Eli Sharabi «491 jours aux mains du Hamas»

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« Personne à Gaza ne m’a aidé. Les civils nous ont vus souffrir et ils ont applaudi les terroristes. Il n’y a pas de “non impliqués”…

Eli Sharabi a été enlevé par le mouvement terroriste palestinien le 7 octobre 2023. Dans Otage, il décrit la réalité de la haine du juif à Gaza.

Le 8 février dernier, 491 jours après son enlèvement dans le kibboutz Be’eri, Eli Sharabi était libéré par le Hamas, avec deux de ses compagnons d’infortune. Une séquence mise en scène par le mouvement terroriste islamiste à destination de l’opinion internationale, avec un soin rappelant les exhibitions nazies. Habillés de joggings propres, un peu nourris – Eli Sharabi a néanmoins perdu une trentaine de kilos pendant sa captivité –, les otages se sont vus remettre une « certification de libération » qu’ils ont dû montrer à une foule gazaouie hurlant des « Allah akbar ». Ils ont récité, en hébreu, un texte écrit par leurs tortionnaires, accusant Netanyahou de les avoir abandonnés. Ils ont souri aux miliciens encagoulés qui les encadraient et les ont salués, comme ils en avaient reçu l’ordre.

Cette sinistre cérémonie n’était pas la première. Le Hamas, passé maître dans l’art de manipuler l’opinion internationale, savait très bien qu’il y aurait toujours des Occidentaux pour voir dans ces discours, dans ces sourires, la preuve de l’ignominie du premier ministre israélien et de l’humanité des bourreaux de Gaza.

C’est précisément parce que ces réalités ont été gommées dans le récit médiatique qui s’est imposé depuis le 7 octobre qu’Eli Sharabi a décidé de raconter son calvaire. De décrire cette famille gazaouie dont les hommes se sont improvisé geôliers, cette population dressée à la haine du juif, ce sadisme de « soldats » qui ont imposé à leurs prisonniers de réciter le Coran pour les laisser faire leurs besoins.

Il a fallu quarante ans pour que Si c’est un homme, de Primo Levi, publié en 1947, triomphe de l’oubli volontaire dans lequel il avait été confiné. Combien de temps faudra-t-il à Otage ?

L’arrivée à Gaza.

Le véhicule s’arrête. Les terroristes nous tirent dehors, l’ouvrier et moi. Le soleil cogne. Je transpire : j’ai eu très chaud pendant le voyage en voiture, sous cette couverture et sous une autre personne. Une immense agitation règne autour de nous. J’entends les cris d’une foule bruyante, extatique. Soudain des mains commencent à m’agripper. D’innombrables mains. On me précipite dans un océan de gens qui se mettent à me taper sur la tête. Ils crient. Ils essaient de me déchirer, un membre après l’autre. Ils se battent pour se saisir de moi. Ils jurent, ils me sifflent. J’ai le cœur qui s’emballe, la bouche sèche. Je peux à peine respirer. C’est fichu pour moi. Les terroristes du Hamas tentent de repousser la foule. Ils doivent employer les grands moyens. Ils arrivent à m’arracher à elle, m’entraînent et, à la dérobée, me font entrer dans un bâtiment.

C’est notre première étape dans la bande de Gaza : une mosquée. Je m’en rends compte car je peux voir le sol à travers le bandeau qui me couvre les yeux à ce moment-là, il n’est pas très serré. Il y a des tapis de prière colorés. Après avoir réussi à nous sauver du lynchage, les terroristes claquent la porte derrière nous.

Dans la mosquée, le calme règne pour l’instant. J’entends ma propre respiration. L’ouvrier sanglote à côté de moi. Les terroristes nous conduisent dans une salle latérale où ils nous retirent nos bandeaux et nous ordonnent de nous déshabiller. Je cligne des yeux. Je regarde autour de moi. La pièce ressemble à une grande salle de réunion meublée d’une longue table et de chaises luxueuses. On se croirait moins dans une mosquée que dans le conseil d’administration d’une société américaine. On est à Gaza, pourtant. En tremblant, j’enlève ma chemise et mon pantalon. Je me retrouve en boxer sous le regard sans-gêne des terroristes. Ils commencent à m’interroger. Ils me parlent en arabe et je réponds en arabe. Le fait que je connaisse l’arabe les tend. Ils sont clairement stressés.

– Ton nom ?

– Eli Sharabi.

– D’où es-tu ?

– Du kibboutz Be’eri.

– Tu es soldat ?

– Non, je ne suis pas soldat.

– Tu n’es pas soldat ?

– Non.

Ils échangent des regards, puis reviennent à moi.

– Tu es soldat, affirme leur chef.

– Je ne suis pas soldat.

– Quel âge as-tu ? Je réponds en arabe.

– Wahad wa-hamseen sneen.

(Cinquante et un).

– Cinquante et un ?

