Macron et la communauté juive : rencontre houleuse

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La rencontre du président français avec des personnalités juives clés, dont des intellectuels, des philosophes et des figures spirituelles, a pris un ton dur. Certains l’ont accusé de ne pas faire assez pour freiner la montée de l’antisémitisme, et d’autres ont soutenu sa reconnaissance d’un État palestinien, affirmant que cela mettrait fin au plan « Palestine de la mer au Jourdain ».

Le président français Emmanuel Macron a rencontré ces derniers jours des personnalités de la communauté juive française et a dû faire face à de vives critiques et à une vive colère. La communauté juive de France, la plus importante d’Europe avec plus d’un demi-million de membres, perçoit la reconnaissance d’un État palestinien à l’ONU comme une manœuvre politique visant à glorifier l’héritage de Macron au vu de ses échecs sur la scène nationale. La colère est d’autant plus vive que cette initiative est menée conjointement avec l’Arabie saoudite et parallèlement aux sanctions contre Israël au sein de l’Union européenne, en pleine vague d’antisémitisme sans précédent et en pleine fête de Roch Hachana.

Aujourd’hui, le président Macron a tweeté ce qui semble être une réponse aux informations faisant état de cette rencontre. « Je suis conscient de l’anxiété des Juifs de France. Détresse, solitude, peur : cette semaine, ils m’ont de nouveau dit combien leur vie a changé depuis le 7 octobre », a écrit le président français. « Ils ont également exprimé leur exigence de justice et de protection. J’ai demandé au ministère de la Justice de donner instruction aux procureurs d’améliorer encore le traitement de l’antisémitisme et de ses nouvelles formes par le système judiciaire. »

Il a signé son tweet : « Deux principes directeurs : une vigilance absolue et une réponse immédiate, pour identifier et sanctionner fermement les auteurs d’actes antisémites. Face à la haine, la République aura toujours le dernier mot. Le peuple sera toujours prêt. »

Lors de ses rencontres cette semaine avec des personnalités de cette communauté, considérée comme amie d’Israël, Macron a essuyé de vives critiques. Selon un article du Figaro, le président a reçu jeudi dernier 14 intellectuels, hommes d’affaires et intellectuels pour tenter d’expliquer les raisons de cette décision. Macron, arrivé avec six de ses conseillers, a affirmé que la reconnaissance d’un État palestinien à ce moment précis irait à l’encontre de la volonté du Hamas, mais une grande partie des participants ont rejeté ses propos lors d’une discussion qui a dégénéré, allant même jusqu’aux cris.

Macron a d’abord donné la parole aux personnes présentes. Le philosophe Bernard-Henri Lévy a averti que « la reconnaissance d’un État palestinien serait une catastrophe pour la France, pour Israël et pour la paix. Elle ne ferait que renforcer l’influence du Hamas auprès du peuple palestinien de la région. » Maurice Lévy, ancien président de Publicis, et l’avocat Pierre-François Weil ont pris part à la discussion. Un débat a également eu lieu autour des accusations de « génocide » par Israël. La plupart des personnes présentes ont rejeté ces accusations, tandis que Macron s’est abstenu d’exprimer une position claire.

L’historien Marc Knobel et la cinéaste Hannah Assolin ont soulevé la question de la forte montée de l’antisémitisme et ont interpellé le président sur le moment de cette forte hausse. De son côté, le philosophe Alain Finkelkraut a exprimé son soutien à Macron, a vivement critiqué le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et a affirmé que la reconnaissance de deux États est « le pire cadeau qui puisse être fait au Hamas, car elle enterrerait la revendication du mouvement islamique sur la Palestine, de la mer au Jourdain ». Cette approche a été soutenue, avec des réserves, par Denis Olivens, directeur du groupe de médias CMI France, et l’écrivain Pascal Bruckner.

Les participants à la réunion ont déclaré que Macron était contrarié et a tenté de justifier le moment choisi : « Si nous n’agissons pas maintenant, nous rendrons impossible la création de deux États, car le gouvernement Netanyahou annexera la Cisjordanie », a-t-il déclaré. Cependant, le dessinateur Joan Sefer a décliné une invitation à un dîner présidentiel, estimant que l’absence de Macron à la marche contre l’antisémitisme après le 7 octobre était « une tache impardonnable ».

Une autre réunion tendue a eu lieu à l’Élysée avec les responsables des instances représentatives de la communauté, dont le grand rabbin Haïm Korsia, le président du CRIF, Yonatan Arfi, et le président du Consistoire central, Eli Korsia. Les responsables n’ont pas révélé les détails de la conversation, mais il était clair qu’ils étaient déçus par le président. Le lendemain, Macron a rencontré les dirigeants musulmans afin de « créer un équilibre et une unité nationale ».

