Kidnapping; Un ex-chef du Shin Bet éclaboussé
Une affaire extraordinairement retentissante se joue devant la justice allemande : celle d’une héritière allemande soupçonnée d’avoir orchestré l’enlèvement violent de ses propres enfants, en faisant appel à d’anciens espions israéliens.
Christina Block, héritière de la célèbre chaîne de steakhouses Block House, est accusée d’avoir engagé une société de sécurité privée basée en Israël, composée pour partie d’anciens agents du renseignement, afin de soustraire ses deux plus jeunes enfants à leur père en Danemark, dans le cadre d’un conflit de garde extrêmement houleux. Elle comparaît actuellement devant le tribunal régional de Hambourg, où le parquet l’accuse d’enlèvement aggravé, de détention illégale et de violences : le procès, particulièrement explosif, se tient dans une salle habituellement réservée aux affaires terroristes, sous haute surveillance. Parmi les témoins attendus figurent plus de cent quarante personnes, spécialistes et experts, et l’affaire devrait s’étendre jusqu’à Noël .
L’enlèvement aurait eu lieu dans la nuit du Réveillon de la Saint-Sylvestre 2023–2024, en plein Danemark. Les faits se seraient déroulés alors que les enfants assistaient à un feu d’artifice avec leur père. Un groupe aurait alors violemment surpris ce dernier, le projetant au sol avant de séquestrer les enfants — une fillette de 13 ans et un garçon de 10 ans — en les attachant et en leur scellant la bouche. Tous deux auraient été transportés à bord d’un véhicule pour finir dans une zone reculée du sud-ouest de l’Allemagne, dans un mobil-home situé à proximité d’une ferme. Deux jours plus tard, la mère serait venue les récupérer pour les ramener à Hambourg. Peu après, la police danoise et allemande a été alertée et les enfants ont été restitués à leur père ; grâce, notamment, à un dispositif de localisation mis en place par ce dernier, l’enquête a rapidement progressé.
Au cœur de ce dossier se trouve le nom de Yaakov Peri, ancien directeur du Shin Bet (l’agence de sécurité intérieure israélienne) entre 1988 et 1994, puis ministre et député au sein du parti Yesh Atid dans la décennie suivante. Il est aujourd’hui accusé d’avoir constitué l’équipe de ravisseurs — un groupe d’au moins huit personnes, majoritairement Israéliens ayant une formation en sécurité. Peri aurait été sollicité, selon les éléments du dossier, par August Hanning, ancien chef des services de renseignement allemands, quoique celui-ci ait formellement nié toute implication, tout comme Peri lui-même. Tous deux démentent les propos qui les mettent en cause dans le financement présumé, estimé à plusieurs millions d’euros.
Christina Block et son partenaire, le célèbre commentateur sportif Gerhard Delling, sont également jugés pour avoir facilité le transfert des enfants et pour avoir, selon les procureurs, tenté de monter une mise en scène incriminant le père en le présentant comme auteur d’abus. Elle affirme n’avoir jamais donné des ordres directs, et jure que l’opération aurait été financée par sa défunte mère. De son côté, Delling est accusé d’avoir organisé son voyage jusqu’au lieu de l’enlèvement et orchestré le retour des enfants à Hambourg.
Cette affaire dépasse le simple cadre familial pour interroger de nouvelles formes de conflits, où ressortissants influents, dynasties économiques et anciens agents de renseignement s’entremêlent dans une affaire criminelle transnationale. Le procès interroge la légalité des moyens employés dans des luttes privées, ainsi que les frontières entre justice, recours privés et collusion avec des services clandestins. Au-delà de la renommée de la famille Block, l’opinion publique est confrontée à un récit stupéfiant, à la croisée du thriller d’espionnage et du drame familial— un équilibre fragile auquel les juges tenteront de répondre.
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