– C’est ça, cinquante et un.

– Tu es soldat !

– Non, je ne suis pas soldat. Je jure que je ne suis pas soldat. […]

Sous la garde d’une famille gazaouie

Ils nous font marcher jusqu’à ce que nous sentions du ciment sous nos pieds. On commence à monter des marches. Chaque marche est un soulagement, car je ne veux qu’une chose : être en surface, et non sous la terre. Je veux seulement qu’on ne me jette pas dans un trou. […]

Les terroristes qui nous ont traînés ici s’en vont et nous nous retrouvons sous la surveillance d’un homme plus âgé, sans doute le père de la famille qui vit là. Mon bandeau continue de glisser un peu et j’arrive à distinguer un homme de grande taille, fort et costaud, aux cheveux blancs. Il nous apporte à manger une ou deux fois par jour. Il nous introduit des tranches de pita dans la bouche. Je le supplie en arabe de desserrer les liens, ou du moins de m’attacher les mains devant. Il refuse. […]

Mes yeux commencent à s’adapter à la pièce. C’est une banale chambre d’enfant. Un petit lit, deux matelas par terre pour nous, une commode, un bureau avec des étagères. Il y a deux grandes fenêtres, l’une donnant au sud et l’autre, à l’est. Elles sont tendues de toile de jute marquée du sigle UNRWA. […]

Quand nous avons besoin d’uriner, le père, ou l’un de ses fils, nous fait lever, nous sort de la chambre, nous emmène aux toilettes et nous baisse notre caleçon pour que nous puissions nous soulager. C’est humiliant. Tu es là, debout, exposé, les yeux bandés, les mains et les jambes attachées ; on t’a déculotté et tu dois accomplir l’acte le plus basique et privé qui soit, en sachant que quelqu’un ne te quittera pas des yeux tout le temps que ça durera. […]

Je commence à mieux connaître le père. C’est un homme fort, sage, religieux. Dans la maison, c’est lui qui décide. À l’intérieur, il porte la djellaba traditionnelle, mais quand il sort, il s’habille en jean et chemise déboutonnée. Il a alors les joues bien rasées. Lors de notre première conversation, il m’apprend qu’il a travaillé dans le bâtiment, à Tel-Aviv, et qu’il se rappelle encore quelques mots d’hébreu. Son anglais est excellent. Les fils aussi parlent anglais. J’en déduis qu’il s’agit d’une famille éduquée, où l’on accorde une grande importance aux études. Le père pousse ses enfants à réussir. Ils ne sont pas pauvres. Il y a beaucoup à manger dans la maison, ainsi que de bons vêtements, de bonnes chaussures. Le père a toujours des liasses de billets dans la poche de sa chemise. Je ne vois jamais la mère. Je l’entends seulement chuchoter dans l’escalier avec mes gardiens, le Masque et le Nettoyeur. Mais je mange ce qu’elle prépare, je porte les habits qu’elle lave. […]

Dans les tunnels

Je me prépare à affronter l’obscurité totale, les tunnels du Hamas que j’ai vus à la télévision, dont j’ai entendu parler. Mon tour est venu d’y descendre – mon tour ! Bientôt, les ténèbres vont m’engloutir, je serai enterré vivant.

Nous continuons de descendre dans le boyau. J’ai peur. Tous mes cauchemars, toutes mes craintes, tous mes tourments intérieurs m’accompagnent le long de l’interminable échelle, un barreau après l’autre.

L’angoisse me dévore entièrement. La descente se fait avec précaution. Après deux minutes éprouvantes, nous touchons le fond, à 30 mètres sous terre environ. C’est le noir total. Les terroristes n’ont que des lampes frontales pour éclairer le chemin. Quelques pas encore, puis une volée de marches à descendre. Quelques pas de plus. Nouvel escalier. Après l’escalier on continue d’avancer. Je sens que le sol est en pente. Nous nous enfonçons toujours plus sous la terre. […]

Nous n’allons jamais dans les quartiers de nos ravisseurs. Ce sont eux qui viennent à nous pour nous apporter à manger, nous informer de la situation ou simplement discuter. Presque tous les soirs, ils viennent s’asseoir avec nous. Le Rond aime bien discuter politique. Il ne cesse d’expliquer sa vision du monde, de rabâcher les éléments de langage du Hamas, des slogans du genre :

« Toute la Palestine est à nous et seulement à nous.

Il n’y a pas de place pour l’État d’Israël, ça n’existe pas. Retournez là d’où sont venus vos parents et grands-parents.

Il n’y aura pas de paix tant que vous occuperez notre pays.

La vie est difficile pour nous à Gaza.

Les conditions sont dures, et il n’y a pas d’argent. Nous sommes des victimes.

