La conquête intégrale de Gaza. « Celui qui se lève pour te tuer, lève-toi d’abord et tue-le. ».

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UNE BRILLANTE ANALYSE DE DANIEL HAÏK. La décision du cabinet restreint pour la sécurité nationale de prendre le contrôle total de la bande de Gaza a provoqué une onde de choc au sein de l’opposition et des familles d’otages. Mais elle incarne sans doute de la manière la plus limpide le changement de stratégie de Benjamin Netanyahou sur la question gazaouie après le traumatisme du 7 octobre.

Une stratégie de statu quo avant le 7 octobre.

Jusqu’au 7 octobre, le Premier ministre israélien avait adopté une politique de retenue vis-à-vis du Hamas. Deux raisons principales motivaient cette posture. D’abord, le maintien du Hamas au pouvoir dans Gaza permettait d’alimenter la division interne du camp palestinien, entre le courant laïc représenté par l’Autorité palestinienne et le courant islamiste incarné par le Hamas, et ainsi de repousser indéfiniment la perspective d’un État palestinien unifié.

Une manière de diviser les Palestiniens pour mieux les empêcher de régner. Ensuite, Netanyahou savait qu’aucune opération militaire d’envergure dans la bande de Gaza ne bénéficierait d’un soutien suffisant au sein de l’opinion publique israélienne, qu’elle soit de gauche ou de droite. Ni les ballons incendiaires, ni les tirs de roquettes, ni même les manifestations le long de la frontière n’auraient suffi à légitimer une telle incursion.

Poussons ce raisonnement à l’extrême : même si, le 6 octobre 2023, Netanyahou avait déclaré publiquement disposer de renseignements précis sur une attaque imminente de 3 000 terroristes Nukhba du Hamas, il n’aurait vraisemblablement pas reçu l’aval de la société israélienne pour une guerre préventive de grande ampleur. La doctrine qui prévalait alors, au-delà d’un « Hamas dissuadé », était celle du « calme répondra au calme ».


Le choc du 7 octobre : changement de paradigme.

Les massacres du 7 octobre ont fait voler en éclats cette doctrine. Tsahal a compris qu’elle devait abandonner la logique défensive face à des ennemis implacables comme le Hezbollah ou l’Iran, et réactiver un vieux principe biblique : « Celui qui se lève pour te tuer, lève-toi d’abord et tue-le. ». Les résultats ont forcé l’admiration

Cette nouvelle stratégie a également été mise en œuvre à Gaza, mais avec une contrainte majeure : la présence des otages. En novembre 2023 puis en janvier 2025, Israël a dû se retirer de plusieurs zones conquises dans la bande de Gaza pour permettre la libération de dizaines d’otages.

La montée en puissance de la question des otages

Au début du conflit, l’immense majorité des experts sécuritaires, y compris ceux proches de la gauche, prônaient l’éradication totale du Hamas. Dans les localités israéliennes proches de Gaza, on disait vouloir « voir la mer depuis les fenêtres des kibboutzim ». Mais, au fil des mois, la question des otages, d’abord reléguée au second plan, s’est hissée au même niveau que la destruction du Hamas, avant de s’imposer comme la priorité absolue.

La pression des familles, compréhensible, surtout après le retour en janvier 25 de certains otages dans un état alarmant, s’est intensifiée. Ce qui l’était moins, c’était la tournure résolument politisée prise par le « Forum des otages », qui militait pour un accord à tout prix, tout en sachant pertinemment que le Hamas ne libérerait jamais l’ensemble des captifs.

L’évolution inattendue de l’état-major.

Ce qui a véritablement surpris, c’est la position du nouveau chef d’état-major de Tsahal, le général Eyal Zamir, qui a publiquement soutenu la priorité à accorder à la libération des otages. Une posture jugée par certains comme un retour à une forme de doctrine « humaniste » qui avait déjà été critiquée avant le 7 octobre, et plus encore après. Et une posture d’autant plus inattendue que Zamir a été désigné en fonction de son approche « musclée »…

Soyons clairs : ce n’est pas parce que Netanyahou prône désormais la conquête totale de Gaza qu’il signe l’arrêt de mort des otages.

 Au contraire, ces dernières semaines, il a multiplié les gestes de bonne volonté, notamment en acceptant des replis militaires dans des zones sensibles, conformément à l’engagement pris auprès du président Trump lors de leur rencontre à Washington début juillet d’œuvrer à la libération des otages. Mais pour le Hamas, ces concessions ont été perçues comme un aveu de faiblesse. Profitant du succès de sa campagne sur une prétendue famine à Gaza, le groupe terroriste a réussi à restaurer une partie de sa légitimité internationale.

Quant à l’annonce par la France de la reconnaissance d’un État palestinien, elle a également constitué une aubaine pour le Hamas, qui s’est retrouvé propulsé comme le sauveur de la cause palestinienne alors qu’il en était jusque là perçu comme en étant le fossoyeur. 

Le tournant : la fin des illusions

Lorsque Steve Witkoff est arrivé en Israël à la fin de la semaine dernière, ce n’était pas pour conclure un accord, mais pour constater de visu que le Hamas n’avait aucune intention de libérer des otages avant l’Assemblée générale des Nations unies. C’est ce constat qui aurait conduit à une forme de « feu vert » donné à Netanyahou pour lancer la conquête intégrale de Gaza. Dans cette décision, l’influence de l’éminence grise du Premier ministre, le ministre Ron Dermer, semble avoir été déterminante.

Une offensive graduelle, mais déterminée

Lors de la réunion du cabinet jeudi soir, certains pensaient qu’Aryeh Deri, chef du Shas, parviendrait à convaincre Netanyahou d’opter pour une solution intermédiaire, à savoir un siège de Gaza-ville, comme le suggérait le général Zamir puis si cela s’avérait insuffisant une conquête intégrale. Cela n’a manifestement pas suffi. Le seul argument qui semble avoir réellement pesé, c’est celui de l’épuisement des troupes — tant les soldats de carrière que les réservistes. C’est pourquoi l’offensive israélienne devrait être progressive et s’échelonner sur plusieurs mois.

Une décision assumée

En profondeur, le vote en faveur de la conquête intégrale de Gaza reflète une volonté claire du Premier ministre : dire à l’armée et à la nation qu’il a, lui aussi, changé depuis le 7 octobre.

Il n’est pas insensible au sort des otages, mais il constate que le Hamas refuse toute négociation. Face à ce blocage, la priorité d’Israël doit redevenir l’éradication du Hamas. Et si, au cours des opérations, des otages sont libérés, ce sera une victoire supplémentaire.

Pour Netanyahou comme pour la majorité de ses ministres, l’objectif est clair : démantèlement du Hamas et démilitarisation de Gaza, tout en gardant l’espoir, secret ou assumé, que la pression militaire ramènera le Hamas à la table des négociations.

L’armée peut s’opposer à cette conquête, mais le Premier ministre a, lui aussi, le droit, voire le devoir, de prendre ses distances avec l’état-major.

C’est ainsi qu’il tire, à sa manière, les leçons du 7 octobre.

I24NEWS.

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