Grève du 18 septembre : « C’est assez sournois »… Comment fonctionne la lacrymo et comment s’en protéger ?

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La plupart des gens qui ont mis un pied en manifestation dans les grandes villes françaises ont déjà goûté aux gaz lacrymogènes. Pas parce qu’ils sont de méchants individus dangereux. Simplement parce qu’ils n’étaient pas au bon endroit au bon moment. Soyons clairs : la lacrymo n’est pas seulement réservée aux casseurs. Portée par le vent, elle est capable d’envahir des rues entières, de pénétrer dans les logements ou les voitures et d’incommoder toutes celles et ceux qui la respirent.

Lors du mouvement « Bloquons tout » le 10 septembre, la lacrymo a été utilisée dans plusieurs villes comme Nantes, Rennes et évidemment Paris. Dans le quartier de Châtelet, c’est même probable qu’elle ait causé un début d’incendie dans un restaurant. De quoi est-elle composée ? Pourquoi est-elle utilisée ? Est-elle dangereuse pour la santé ? 20 Minutes vous dit tout sur la lacrymo.

C’est quoi la compo de la lacrymo ?

La composition la plus répandue dans le monde, c’est le gaz dit « CS ». Le « 2-chlorobenzylidène malononitrile » porte en fait les initiales des chimistes américains Ben Corson et Roger Stoughton, qui ont mis au point « la recette » en 1928. Son utilisation a surtout démarré après la Seconde Guerre mondiale pour les opérations de maintien de l’ordre.

Le recours massif à la lacrymogène lors des manifestations à Sainte-Soline a été critiqué. Mais comment faire autrement, interrogent les forces de l'ordre.
Le recours massif à la lacrymogène lors des manifestations à Sainte-Soline a été critiqué. Mais comment faire autrement, interrogent les forces de l’ordre.  - Pascale Lachenaud/AFP

Lors d’une manifestation contre les mégabassines en mars 2023 à Sainte-Soline, plus de 5.000 cartouches de type avaient été utilisées par les forces de l’ordre. « C’est le seul moyen dont on dispose pour tenir les gens à distance. Ce n’est agréable pour personne. Mais si on l’utilise, c’est qu’on n’a pas d’autre choix », explique Johann Cavallero, responsable national de la branche CRS au syndicat Alliance.

Ça fait quoi quand on la respire ?

« On est plus chauds, plus chauds, plus chauds que la lacrymo », entend-on parfois en manif. Un refrain qu’on n’entend plus quand le nuage enveloppe le cortège. Car la lacrymo, ça coupe le sifflet même chez les plus téméraires. Pour toutes celles et ceux qui n’auraient jamais goûté à cette expérience, on ne la recommande pas. « Tu sens d’abord l’odeur. D’un coup c’est âcre et ça gratte au fond de la gorge. Et puis tu commences à tousser. En même temps, tu as le nez et les yeux qui piquent. C’est assez sournois parce que ça monte crescendo », explique Mathilde, habituée aux manifestations à Marseille.

« C’est un effet brouillard, qui désoriente. D’abord, tu as du mal à respirer, ça étouffe, il y a comme un effet de suffocation. Et puis tu ne vois plus rien, tu pleures. C’est une expérience assez traumatisante », poursuit Fabrice Lerestif, secrétaire départemental du syndicat Force ouvrière en Ille-et-Vilaine. « J’avais les yeux qui brûlaient, je ne savais plus où j’étais. J’avais du mal à respirer », témoignait un chauffeur de poids lourd lors du blocage de la rocade de Rennes le 10 septembre matin.

Et les asthmatiques ? Et les lentilles ?

Déjà particulièrement puissantes, les conséquences des gaz lacrymogènes peuvent encore s’accentuer chez certaines personnes. Pour celles qui portent des lentilles de contact, l’effet aveuglant est souvent encore plus gênant. Les personnes asthmatiques peuvent également en souffrir, éprouvant une sensation d’étouffement et de souffle court. Au-delà de seuls symptômes visibles, ce sont surtout les effets de panique qui peuvent être dangereux.