Le Figaro a confirmé une information d’Israël Hayom selon laquelle Macron s’est entretenu cette semaine avec l’ancien député Meir Habib, lui indiquant que la reconnaissance d’un État palestinien serait conditionnée à la libération des otages et au désarmement du Hamas. Parallèlement, le président multiplie ses actions de sensibilisation, notamment en s’entretenant avec des personnalités politiques israéliennes et en accordant une interview à la Douzième chaîne avec Yonit Levy.

Selon des sources au sein de la communauté juive de France, « il comprend que les Juifs du pays et les citoyens d’Israël perçoivent ces mesures comme une récompense pour le Hamas, une mesure qui renforce l’antisémitisme et nuit au peuple juif. Nous verrons maintenant si ce qui compte pour lui est l’héritage politique ou la nécessité d’agir correctement et de ne pas nuire au peuple juif qui s’attaquerait aveuglément aux Palestiniens. »

Le diner s’est mal passé.

Le dîner s’étire en longueur, pendant trois bonnes heures, entre longues argumentations et quelques échanges vifs. Ce jeudi 11 septembre, Emmanuel Macron reçoit, dans le salon des Ambassadeurs de l’Élysée, quatorze personnalités de différents univers : intellectuels, dirigeants d’entreprise, militants associatifs, créateurs… Toutes ont un lien fort avec le monde juif et ont travaillé sur la question de l’antisémitisme. Alors que le chef de l’État s’apprête, ce lundi, à reconnaître officiellement devant l’ONU un État de Palestine, il redouble d’efforts pour tenter de convaincre de la pertinence de sa décision la communauté juive française, braquée par ce tournant diplomatique et très inquiète de l’explosion d’un antisémitisme décomplexé depuis le pogrom commis par le Hamas le 7 octobre 2023.

Ce repas, dont l’existence a été révélée par La Tribune Dimanche, est l’une des initiatives du président pour déminer et se justifier. Ce soir-là, flanqué de six conseillers, Emmanuel Macron laisse d’abord les convives s’exprimer. Rapidement, le philosophe Alain Finkielkraut vient en soutien de sa décision. Dans un violent réquisitoire contre Benyamin Netanyahou, l’académicien estime que cette reconnaissance est « le pire cadeau qu’on puisse faire au Hamas », quoi qu’en disent ses contempteurs, puisque la reconnaissance de deux États enterrerait mécaniquement la revendication du mouvement islamiste d’une Palestine « de la mer au Jourdain ». Assis en face du président, l’essayiste Denis Olivennes, patron du groupe de médias CMI France, souscrit plutôt au raisonnement, tandis que l’écrivain Pascal Bruckner fait observer qu’une telle reconnaissance n’atténuera en rien l’antisémitisme en France, au contraire.

Bernard-Henri Lévy s’élève, lui, avec fougue contre cet acte. « C’est catastrophique pour la France, pour Israël et pour la paix, lance le philosophe. Cela ne fera qu’accroître l’aura du Hamas dans l’ensemble du peuple palestinien et dans la région. » Un avis plutôt partagé par l’ancien patron de Publicis Maurice Lévy et l’avocat Pierre-François Veil. À propos de la guerre à Gaza, un débat s’engage sur le terme de « génocide », globalement récusé par les convives, tandis qu’Emmanuel Macron se garde bien de prendre position. Surtout, plusieurs invités, comme l’historien Marc Knobel ou la réalisatrice Hanna Assouline, interpellent le président sur la montée de l’antisémitisme en France.

«On sentait un poids»

À la fin du repas, Emmanuel Macron justifie la reconnaissance d’un État de Palestine. « Si on n’agit pas maintenant, on va rendre impossible la création de deux États, car le gouvernement Netanyahou va annexer la Cisjordanie », argumente-t-il. À l’entendre, son initiative diplomatique, suivie par d’autres pays, s’inscrirait dans un combat « républicain » dans lequel tous les citoyens peuvent se reconnaître. « La paix là-bas, l’unité ici », résume-t-il. Il dit comprendre l’angoisse des Français juifs et rappelle sa propre action, lui qui a affirmé dès 2017 que l’antisionisme était « la forme réinventée de l’antisémitisme ». Tout en justifiant son absence polémique à la marche organisée à Paris peu après le 7 octobre 2023. « Ce n’est pas mon rôle », répète le président, en rappelant au passage la présence de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour à cette manifestation. « Je ne voulais pas participer à une opération de blanchiment », glisse-t-il.

