Avancée majeure en médecine régénérative : des chercheurs de l’Université de Tel-Aviv ont développé un implant de moelle épinière humaine pour permettre aux personnes paralysées de remarcher
Une équipe de recherche israélienne sous la direction du Prof. Tal Dvir du Centre de biotechnologie régénérative de l’Université de Tel-Aviv, directeur du Centre de nanotechnologie de l’université et scientifique en chef de l’entreprise de biotechnologie Matricelf, a réussi pour la première fois au monde à cultiver un implant de moelle épinière, destiné à s’intégrer dans la moelle épinière de patients paralysés afin de restaurer leur mobilité.
Il s’agit d’une des avancées les plus importantes dans le domaine de la médecine régénérative, qui pourrait changer la vie de millions de personnes dans le monde.
Cette greffe de moelle épinière humaine marque une nouvelle étape dans un processus entamé il y a environ trois ans, au cours duquel les chercheurs du laboratoire du Prof. Dvir à l’Université de Tel-Aviv avaient réussi à concevoir pour la première fois un prototype de moelle épinière humaine en 3D. Lors d’essais pré-cliniques, des souris atteintes de paralysie chronique ayant subi une greffe de ces implants artificiels ont alors recommencé à marcher.
Un implant personnalisé pour régénérer la moelle epinière.
À la suite de ces résultats spectaculaires, publiés dans la prestigieuse revue Advanced Science, la technologie a été transférée par le biais de Ramot, société de commercialisation de l’université de Tel-Aviv, à la startup Matricelf, fondée en 2019 pour mettre en œuvre un procédé révolutionnaire d’ingénierie d’organes développé dans le laboratoire du Prof. Dvir. Matricelf a été fondée par le Prof. Tal Dvir et le Dr. Alon Sinai; sa directrice scientifique est le Dr. Tamar Harel-Adar et son PDG, Gil Hakim.
La moelle épinière est constituée de cellules nerveuses qui transmettent des signaux électriques du cerveau à toutes les parties du corps. Les décisions sont prises par le cerveau, puis le signal électrique traverse la moelle épinière, d’où émergent les neurones qui activent les muscles. Lorsque la moelle épinière est déchirée par suite d’un traumatisme (accident de voiture, chute, violence ou blessure de guerre), cette chaîne est interrompue. On peut l’imaginer comme un câble électrique sectionné : lorsque les composants ne sont plus connectés, le signal ne passe plus et la personne perd la capacité de contrôler ses muscles au-delà de la lésion.
Le problème majeur est que la moelle épinière est quasiment incapable de se régénérer. Les neurones ne se divisent pas et ne se régénèrent pas comme les cellules de la peau ; ils ressemblent davantage aux cellules cardiaques : une fois la lésion produite, le corps peine à se reconstituer. Les dommages causés persistent et s’aggravent parfois jusqu’à se stabiliser à un niveau suffisamment important pour provoquer une paralysie prolongée, voire permanente.
Le nouvel implant est fabriqué à partir de cellules sanguines prélevées sur le patient lui-même et reprogrammées par ingénierie génétique pour devenir des cellules souches pluripotentes, capables de se développer en différents types de tissus. Ces cellules sont intégrées à un hydrogel biologique qui imite l’environnement de la moelle épinière au cours du développement embryonnaire, créant ainsi une « infrastructure » naturelle qui contribue au renouvellement des connexions neuronales.
Selon les chercheurs, l’accent mis sur l’adaptation personnelle est particulièrement important, car il s’agit des propres cellules du patient. Le risque de rejet immunitaire est donc très faible, ce qui augmente les chances de réussite. Le Prof. Dvir explique : « Les tissus transmettant des signaux électriques doivent obligatoirement être adaptés au patient. Dès qu’ils proviennent d’une autre source et sont transplantés, une réaction du système immunitaire peut se produire. L’organisme ne reconnaît pas ces cellules et, même si le tissu est sain, le système immunitaire crée une couche fibreuse autour de l’implant composée de collagène et d’autres matériaux. Cela se produit avec presque tous les implants que nous introduisons dans le corps comme les implants mammaires ou les stimulateurs cardiaques. Le problème est que cette couche interfère avec le passage du signal électrique. Et lorsqu’il s’agit de tissus conducteurs d’électricité, elle les isole et altère leur fonctionnement ».
