soir de gala. Quand on a rencontré le comédien, mercredi, à deux pas de la Maison de la Radio, on lui a confessé ne pas avoir vu le show. Il n’en a pas pris ombrage et s’est trouvé même rassuré d’apprendre que cela n’empêchait pas de comprendre et apprécier les chansons…
Quel a été le déclic qui vous a poussé à faire cet album ?
Cela faisait un bout de temps qu’un producteur, Olivier Gluzman, me disait qu’il aimerait bien que je fasse un disque. Pendant des mois et des années, j’ai dit non parce que je sais qu’on se fout pas mal de la gueule des comiques qui chantent. Je voulais qu’il y ait un projet original, une idée séduisante qui n’avait jamais été faite. Puis je me suis demandé s’il était possible de transformer des sketchs en chansons… Quand j’ai vu que oui, alors je me suis dit « on le fait ». Mais avant d’avoir les chansons, je n’étais pas sûr de concrétiser le truc.
Comment avez-vous sélectionné les artistes qui ont écrit et composé pour vous ?
J’ai d’abord envoyé des mails à mes plus proches, mes amis. C’est-à-dire Albin de la Simone, Jeanne Cherhal, Alex Beaupain et Vincent Delerm, pour voir si ça les branchait. Je leur ai envoyé le son du spectacle pour qu’ils puissent tout réécouter. Je ne voulais pas assigner un sketch à chacun mais qu’ils choisissent ce qui les inspirait le plus. Ils avaient carte blanche, ils pouvaient traduire un moment du spectacle en chanson ou ne prendre qu’un mot et délirer complètement.
Est-ce que vous avez eu votre mot à dire sur les textes, pour les modifier par exemple ?
Oui, ils m’ont tous autorisé à le faire. Mais il n’y a que La chanson française de Barcella que l’on a retravaillée ensemble. J’avais une espèce de fantasme de faire une chanson avec des bouts d’autres chansons dedans pour évoquer mon Panthéon musical, tel que La Javanaise.
Avez-vous été surpris de certaines paroles, de certaines perceptions de vos sketchs ?
Quasiment à chaque fois. Par exemple, je n’avais jamais rencontré Adrien Gallo, je ne lui avais jamais parlé, il n’avait pas vu le spectacle et je l’ai sollicité parce que j’adore sa musique et son album Là où les saules ne pleurent pas. Il est parti d’un tout petit bout du spectacle, d’une phrase et demie, et il a écrit Vieille âme, qui est vraiment un portrait de moi. Je n’aurais même pas pu écrire des choses plus véridiques sur moi que lui.
Avez-vous songé à écrire vous-même une chanson ?
Si je pouvais, j’en écrirais tous les après-midi. Mais je n’ai jamais été foutu de le faire. J’ai essayé, mais je trouve ça infaisable. Je n’y arrive pas du tout.
Pourtant, c’est un peu comme dans l’humour, il y a une question de rythme, une manière de faire sonner les mots…
C’est vrai, oui, de mélodie, de rythme, de tempo et tout ça, mais moi, il me faut sept minutes pour développer un propos. En deux minutes trente, je ne comprends pas comment on fait. Il faut faire entrer un hippopotame dans une baignoire pour faire une chanson. Franchement, c’est de la guimauve ce que j’écris. C’est vraiment… C’est dégueulasse.
Vous n’avez jamais fait lire vos ébauches de chansons à personne pour avoir un retour plus objectif ?
Ah non, mais c’est la honte, vraiment ! J’écris comme un adolescent dans son journal intime. C’est nul.
Dans « La femme d’à côté », Fanny Ardant a cette réplique : « Les chansons […] disent la vérité. Plus elles sont bêtes, plus elles sont vraies. D’ailleurs, elles ne sont pas bêtes. Qu’est-ce qu’elles disent ? Elles disent : Ne me quitte pas, Ton absence a brisé ma vie, Je suis une maison vide sans toi […] »…
Oui, mais, si vous regardez bien, les grandes chansons, comme Ne me quitte pas sont hyper balèzes. Dans toutes les chansons, il y a un mystère. Par exemple, Le Sud, de Nino Ferrer, ça a l’air d’être tout con. « On dirait le sud, il y a du linge étendu sur la terrasse. Il y a des chats, une tortue, des poissons rouges… » Et puis, d’un coup, « Un jour ou l’autre, il faudra qu’il y ait la guerre » et alors là, on ne comprend plus où on est, ni ce qui se passe. On sent qu’il y a quelque chose qui nous échappe. Il y a une inquiétude, un mystère. Et ça, c’est dur à faire dans les chansons.
