«Tout le monde les déteste ! » Si le constat est fait dans un grand éclat de rire, l’évocation des septembristes auprès d’Adel, cadre dans une grande entreprise de La Défense, montre une tendance. Ces personnes qui partent en vacances après la rentrée, quand tout le monde est revenu, sont souvent regardées de travers.
Une mauvaise image qui n’empêche pas cette communauté de grandir d’année en année. En 2024, 27 % des Français qui partaient en vacances l’ont fait en septembre. Soit autant qu’en juillet, et un peu moins qu’en août (32 %). Un chiffre en progression… Mais qui ne plaît pas à tout le monde.
Moins de travail l’été et des vacances moins chères en septembre
« En réalité, ils mettent parfois la rage, et aux collaborateurs et aux chefs d’équipe. C’est un peu la hantise de ces derniers », explique Adel revenu à des sentiments moins belliqueux. Plusieurs raisons à cette animosité. L’envie d’abord. « Eux partent quand tout le monde a fini ses vacances. On était en vacances donc on ne les a pas vus bosser. Ça donne l’impression qu’ils en ont plus que les autres. D’autant qu’ils ont quand même souvent profité de l’été avec un week-end par-ci, un festival par-là. Parfois, ils sont même déjà bronzés avant de partir », explique le manager.
Ensuite, ces vacanciers de la rentrée profitent de ce que Marcella, manager dans une entreprise d’expertise comptable, appelle « le double effet Kiss Cool » des septembristes. « L’activité se réduit fortement en août, donc les salariés sont bien là, mais c’est beaucoup plus tranquille. Pour certains c’est limite tongs et fléchettes », s’amuse-t-elle.
Une vision partagée par notre rédacteur en chef adjoint, Julien, qui, non sans beaucoup de second degré, raconte : « Les septembristes sont des petits malins qui profitent de l’hypocrisie du monde de l’entreprise. Tout le monde sait que c’est le bon plan de bosser tout l’été parce que les chefs ne sont pas là et qu’on glande la moitié du temps. Donc c’est tout bénéf’ de rester planqué au boulot en été et de se barrer en septembre quand tout le monde doit en remettre un coup. » Il a d’ailleurs repéré un ou deux spécialistes en interne qui font toute son admiration : « Ils savent qu’on sait. On sait qu’ils savent. C’est comme un pacte de silence entre nous ».
Le privilège des jeunes et des collaborateurs sans enfant
« Alors je comprends tout à fait, rit Marcella. Parce qu’en général ce sont toujours les mêmes chez nous aussi. Avec souvent le même profil : pas des tire-au-flanc, des mecs plutôt doués même. Mais c’est sûr que si tu n’es pas derrière eux pour les cadrer un peu, la productivité de certains peut en prendre un coup. »
La manager peut même dresser un portrait-robot. Ce sont des personnes plutôt jeunes, sans enfant, ce qui leur permet de partir hors vacances scolaires. « Mais dans la réalité, ça finit par tourner au bout de quelques années. Ce sont souvent des jeunes parce qu’ils préfèrent partir quand c’est moins cher. C’est juste qu’après une année ou deux, ils ont compris qu’en plus ils s’évitent le coup de chaud de la rentrée. Ça peut être galère pour les autres collaborateurs qui rouvrent les gros dossiers sans eux. Mais après un temps, ils finissent par avoir des enfants et se retrouvent avec nous, les “vieux” juillettistes ou aoûtiens. »
« Ils tiennent la baraque pendant que les autres se reposent »
Expérimenté lui aussi, Adel reconnaît avoir vu un changement ces dernières années : « Il y a vingt-cinq ans, ça se voyait moins parce qu’il y avait encore des employeurs plus stricts sur les dates de vacances. Elles étaient assez souvent imposées. Les bureaux ou usines fermaient en août. On prend aussi davantage l’avion. Avant si tu restais en France, tu n’avais pas envie de risquer la pluie en septembre. Maintenant, ils vont en Thaïlande ou en Grèce… »
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Toutefois, le manager concède à ces septembristes plusieurs circonstances atténuantes. Des étés parfois un peu longs : « Quand on voit les collègues partir tout l’été, les journées s’éternisent au bout d’un moment. Et puis surtout, ils offrent deux vrais avantages : ils ne se battent pas avec les autres collaborateurs pour savoir qui partira telle ou telle semaine. Et puis quand même, ils tiennent la baraque pendant que les autres se reposent. »
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