Premiers essais cliniques.
L’étape suivante consiste à créer un tissu complet à partir des nouvelles cellules, processus qui prend environ un mois. « Les cellules individuelles, même les neurones les plus performants, ne se transformeront pas en tissu lors de l’injection ; elles ne survivront tout simplement pas. Elles doivent être ordonnées et organisées », explique le Prof. Dvir. C’est pourquoi les chercheurs ont séparé les substances comme le collagène et les sucres du tissu adipeux du patient et fabriqué un hydrogel spécial à partir de ces substances. « Nous insérons les cellules souches embryonnaires dans ce gel, qui est donc adapté individuellement au patient tout comme les cellules elles-mêmes, et imitons le développement naturel de la moelle épinière ».
On laisse ensuite ces cellules se développer. Et en un mois environ, la magie opère, et on observe la création d’un tissu médullaire tridimensionnel, adapté à l’anatomie et la biologie du patient, qui peut être transplanté dans la zone affectée.
Les tests menés sur des animaux ont donné des résultats particulièrement encourageants : les rongeurs souffrant de paralysie sévère ont pu à nouveau bouger leurs pattes, et certains se sont même remis à marcher presque entièrement. Ces résultats signifient que l’implant est capable de restaurer certaines des connexions nerveuses endommagées et de rétablir la transmission des signaux du cerveau aux muscles. Ils indiquaient donc un réel potentiel de réadaptation fonctionnelle, même dans des cas auparavant considérés comme irréversibles.
L’étude entre à présent dans sa phase la plus attendue : les premiers essais cliniques chez l’homme. L’équipe a déjà présenté ses résultats au ministère israélien de la santé qui, après un examen approfondi, a accordé une autorisation temporaire d’utilisation auprès de huit patients. Le Prof. Dvir souligne que le premier de ces patients sera israélien : « La technologie a été développée ici, et je fais confiance aux chirurgiens israéliens pour la mettre en œuvre de la meilleure manière possible ». Une autorisation supplémentaire a également été obtenue récemment pour démarrer la phase de prélèvement sanguin, qui sera réalisée dès que le patient approprié aura été sélectionné.
Une avancée décisive dans un domaine médical jusque-là considéré comme sans remède.
Dans un premier temps, l’essai inclura des patients présentant des blessures récentes et dont la paralysie dure depuis un an maximum, et non des cas graves où les lésions persistent depuis des années. « Nous souhaitons démarrer progressivement, afin de garantir la sécurité et l’efficacité du traitement », explique le Prof. Dvir. Par la suite, si la technologie s’avère efficace et que les résultats sont positifs, le chemin vers une utilisation généralisée pourrait être beaucoup plus court qu’il semblerait, et le traitement devrait convenir à toutes les personnes paralysées, quel que soit leur âge ou le temps écoulé depuis leur blessure.
« Cette réussite marque le passage entre la recherche innovante et le traitement des patients », déclare Gil Hakim, PDG de Matricelf. « Pour la première fois, nous traduisons des années de travaux précliniques fructueux en une procédure médicale pour les personnes paralysées. Notre méthode, qui utilise les propres cellules du patient pour créer un nouveau segment de moelle épinière, élimine les risques majeurs en matière de sécurité et place Matricelf à l’avant-garde de la médecine régénérative. Si nous réussissons, le traitement pourrait établir une nouvelle norme dans le domaine de la réparation de la moelle épinière, domaine médical évalué à des dizaines de milliards de dollars sur le marché mondial, et pour lequel aucune solution efficace n’avait été trouvée à ce jour. Il s’agit non seulement d’une avancée scientifique, mais aussi d’un tournant pour Matricelf, une première étape vers la transformation d’un domaine médical jusque-là considérée comme sans remède. Nous sommes fiers qu’Israël soit à la tête de ce processus mondial et nous nous engageons à apporter cette innovation aux patients du monde entier ».
Photos :
- Le Prof. Tal Dvir
- Illustration de la procédure future pour le traitement des personnes paralysées (Crédit: Centre Sagol pour la biotechnologie régénérative – Université de Tel-Aviv)
FONDS D’URGENCE
de l’Université de Tel-Aviv
pour aider ses 6 000 étudiants et étudiantes mobilisés par Tsahal
et soutenir l’unité d’études sur le post-trauma de l’Ecole de psychologie
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