Goldnadel : «Quand l’audiovisuel public est pris en flagrant délit de collusion politique»
Par Gilles William Goldnadel
FIGAROVOX/CHRONIQUE – La révélation des propos tenus par deux chroniqueurs de France Inter en compagnie de cadres du PS vient attester de manière éclatante la partialité de l’audiovisuel public, dénonce l’avocat et chroniqueur.
Mes lecteurs ne le savent que trop. C’est une obsession que j’assume depuis plus d’une décennie : la mainmise de la gauche – souvent extrême – sur l’audiovisuel de service public. Ceux qui me suivent sur X peuvent voir comment, chaque jour ou presque, je morigène cet « odieux visuel de sévices publics » en rapportant ici l’occultation d’un fait gênant (comme, par exemple, la nationalité tunisienne des jumeaux ayant profané l’Olivier d’Ilan Halimi), ou là le manque cruel de pluralité des invités (quatre invités successifs de gauche avant cette rentrée explosive, dont deux de La France Insoumise).
L’on n’est évidemment pas obligé de me croire, mais il s’agit d’une obsession assumée de principe ; le refus indigné de voir un organisme public chargé de cultiver, d’amuser et surtout d’informer, subventionné par mon impôt, colonisé sans complexe par un camp politique.
Et je jure que je n’accepterais pas que mon propre camp agisse de même manière. Mais il se trouve aussi que la gauche actuelle en souffrance d’idées comme de popularité se caractérise précisément par l’esprit d’intolérance.
Pour le dire autrement, si France Inter ou France Info étaient privatisées et suivaient comme aujourd’hui la ligne politique du Monde ou de Libération, je n’y verrais strictement aucun inconvénient et je me battrais même pour qu’elles puissent librement dire ce que je déteste entendre.
Mais comment accepter, par exemple, que la chaîne publique France 24 puisse toujours recourir aux services d’un journaliste, Fady Hanona, qui « veut brûler les juifs comme Hitler », et que la directrice de la chaîne le relaie parfois publiquement sur X ? Comment accepter que les autres radios et télévisions publiques, qui prônent sévèrement l’antiracisme, acceptent sans mot dire cette situation depuis qu’elle a été rendue publique en juillet ?
Pour le reste, et pour établir sans avoir à forcer ma capacité de convaincre, la partialité des chaînes publiques, je me contenterai de renvoyer mon lecteur à deux excellents dossiers du Figaro Magazine. Le premier, publié le 22 octobre 2021 et intitulé : « À gauche toute : enquête sur la mainmise culturelle de l’audiovisuel public ». L’enquête démontrait que les programmes de l’audiovisuel public, notamment sur France Inter, étaient très orientés vers le côté gauche ou libertaire. Elle citait notamment une chronique de Thomas Legrand, qu’elle qualifiait de « catéchisme » écologiste et dans laquelle il reprenait les recommandations du GIEC sans aucun débat critique. L’article notait également que France Télévisions avait donné consignes de ne pas inviter Éric Zemmour dans des émissions politiques tant qu’il n’était pas candidat officiel à l’élection présidentielle et obligatoirement convié.
L’article faisait également un sort particulier aux « humoristes » et notamment à Charline Vanhoenacker. Ces « humoristes » qui, comme j’ai coutume de le dire, ne ricanent que la bouche en coin à gauche.
En réalité, ce sont dans les émissions censément apolitiques, telle que par exemple « La Terre au Carré », qui véhicule l’écologisme politique le plus dogmatique, ou « Zoom Zoom Zen » un wokisme assez drolatique, qu’un véritable phénomène de décérébration soft est en marche.
Le Figaro Magazine publiait également en mai 2024 le rapport de l’Institut Thomas More qui analysait 587 intervenants sur les chaînes publiques du 19 au 23 février 2024. Les résultats montraient que 50% des intervenants ayant une orientation politique identifiable étaient classés comme appartenant aux « gauches » contre seulement 4% pour la droite ! Je me dois de préciser que je suis l’un des avocats qui ont adressé ce rapport à l’Arcom, sans nouvelles depuis.
