Les dirigeants israéliens ne manquent pas d’imagination : lorsqu’ils ne parviennent pas à résoudre une pénurie, ils se transforment en agents de la loterie nationale.
Pourquoi affronter un problème si on peut le contourner ? Les hommes politiques israéliens, ministres et maires, ont vite compris que pour satisfaire leurs électeurs, il faut trouver des solutions faciles et rapides à un problème crucial ; quitte à repousser à plus tard une solution définitive, voire à jamais.
En Israël, le tirage au sort est utilisé depuis une dizaine d’années pour faire face à la pénurie de logements bon marché. L’État juif n’a rien inventé, il a juste perfectionné le système : l’usage du tirage au sort est pratiqué dans certains pays, dans les domaines de la politique et de la justice, mais aussi dans l’immobilier : de Moscou à New York en passant par le Québec, plusieurs régions du monde font usage de la loterie pour vendre ou louer des terrains à construire ou des logements bon marché.
Priorité aux réservistes
C’est en 2015 que le ministre des Finances Moshe Kahlon décida de lancer la construction de logements à prix modérés pour les jeunes couples et célibataires de plus de 35 ans ; la méthode consistait à vendre des terrains à construire à des entrepreneurs qui s’engageaient à proposer le prix le plus bas à l’acheteur final.
Au cours des dix dernières années, le programme fut renouvelé et étendu pour prendre la forme d’un tirage au sort sous le nom de Dira Beanaha (« Appartement à prix réduit »). C’est ainsi que, début 2025, le ministère du Logement a distribué 4 000 logements bon marché aux heureux gagnants de la loterie.
La dixième loterie de Dira Beanaha s’est ouverte le 10 août dernier et se clôturera le 15 octobre prochain :
- 7 479 logements publics seront tirés au sort,
- 75 loteries seront effectuées,
- 24 localités à travers le pays participent au tirage au sort.
Pour la première fois, le gouvernement entend donner la priorité aux combattants : la moitié des logements sera attribuée à des réservistes de Tsahal.
Maison des enseignants
C’est la même solution de facilité qu’a choisi le maire de Tel Aviv qui fait face à la pénurie de logements bon marché dans sa ville. La pénurie est si grave que les enseignants et éducateurs refusent de venir travailler à Tel Aviv.
Pour résoudre ces deux pénuries, d’enseignants et de logements, le maire de Tel Aviv s’est transformé en agent de la loterie. Au début de l’été, la municipalité a ouvert les inscriptions à une loterie destinée au personnel de l’enseignement, avec comme gros lot : un appartement de trois pièces à loyer modéré dans le projet dit Beit Amoreh ou « La Maison de l’Enseignant » au sud de la ville.
En fait, c’est la deuxième fois que la municipalité de Tel Aviv organise une loterie de ce type : la première édition a eu lieu il y a environ cinq ans. Le projet actuel comprend :
- 70 logements destinés aux enseignants,
- 3 800 shekels par mois de loyer sur cinq ans,
- 450 shekels de frais de gestion mensuels.
La municipalité de Tel Aviv n’a donc pas innové en se transformant en agent de la loterie nationale : depuis le sommet de l’État, le tirage au sort est devenu un moyen de gouvernement, permettant notamment de faire face à des pénuries.
Seulement voilà, le tirage au sort n’a pas résolu la pénurie de logements en Israël. Pourquoi alors s’entêter à utiliser une méthode qui n’atteint pas ses objectifs ? Le hasard fait bien les choses… Mais pas toujours !
TIMES OF ISRAEL
à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : « Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël » (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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