« Nous sommes sortis en nous disant qu’il y avait un énorme écart entre ce que nous venions d’entendre et la caricature qu’on fait de lui », salue un participant au repas, auquel étaient invitées d’autres personnalités comme la journaliste Anne Sinclair, retenue par d’autres obligations. « C’était chaleureux, mais on sentait un poids sur ce dîner, nuance un autre. Il est très embêté, mais il pense qu’il ne peut pas reculer sur la reconnaissance de la Palestine. »

Il essaie de se rattraper, mais ça ne passe pas. Tout cela reste désespérant. On a compris que de toute façon, nous ne sommes pas très nombreux…

Une source au sein des instances de la communauté juive

Par un hasard de calendrier, le discours d’Emmanuel Macron à New York aura lieu au moment de Rosh ha-Shana, le Nouvel An juif. De quoi renforcer un profond malaise chez les Français juifs. Le dessinateur Joann Sfar est l’une des voix qui portent cette inquiétude, lui qui a décliné l’invitation au dîner présidentiel. « Je ne suis pas représentant de la communauté juive, et par ailleurs, je trouve que l’absence d’Emmanuel Macron à la marche contre l’antisémitisme est une tache inexcusable, explique-t-il. Autant l’administration française fait de son mieux contre l’antisémitisme, autant je peine à comprendre à quoi joue le président. »

Pour faire bonne mesure, Emmanuel Macron multiplie les signes de soutien, comme lorsqu’il a reçu le 10 septembre des représentants de familles d’otages retenus à Gaza. Mais le climat était pesant quand il a accueilli à l’Élysée, mardi 16 septembre, les responsables des instances représentatives de la communauté juive, dont le grand rabbin de France Haïm Korsia, le président du Crif Yonathan Arfi et le président du Consistoire central Élie Korchia. Les invités se sont refusés à tout commentaire à la sortie, mais leur déception à l’égard du président est palpable. « Il essaie de se rattraper, mais ça ne passe pas. Tout cela reste désespérant. On a compris que de toute façon, nous ne sommes pas très nombreux… », lâche tristement une source au sein des instances. Selon nos informations, Emmanuel Macron a aussi reçu le lendemain des personnalités en lien avec la communauté musulmane, comme l’islamologue Rachid Benzine et le consultant Hakim El Karoui, dans un souci d’« unité de la nation », dit-on dans son entourage.

«Tsunami antisémite»

Cette énième déclinaison du « en même temps » a détourné d’Emmanuel Macron nombre de personnes attachées à la sécurité d’Israël et à la lutte contre l’antisémitisme. Comme Caroline Yadan, députée de la 8e circonscription des Français de l’étranger – qui recouvre Israël – pourtant membre du parti présidentiel Renaissance. « Reconnaître un État sans condition revient à consacrer le plus grand massacre antisémite du XXIe siècle comme son mythe fondateur, réprouve-t-elle. On a vraiment l’impression d’un discours déséquilibré. Les Juifs vivent un tsunami antisémite en France et sont abandonnés parce qu’il n’y a pas de sursaut étatique, alors que leur vie a changé depuis le 7 octobre. » Manuel Valls, ministre sortant des Outre-mer, a tenté d’attirer l’attention d’Emmanuel Macron sur ce désarroi lors d’un Conseil des ministres fin juillet, comme l’a rapporté L’Opinion . L’occasion d’un débat entre les deux hommes sur le rapport de la communauté juive à l’universalisme.

L’espoir de Macron ? Pouvoir se rendre en Israël à moyen terme, alors qu’il n’y est pas le bienvenu aujourd’hui.

En plus de réceptions collectives, le président multiplie les contacts individuels. Il a échangé samedi dernier avec Meyer Habib, ex-député des Français d’Israël et proche de Benyamin Netanyahou. « Nous avons passé quarante minutes au téléphone, assure l’ancien élu. J’ai des messages de lui expliquant qu’il conditionne la reconnaissance de la Palestine à la libération des otages et au désarmement du Hamas. J’attends donc ce qu’il dira lundi. » En réalité, il s’agit d’une reconnaissance « sans condition préalable », rappelle-t-on à l’Élysée, Emmanuel Macron ayant passé par-dessus bord toutes les conditions qu’il avait d’abord posées. Mais à ses interlocuteurs, le président assure désormais qu’il assortira d’« exigences » les étapes ultérieures. « Concrètement, l’idée est de soumettre le processus à venir, comme l’ouverture d’une ambassade, à des conditions comme la libération des otages et le démantèlement du Hamas », esquisse-t-on dans son entourage.

Emmanuel Macron a également eu un échange téléphonique avec Benyamin Netanyahou dimanche, alors que ses relations avec le Premier ministre israélien sont très dégradées. Il maintient aussi le lien avec le président israélien Isaac Herzog, plus modéré que Netanyahou. Son espoir ? Pouvoir se rendre en Israël à moyen terme, alors qu’il n’y est pas le bienvenu aujourd’hui. Mais ses propos à la télévision israélienne, jeudi, affirmant que l’État hébreu est en train de « détruire » sa « crédibilité », ne devraient pas lui faciliter la tâche.

Après sa séquence à l’ONU, c’est aussi aux Juifs français qu’Emmanuel Macron envisage d’envoyer des signes de réconfort. Cette attente d’une prise de parole forte est ressortie du dîner du 10 septembre. « Une réflexion a débuté sur le sujet », temporise-t-on à l’Élysée, où les conseillers concernés devaient se réunir jeudi pour en discuter. Avec l’espoir de renouer un fil qui paraît cassé.

JForum.Fr – Israël Hayom – Le Figaro

La rédaction de JForum, retirera d’office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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