«Une idée simple et vertigineuse ». Ils sont tous deux chercheurs à l’université de Montpellier au sein de la faculté des sciences : Boris Chenaud et Christophe Chaubet résument les travaux qui ont permis au Français Michel Devoret et ses deux acolytes, John Clarke et John Martinis, de décrocher le prix Nobel de physique. « Un circuit électrique peut se comporter comme un atome avec des niveaux d’énergie discrets, et sa dynamique collective peut traverser des barrières par effet tunnel. C’est le socle des circuits quantiques modernes et des qubits supraconducteurs », résument-ils.
« Leurs travaux sur la mécanique quantique macroscopique ont été fondateurs, elle est régulièrement citée en référence à nos étudiants », souligne Nicolas Roch, chercheur du CNRS à l’institut Néel, à Grenoble. Ces travaux remontent au début des années 1980. « Ce qui en découle aujourd’hui, c’est tout ce qu’on appelle les technologies quantiques, de l’ordre de l’infiniment petit, souligne-t-il. Le fait que la mécanique quantique puisse décrire un système de grande taille (le macroscopique, c’est-à-dire, pour faire simple, ce que l’œil humain peut voir), c’est extrêmement important pour la communauté scientifique ».
Leur découverte a ouvert un champ des possibles, notamment dans le domaine des supercalculateurs. Puisque les circuits électriques peuvent traverser des barrières sans avoir besoin de les contourner, ils gagnent en vitesse considérable. « L’informatique « classique » est constituée de bits 0 et 1. Aujourd’hui, les premiers ordinateurs quantiques fonctionnent avec des bits quantiques, des quantums bits ou qubits, reprend Nicolas Roch. Ils peuvent prendre n’importe quelle valeur entre 0 et 1 grâce à ce qu’on appelle des superpositions d’états. Ça permet des calculs beaucoup plus rapides, plus efficaces. Et ouvre des promesses extrêmement alléchantes en matière d’algorithmes et de calculs impossibles à réaliser par des ordinateurs classiques ».
L’Etat français a investi un milliard d’euros dans la Stratégie Nationale Quantique sur un plan pluriannuel commencé en 2021. « Il s’agit de rien moins que de conquérir notre souveraineté dans ce domaine technologique qui façonnera le futur », expliquait Emmanuel Macron lors de la présentation de ce plan. De leur côté, les GAFAM investissent des centaines de millions d’euros dans ces technologies. Le nouveau prix Nobel français, aujourd’hui âgé de 72 ans, a ainsi été recruté il y a quatre ans comme conseiller par Google Quantum AI, la branche spécialisée de Google dans ce domaine.
Notre dossier sur la physique quantique
« L’ordinateur quantique n’est pas encore là, modère néanmoins Michel Devoret, dans un entretien au Monde. Le jury a plutôt salué les travaux fondamentaux qui ont entraîné la croissance des développements autour de ces machines », dont on peine à percevoir les limites. « Ç’a été merveilleux d’en avoir été à l’origine. C’est flatteur et enthousiasmant. Il est difficile de prédire où ira l’informatique quantique », reconnaît celui qui en est l’un des fondateurs…
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