L’armée israélienne va recruter en diaspora
Confrontée à une pénurie de main-d’œuvre évaluée entre 10 000 et 12 000 soldats, l’armée israélienne envisage d’élargir son vivier de recrutement au-delà de ses frontières. Selon un rapport diffusé lundi matin par la radio de l’armée, l’état-major étudie une campagne ciblée auprès de la diaspora juive pour encourager des jeunes adultes de 18 à 25 ans à s’engager. L’objectif affiché serait d’intégrer environ 600 à 700 recrues supplémentaires par an, en priorisant deux bassins majeurs : les États-Unis et la France.
Cette orientation répond à une double réalité. D’une part, la pression opérationnelle prolongée depuis le déclenchement de la guerre avec le Hamas, il y a près de deux ans, qui étire les effectifs. D’autre part, la faiblesse persistante de l’enrôlement au sein du public ultra-orthodoxe (haredi). Le sujet est devenu l’un des points de friction les plus sensibles du débat public israélien : comment répartir équitablement la charge du service militaire ? La semaine dernière, plusieurs arrestations de réfractaires haredi ont eu lieu et l’armée recense actuellement environ 14 600 déserteurs, ce qui alimente davantage la controverse autour d’un « service égal pour tous ».
En parallèle, Tsahal ouvre une « dernière chance » à celles et ceux qui n’ont pas encore reçu d’avis de conscription : une procédure accélérée d’enrôlement, disponible dès dimanche et valable jusqu’au jeudi suivant. Le dispositif se veut incitatif : quiconque répond à l’appel pourra régulariser sa situation sans arrestation ni emprisonnement, avec une orientation immédiate vers la formation de base. L’armée précise qu’elle contactera personnellement les profils visés, en mettant l’accent, pour cette démarche de régularisation, sur la tranche des 18-28 ans.
Le pari de la diaspora répond à une logique de complément : il ne s’agit pas de substituer les recrues extérieures au contingent local, mais de combler un déficit qui pèse sur la rotation des unités et la préparation opérationnelle. Les 600 à 700 soldats espérés par an ne bouleverseraient pas, à eux seuls, l’équilibre des forces, mais constitueraient un appoint mesurable dans un contexte de tensions prolongées. En ciblant les États-Unis et la France, Tsahal se tourne vers des communautés établies, où l’attachement à Israël peut se traduire, pour une minorité motivée, par un engagement militaire.
Cette stratégie s’inscrit toutefois dans un environnement politique et social délicat. La question haredi reste centrale : tant que l’intégration complète des hommes éligibles au service n’est pas réglée, chaque dispositif complémentaire est scruté au prisme de l’équité. Les partisans d’un recrutement plus large y verront un moyen pragmatique de soutenir l’effort de défense sans attendre une réforme sociétale complexe. Les critiques, eux, redouteront que l’on contourne le cœur du problème : la répartition du devoir militaire au sein de la population israélienne, y compris chez les publics jusqu’ici largement exemptés.
Sur le plan pratique, l’ouverture temporaire d’une procédure accélérée cherche à désengorger le système et à offrir une voie de régularisation claire. En promettant l’absence de poursuites immédiates pour ceux qui se présentent, l’armée tente de lever l’obstacle de la crainte judiciaire qui a pu dissuader certaines personnes en situation irrégulière. La bascule directe vers la formation de base vise, elle, à transformer rapidement un flux administratif en capacité opérationnelle.
Reste que le succès de l’option diaspora dépendra de plusieurs facteurs : la crédibilité des perspectives offertes (cadres d’intégration, unités d’affectation, accompagnement linguistique et social), la communication auprès des familles et des organisations communautaires, ainsi que la clarté du cadre juridique pour les binationaux ou les résidents à l’étranger. À court terme, cette approche peut fournir un renfort utile. À moyen terme, la soutenabilité du modèle renverra, inévitablement, au débat interne sur l’universalité du service et la place des haredim dans la défense nationale.
En résumé, l’armée israélienne combine une fenêtre de régularisation inédite et un ciblage assumé de la diaspora pour atténuer une pénurie aiguë d’effectifs. La manœuvre est pragmatique et mesurée — 600 à 700 recrues annuelles — mais elle ne dissipe pas la question de fond : la recherche d’un équilibre durable entre besoin militaire, cohésion sociale et équité du devoir de servir.
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