Bibi veut tous nous tuer. »

Quand il parle, il faut rester prudent, répondre avec finesse, tenter d’exprimer nos idées sans le contredire. Nous préférons acquiescer, manifester de l’empathie, faire comme si on le comprenait, comme si leur mode d’action était légitime. Nous voulons qu’il reste avec nous, qu’il continue de parler, de nous donner des nouvelles, de nous informer sur la situation. Pour cela, nous acceptons d’endurer ses sermons, sa propagande. […]

Régulièrement, un de nos ravisseurs nous dit :

– On est exactement comme vous, pour nous aussi c’est dur. Nous aussi, on a faim.

En général, on se contente de hocher la tête. On ravale un rire amer, mais un jour, au comble de l’exaspération, je réponds :

– Comment ça, comme nous ? Qu’est-ce que vous entendez par-là ? Vous mangez comme nous ? Vous êtes coupés de vos familles comme nous ? Vous, vous pouvez manger ce que vous voulez, quand vous le voulez ! Vous pouvez appeler vos épouses, vos enfants ! Vous êtes libres. Libres ! Comme nous ? Sérieusement ?

Pour la première fois, on repère des cartons d’aide de l’ONU. De grosses boîtes blanches emplies de nourriture. Nos ravisseurs se régalent, et nous laissent à peine quelques miettes du festin. […]

Endoctrinement

Je n’arrête pas de penser que si le Masque, Saïd, était né à Jaffa et qu’il avait grandi près de chez moi, on aurait pu devenir de bons amis, dans une autre vie. Sous sa façade de terroriste, il reste un être humain calme et doux. À travers nos interactions, j’ai commencé à comprendre l’étendue de son ignorance et du lavage de cerveau qu’il a subi. Ils sont tous absolument convaincus que l’unique objectif des Israéliens est de les tuer et de faire le mal. Je comprends que lui et les autres ne sont pas les grands idéalistes pour lesquels ils tentent de se faire passer. Ce n’est pas juste leur quête de sens qui les a fait basculer dans le terrorisme. Ils ont suivi le Hamas les yeux fermés et ont choisi de devenir terroristes pour des raisons économiques. Ils ont compris où étaient l’argent et le pouvoir, rien de plus. […]

Eli Sharabi, 491 jours aux mains du Hamas

Nos ravisseurs ont tous des mantras qu’ils répètent en boucle. Certains en ont plus que d’autres. Mais ce qu’ils croient dur comme fer et qu’ils affirment avec une confiance totale, c’est que l’Islam est la seule voie, la vraie, et que la terre leur appartient. Tout le territoire, tout ce qu’ils appellent la Palestine. Que ce soit dans la région autour de Gaza ou à Jérusalem-Est, à Acre, à Tel-Aviv ou à Beït Shéan, les Juifs n’ont pas leur place, et Israël n’existe pas. Ils ne céderont pas, ne renonceront pas à leur guerre contre nous tant que nous n’aurons pas tous fait nos bagages pour repartir d’où nous venons, tant qu’ils n’auront pas conquis chaque centimètre de cette terre. Parfois on sent leur haine contre nous juste parce que nous sommes juifs. On les entend grommeler « ces porcs de juifs » avec dégoût et mépris. Les plus extrémistes, ou peut-être juste les plus honnêtes expliquent que leur mission ne va pas s’arrêter ici, de la rivière à la mer. Ils rêvent d’établir un empire islamique qui dominera le monde entier. Pour eux, ce n’est pas seulement Israël qui n’a pas lieu d’être, c’est aussi la France, l’Angleterre ou la Suède. Le monde entier devrait être musulman. […]

La libération

Le spectacle va commencer. Une foule compacte est réunie : des hommes, des femmes, des enfants. Entassés, survoltés, à quelques mètres à peine de l’estrade. Certains ont même escaladé des poteaux électriques. Je les vois suspendus dans les airs, à 20, peut-être 30 mètres de hauteur. Ils cherchent à avoir la meilleure vue possible sur cet événement tellement excitant : trois civils juifs, retenus par le Hamas, au moment de leur libération. Je savais, parce qu’Ohad m’a prévenu, qu’il y aurait beaucoup de monde. Et pourtant, je suis stupéfait de voir une telle quantité de personnes. Je n’en reviens pas de leur exaltation, de l’excitation dans l’air, de leur appétit de nous voir et de s’approcher de nous. La tension est palpable. Les terroristes du Hamas nous disent de ne pas avoir peur, ils vont nous protéger. Avant qu’on sorte de la voiture, ils forment une barrière de sécurité entre nous et la foule déchaînée. Dans ces moments, comme chaque fois qu’on sort des tunnels pour se retrouver dehors, dans la rue, les membres du Hamas sont les « gentils ». Ce sont nos piliers, nos boucliers. Ils sont là pour qu’on se sente en sécurité. On sait que sans eux, absolument tous les spectateurs dans cette foule se jetteraient sur nous pour nous lyncher.

Extraits choisis par Judith Waintraub (intertitres de la rédaction)


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