Loin au-dessus du ciel de Sanaa, il existe un moment où le monde entier se réduit à un point sur un petit écran. Le capitaine S., navigateur de combat de l’escadron 69 (« Les Marteaux »), se remémore cet instant : « La vibration ressentie dans l’aile de l’avion, le bruit bref qui suit immédiatement, c’est le signal que ça y est, l’armement est en route vers sa cible. C’est seulement alors qu’on peut vraiment commencer à respirer. »
La mission de S. était précise: frapper une centrale électrique à Sanaa. « Quand le contact dans le cockpit est stable et continu, que la cible est verrouillée et qu’il n’y a pas de changement de dernière minute, toute l’attention se concentre sur l’exécution précise et sur l’impact au but. » Le trajet vers la capitale yéménite dure de longues heures, tendues et pleines d’incertitudes. « Il faut être prêt à tout scénario, même au plus imprévisible », précise le navigateur.
« Il n’existe pas de ‘vol de routine’ », explique S. « À chaque vol, l’esprit ne se repose jamais et pense toujours à ce qui pourrait arriver. » Mais pour lui, cette mission spécifique fut une expérience exceptionnelle : pendant des années, il avait participé à la planification d’opérations à long terme sur le théâtre yéménite et toutes convergeaient vers ce moment où, pour la première fois, il attaquait dans un espace qu’il avait appris à bien connaître.
En tant qu’exécutant transformant les plans en action, l’émotion était palpable : « Les conditions opérationnelles et le sentiment de mission vous accompagnent bien au-delà des moments de vol. À l’instant crucial du largage, la tension est à son comble et quand l’armement atteint sa cible, une sensation de soulagement apparaît et se répand. »

Entre les sorties et la pression opérationnelle, il y a aussi une vie personnelle tout aussi unique. Le capitaine S. est marié au capitaine T., officier de renseignement de l’unité 8200, qui étudie en profondeur les théâtres où opère son mari, parfois même mieux que lui, comme il l’avoue en souriant : « En fait, je suis la personne la moins informée à la maison, souvent elle connaît mes attaques avant moi. »
Après chaque mission accomplie, S. observe un petit rituel : « D’abord on fait un gros câlin à l’équipe technique, ce sont eux qui vous amènent là-bas en sécurité. Ensuite, on félicite le pilote. Enfin, j’appelle ma femme et elle, comme d’habitude, est déjà au courant de tout. »
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