« Ça crée une panique je trouve. La première fois que j’en ai reçu, j’avais de plus en plus mal. Je me disais que ça n’allait jamais s’arrêter. Je ne voyais plus rien. »

Fabrice Lerestif se souvient quant à lui d’être resté prostré à tenir la banderole syndicale, tant bien que mal. « Quand ça s’est dissipé, j’étais tout seul, désorienté. J’ai dû être pris en charge par les camarades car j’étais proche du malaise. »

Comment faire pour s’en protéger ?

En s’en tenant à l’écart d’abord. Quand ce n’est pas possible, il est conseillé de s’éloigner de la zone dans le calme, sans courir pour ne pas accentuer l’effet suffoquant et ne pas chuter. Pendant les premiers temps, il est également utile de fermer les yeux et de ne pas les frotter. Sauf que si vous fermez les yeux, vous ne pouvez plus bouger. Pour respirer, cachez votre bouche dans un foulard, éventuellement humide ou dans votre veste. Après l’exposition au gaz, l’utilisation de sérum physiologique est assez miraculeuse pour atténuer les brûlures des yeux.

La lacrymo c’est dangereux pour la santé ?

Comme évoqué précédemment, cela peut l’être pour les personnes fragiles ou sujettes à la panique. Mais pas seulement. L’inhalation de gaz n’est jamais sans risque. Les brûlures aux yeux, quand elles sont sérieuses, peuvent durer plusieurs jours. Dans le cas des personnes ayant été gazées à bout portant par des gazeuses à main, les symptômes peuvent même être beaucoup plus prolongés. Le responsable syndical de Force ouvrière que nous avons interrogé évoque « trois ans de stigmates sur la peau » après avoir été gazé lors d’un rassemblement.

A Rennes, le recours au gaz lacrymogène semble de plus en plus courant depuis les violentes manifestations contre la loi Travail en 2016.
A Rennes, le recours au gaz lacrymogène semble de plus en plus courant depuis les violentes manifestations contre la loi Travail en 2016. - C. Allain/20 Minutes

Mais celles qui en inhalent le plus souvent, ce sont avant tout les forces de l’ordre elles-mêmes. « Chez les CRS, on a des masques à gaz pour se protéger. Mais on n’a pas toujours le temps de les mettre. C’est vrai qu’on en bouffe pas mal, quand le vent pousse le nuage vers nous. Je peux vous dire qu’on ne s’y habitue pas et que c’est toujours aussi désagréable », assure le porte-parole d’Alliance CRS Johan Cavallero. Sur le long terme, les effets sont relativement méconnus. En 2019, l’Association Toxicologie-Chimie évoquait « des effets néfastes évidents à plus ou moins long terme » sur les populations exposées régulièrement, notamment des affections respiratoires.

Et pourquoi c’est utilisé ?

Les gaz lacrymogènes sont utilisés dans le cadre du maintien de l’ordre. « L’objectif, c’est de disperser les gens, de les faire reculer. Ce n’est jamais par plaisir. Nous, quand les manifestations se passent bien, on est ravis », assure Johan Cavallero. La police française a-t-elle plus souvent recours à la lacrymo qu’avant ? « Sans doute. Mais parce qu’on a face à nous des manifestants de plus en plus violents et de plus en plus organisés. On a des collègues qui ont été très gravement blessés, parfois brûlés par des cocktails Molotov. Les moyens dont nous disposons sont parfois dérisoires. » Le représentant des CRS rappelle que lorsque les manifestations ne sont pas déclarées, elles sont considérées comme attroupements et donc interdites.

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Ces dernières années, plusieurs organismes ont cependant appelé à diminuer l’usage des fameux gaz. Dans un rapport de 2023, Amnesty International avait identifié « plusieurs situations » attestant que la lacrymogène est « utilisée de façon abusive par les forces de l’ordre lors des rassemblements publics dans de nombreux pays ». Un constat confirmé par Fabrice Lerestif. « On a vu la différence depuis la loi Travail en 2016. L’utilisation des gaz lacrymogènes ne doit pas être banalisée », assure le secrétaire de Force ouvrière.

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