Mort de 18 adolescentes en Égypte : un accident révèle l’exploitation des enfants au service de l’UE
Dans la province de Menufeya, une région rurale au nord de l’Égypte, 18 adolescentes sont mortes en juin lors d’un accident de la route, alors qu’elles se rendaient au travail. Une tragédie qui révèle la précarité des travailleurs agricoles qui alimentent les marchés européens.
En juin dernier, un accident de bus survenu dans la province de Menufeya, au nord de l’Égypte, a mis a nu la dureté des conditions de travail dans le secteur agricole, qui emploie des enfants, et la manière dont l’Union européenne en tire profit tout en fermant les yeux sur des pratiques indignes. Les victimes, âgées entre 13 et 20 ans, travaillaient sur une exploitation agricole sans contrat de travail, 12 h par jour et le tout pour un salaire médiocre de 130 livres égyptiennes (environ 2,68 dollars) par jour. Rahma Arafat, avocate en droit du travail dénonce les conditions de travail intolérables pour les victimes, sans contrat, sans repos et sans la moindre protection.
Officiellement, la loi du travail en Égypte interdit, le travail des mineurs âgés de moins de 15 ans et conditionne le travail des mineurs entre 15 et 18 ans. Dans la pratique, beaucoup d’employeurs contournent les règles sans être inquiétés. En effet, selon une enquête menée par l’Organisation internationale du travail en 2010, plus d’un million d’enfants âgés de 5 à 17 ans travaillent en Égypte. De plus, 67 % de la main-d’œuvre en Égypte travaillerait sans être déclaré. Dans l’agriculture, ce taux est de 97 %. Les femmes et les filles sont les premières victimes de ce système puisqu’elles sont surreprésentées dans le travail agricole. En effet, 62,5 % des femmes travaillent sans être déclarées et 91 % d’entre elles gagnent moins que le salaire minimum.
Depuis l’accident de bus , une nouvelle loi du travail est entrée en vigueur en Égypte, le 1ᵉʳ septembre, mais elle ne répond en rien aux conditions de travail effroyables des travailleuses de la province de Menufeya. Les hausses salariales annuelles limitées à 3 % restent bien en deçà des chiffres avancés dans la première version de la loi en 2016 (7 %) et, surtout, très inférieures à l’inflation qui, malgré son net reflux en 2025, se maintient à deux chiffres. Par ailleurs, le nouveau texte maintient de nombreuses dérogations à plusieurs de ses dispositions, notamment en matière de pratiques des agences de recrutement privées.
L’Union européenne joue par ailleurs un rôle majeur dans l’exploitation de la jeunesse égyptienne. En effet, la plupart des produits cultivés en Égypte comme le raisin, les oranges ou encore l’oignon sont à destination des marchés européens. Alors que l’UE labellise les chaînes d’approvisionnement alimentaire au regard de normes telles qu’International Featured Standards (IFS), les syndicats égyptiens et les organisations de défense des droits des travailleurs montrent qu’en pratique, ces audits ne prennent jamais en compte les conditions de travail dans les champs. En clair, l’Union européenne fait peu de cas de l’exploitation des enfants lorsqu’il s’agit de ses partenaires commerciaux privilégiés. De quoi révéler que, dans les pays semi-coloniaux, les normes proclamés par les pays impérialistes restent largement incantatoires.
Grâce à ce dispositif, les grands groupes capitalistes font des profits gigantesques sur la misère des Égyptiens. En 2024, une enquête de la BBC World Service révélait que des enfants de cinq ans travaillaient dans des exploitations de jasmin dans le gouvernorat d’Al-Gharbia, au profit d’entreprises internationales comme Estée Lauder et L’Oréal. Une constante de l’industrie de la mode, qui, pour doper ses bénéfices, n’hésite pas à tirer parti des plus précaires, à l’image des travailleurs sénégalais employés dans des usines de Gucci en Italie.
Alors que la population égyptienne plonge un peu plus chaque jour dans la misère, al-Sissi a signé un nouvel accord avec le FMI lui permettant d’étendre son programme de prêt actuel (initialement de 3 milliards de dollars) à 8 milliards de dollars. En contrepartie, l’Égypte s’engage à mener une politique anti-ouvrière encore plus agressive. Dans ce contexte, la jeunesse égyptienne se retrouve contrainte à quitter le pays, parfois en empruntant les voies migratoires les plus dangereuses pour espérer un avenir meilleur. Pour lutter contre les politiques d’Al-Sissi, qui appuie également l’effort de guerre d’Israël à Gaza et réprime celles et ceux qui dénoncent le génocide, seul un soulèvement des masses égyptiennes, à l’image des « émeutes du pain », pourra inverser le rapport de forces. Alors que la cause palestinienne a historiquement servi de catalyseur de la colère populaire en Égypte, le génocide en Palestine et la complicité éhontée du gouvernement égyptien pourrait être le terreau de mobilisations importantes dans le pays.
JForum.Fr et RP
Similaire
La rédaction de JForum, retirera d’office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.
La source de cet article se trouve sur ce site