La résilience de l’économie israélienne n’est plus à démontrer ; les deux années de guerre ont confirmé sa capacité à résister à des chocs extérieurs et à rebondir lorsque les épreuves s’atténuent.
Depuis octobre 2023, Israël est secoué par un conflit multifronts qui reste exceptionnel par sa durée, son ampleur et son intensité. Malgré ce contexte agité et instable, l’économie d’Israël a réussi à garder la tête hors de l’eau et n’a pas coulé, loin de là.
Certes, l’économie d’Israël a connu un fort ralentissement de son activité économique et beaucoup de zigzags, au gré de l’intensité des combats et des dégâts causés par l’ennemi sur son territoire. En revanche, elle a su mettre à profit les avantages que lui ont procurés certains secteurs où le savoir-faire de sa main d’œuvre fait des merveilles.
Retombées significatives
Lorsque la guerre a éclaté le 7 octobre 2023, l’économie d’Israël se trouvait dans une très bonne situation financière :
- un équilibre budgétaire rare,
- un endettement extérieur modéré,
- d’importantes réserves en devises.
Ce système financier solide, associé à une gestion monétaire efficace de la Banque centrale, a permis à l’économie d’Israël de résister au choc du 7-octobre et aux conflits qui ont suivi. D’autant plus que les guerres ont eu de vastes répercussions économiques, notamment en créant une pénurie de main d’œuvre qui s’explique par :
- la mobilisation des réservistes (10 % de la population active),
- l’absence des travailleurs palestiniens (3 % de la population active),
- le départ des travailleurs étrangers (3 % de la population active).
Sans compter les dépenses militaires croissantes et le coût de la reconstruction des zones endommagées qui ont aggravé le déficit public. Les retombées ne se sont pas faites attendre : de nombreux secteurs de l’activité ont tourné au ralenti comme le tourisme étranger, l’agriculture, la construction, etc.
Selon le Bureau central de la Statistique, l’activité économique en Israël a chuté de 21,1 % au quatrième trimestre 2023. En 2024, le PIB a fait du surplace avec 1 % de croissance, soit un recul de 0,3 % par habitant. Une reprise encourageante s’est amorcée au premier trimestre 2025 (+3,3 %), mais la rechute a été brutale : la guerre avec l’Iran a provoqué un recul du PIB de 4 % au second trimestre 2025.
Performances économiques
Malgré des risques élevés, l’économie israélienne s’est maintenue sur les rails. Elle a mis à profit son expérience de la guerre pour exporter son savoir-faire accumulé dans les filières de la défense et de la technologie.
C’est ainsi que son industrie de la défense connaît une croissance fulgurante alors que les exportations d’armements battent tous les records antérieurs ; les Industries Aéronautiques, Elbit et Rafael figurent parmi les entreprises israéliennes qui ont multiplié les contrats avec des pays étrangers – qui préfèrent souvent garder l’anonymat.
Avec le secteur de la défense, la haute technologie civile est restée un des moteurs de l’économie israélienne. Les innovations dans les domaines de l’intelligence artificielle et de la cybersécurité ont séduit les investisseurs étrangers qui se sont arrachés des entreprises israéliennes à prix d’or comme Wiz (racheté par Google pour 32 milliards de dollars en mars 2025) et CyberArk (par Palo Alto Networks en juillet 2025 pour 25 milliards de dollars).
Ces succès ont permis de contrebalancer le retrait de capitaux étrangers en provenance de pays qui ont décidé de boycotter l’économie d’Israël, comme la Norvège, l’Irlande ou la Belgique ; l’isolement commercial d’Israël s’est accentué avec la rupture des relations avec la Turquie, faisant perdre à Israël pour 8 milliards de dollars d’échanges bilatéraux avant-guerre.
Miracle ou mirage ?
En économie, il n’existe pas de miracle. Si l’économie d’Israël tient le coup après deux années de guerre, c’est pour des raisons objectives et rationnelles, en particulier :
- si le chômage est bas, c’est parce que l’absence des ouvriers palestiniens et étrangers a provoqué une pénurie de main d’œuvre ;
- si le déficit budgétaire est contenu, c’est parce que le gouvernement a augmenté fortement les impôts et coupé dans les dépenses civiles ;
- si la dette publique est inférieure à celle de la France, c’est parce que le système économique israélien est ultralibéral : l’État dépense peu pour la protection sociale, la santé et l’éducation ;
- si la Bourse de Tel Aviv et le shekel résistent au ralentissement économique, c’est en raison des taux d’intérêt élevés et des fortes réserves en devises (230 milliards de dollars) qui rassurent les investisseurs étrangers.
S’il n’y a pas de miracle de l’économie israélienne, reste à savoir si sa résilience relève d’un mirage, notamment du fait que :
- l’activité reste entretenue par la dépense publique qui ne garantit pas une croissance durable,
- les Israéliens, dont le pouvoir d’achat est rogné par l’inflation et les impôts, ont du mal à boucler les fins de mois,
- de nombreux moteurs de croissance tournent toujours au ralenti,
- l’isolement international remettra en cause les acquis économiques des deux dernières années.
En définitive, l’économie israélienne doit sa résistance à deux facteurs décisifs : les succès de sa technologie (civile et militaire) et l’aide financière des États-Unis (régulière et exceptionnelle). Sans ces deux atouts majeurs, Israël ne pourrait mener une guerre aussi longue, intense et coûteuse. Attention au trompe-l’œil !
à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : « Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël » (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
TIMES OF ISRAEL.
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