Vous allez chanter ces chansons sur scène. Vous abordez cela de la même manière qu’un seul en scène ?
Oui, il y aura les chansons, mais j’ai aussi écrit pas mal de conneries et de textes. Si je n’ai pas raté mon coup, ça va être un spectacle très marrant. Donc, je l’appréhende de la même façon qu’un seul en scène, sauf que je ne sais pas quel effet ça va faire de passer de la chanson de Pierre Lapointe [une chanson émouvante sur ses parents] à une blague.
La tonalité de l’album est mélancolique. Vous l’aviez demandé ou vous vous êtes rendu compte que les artistes qui ont écrit pour vous vous perçoivent comme mélancolique ?
(Il sourit) C’est marrant que vous disiez ça, parce que, moi, je me disais que tout le monde était mélancolique. Mais en fait peut-être pas…
Ou alors chacun l’exprime à sa manière, à travers l’humour ou quelque chose de plus premier degré…
Exactement. Je pense que c’est la même chose, l’humour et la mélancolie. J’avais un pressentiment en faisant ce disque. Je pense qu’un sketch et une chanson, c’est la même chose, en fait. Simplement, ce n’est pas le même dosage d’ingrédients. C’est-à-dire que si tu mets plus de mélancolie, tu as une chanson. Si tu mets un peu plus d’humour, tu as un sketch. Mais sinon, la recette de base est la même.
Quel regard portez-vous sur la chanson française d’aujourd’hui ?
J’adore, j’en écoute beaucoup. D’ailleurs, il y a plein de gens à qui j’aurais pu demander de m’écrire un texte : Juliette Armanet, Clara Luciani, Alice on the Roof, Santa, Solann… J’écoute beaucoup ce qui se fait, je ne suis pas nostalgique, je ne pense pas du tout que c’était forcément mieux avant. Ce serait horrible.
Vous regardez les télécrochets ?
« Star Academy », je suis complètement passé à côté quand j’étais enfant, donc je n’ai pas vraiment suivi le retour de l’émission. Mais j’adore « The Voice » !
Si la production de « The Voice » vous invite à chanter en finale de la prochaine saison, vous y allez ?
Oui, j’aimerais trop !
Et faire une masterclass à « Star Academy » ?
On me l’avait proposé l’an dernier et je n’avais pas pu. Mais j’aimerais bien aller à Dammarie-les-Lys, voir le château en vrai.
C’est étonnant, quand on connaît votre culture télé et notamment votre passion d’enfance pour « Le Maillon faible », d’apprendre que vous n’avez pas suivi « Star Academy »…
A l’époque, je devais plutôt être branché « Koh-Lanta ». J’aimais aussi les téléréalités où les candidats ne foutaient rien. Je me souviens de « Nice People », ça, j’ai vachement regardé. « La Ferme Célébrités » aussi. Même « Première compagnie ». Je ne saurais pas dire pourquoi j’ai fait l’impasse sur « Star Academy ». Peut-être parce qu’à l’époque, les chanteurs que j’aimais bien – je me souviens de Zazie – critiquaient un peu l’émission. Ça faisait bien de ne pas aimer.
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Vous êtes aussi un grand joueur de jeux de société… Si on vous appelle pour « Les Traîtres » sur M6 ou « Loups-garous » sur Canal+, vous y allez ?
« Les Traîtres », je crois que c’est vraiment très dur, éprouvant. Mais je n’aime pas trop jouer aux « Loups-garous », dans mon salon. Par contre, si on m’appelle pour faire une grande chasse au trésor, j’y vais, parce que j’adore ça !
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