Mais ici encore, nul besoin de me forcer à convaincre puisque Adèle Van Reeth, directrice de France Inter, assume elle-même sans complexes particuliers cette orientation gauchisante en déclarant au Figaro le 28 mars 2024 : «Les faits , c’est que nous sommes une radio progressiste et nous l’assumons.»
Au nom de quel principe métaphysique ou de supériorité morale autoproclamée France Inter saurait ainsi déroger à un cahier des charges qui prescrit la neutralité du service public subventionné, j’avoue l’ignorer avec humilité.
Enchaînons à présent sur l’événement qui provoque cette chronique : les révélations de L’Incorrect sur cette rencontre dans un café entre deux journalistes de France Inter et deux caciques du Parti socialiste et surtout la teneur d’une conversation qui ne nécessite aucune savante exégèse.
Quand Thomas Legrand, également journaliste à Libération, après s’être inquiété des élections à Paris, déclare à ses interlocuteurs « Nous, on fait ce qu’il faut pour Dati, Patrick (Cohen) et moi » (sans être contredit par Patrick). Quand il ajoute, concernant l’électorat du centre, comme pour rassurer ses interlocuteurs : « Le marais centre droit centre gauche, on ne les entend pas beaucoup, mais ils écoutent France Inter. Et ils écoutent en masse. » La bonne cause est entendue. Car cette rencontre dans un lieu public montre à quel point un naturel sentiment d’impunité ou plutôt de tranquillité peut animer des esprits de progrès dont la cause sans entraves est forcément bonne contre les méchants.
Faute de pouvoir sérieusement nier l’évidence d’une collusion entre gauches médiatique et politique, celles-ci en sont réduites à l’objection juridique. Gilles William Goldnadel
Il n’est en effet pas inutile de remarquer que faute de meilleurs arguments, la gauche médiatique repousse avec mépris les révélations de l’Incorrect non par ce qu’il mentirait mais parce qu’il serait d’« extrême-droite »... La gauche et son extrémité s’imaginent encore qu’il suffirait de prononcer ces deux mots maudits pour être acquittées par magie. Hélas pour elles, c’est fini. Le privilège rouge a pali. Faute de pouvoir sérieusement nier l’évidence d’une collusion entre gauches médiatique et politique, celles-ci en sont réduites à l’objection juridique.
Patrick Cohen, qui contrairement à son confrère Legrand n’est pas suspendu, d’annoncer une plainte pénale pour enregistrement illégal et la SDJ de Radio France d’évoquer « des propos volés ».
L’avocat qui signe ce billet ne considère pas cette objection désespérée comme totalement hirsute, mais la loi et la jurisprudence en ont décidé autrement. En toute hypothèse, ceux qui usent ici de cette argutie, sont les plus mal placés pour en user. Le service public, et notamment Cash Investigation d’Élise Lucet, n’est pas loin d’en abuser. France TV samedi, à 13 heures comme à 20 heures, faisait son miel du fiel d’une vidéo sauvage montrant un policier giflant un particulier.
En 2010, c’est Thomas Legrand lui-même qui défend, sur France Inter, Mediapart qui avait récupéré les enregistrements du majordome de madame Bettencourt effectués dans un espace autrement plus privé qu’un café : « L’investigation journalistique a ceci de compliqué qu’elle passe forcément par les marges de la déontologie », dit-il avec compréhension. Mais il est vrai que Mediapart n’est pas vraiment un organe d’extrême-droite.
Et c’est toujours Patrick Cohen, mais seul, qui interrogé en février 2018 sur la 5 publique par Ali Baddou, concernant les propos confidentiels prononcés par Laurent Wauquiez auprès d’étudiants de l’EM Lyon, défendait Quotidien qui les avait rapportés, au nom, précisément, de « l’intérêt public ».
Il est vrai que l’esprit de réciprocité n’est pas la qualité que je prêterais en premier à la gauche médiatique. Je ne sais quel sera l’avenir au sein de l’audiovisuel public des deux journalistes mis en cause. Mais je veux croire que ces révélations sont un tournant et que plus rien ne sera tout à fait comme avant.
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox. Il a publié Journal d’un prisonnier (Fayard, 2025). Il est également président d’Avocats sans frontières.
Source: www.lefigaro.fr
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