Sharaa ou al-Julani ? Tsahal reste méfiant
Julani, allié ou menace ?
Le nouveau pouvoir syrien à l’épreuve : l’énigme Julani vue par Israël
Depuis la chute du régime Assad fin 2024, la Syrie est dirigée par un homme à la double identité : Mohammad al-Julani, ex-dirigeant djihadiste, désormais présenté comme Ahmed al-Sharaa, technocrate en costume-cravate. Une métamorphose qui intrigue autant qu’elle inquiète les autorités israéliennes, qui peinent à discerner la vraie nature du nouveau pouvoir syrien.
Les responsables militaires israéliens décrivent cette ambivalence à travers une métaphore révélatrice : celle du Dr Jekyll et de Mr Hyde. D’un côté, al-Sharaa affiche un profil modéré, semblant vouloir tourner la page du conflit avec Israël, en limitant l’influence iranienne et celle du Hezbollah. Il aurait, selon certaines sources, contribué à empêcher des livraisons d’armes à destination du Liban, tout en gardant les Gardiens de la révolution islamique à distance dans la région. Il a même évoqué, en public comme en privé, l’éventualité d’une normalisation avec Israël d’ici 2026, une perspective qui aurait paru inimaginable il y a encore un an.
Mais l’ombre de Julani, ancien cadre d’Al-Qaïda, continue de planer. Si al-Sharaa fait figure d’interlocuteur potentiel, Julani reste perçu comme un homme dangereux, dont certaines décisions ou absences de réaction font douter de ses véritables intentions.
En mars 2025, plusieurs massacres ont ravivé ces inquiétudes. Des milices affiliées à Julani ont été impliquées dans des exactions sanglantes contre des Alaouites dans l’ouest syrien, et plus récemment, contre la communauté druze de Soueida. Israël, qui entretient des liens historiques et communautaires avec les Druzes, y a vu une ligne rouge franchie.
En réaction, Tsahal a mené plus de 140 frappes ciblées, y compris sur des positions proches du ministère syrien de la Défense à Damas. Il s’agissait de dissuader Julani, ou du moins ses factions, de poursuivre les violences contre les Druzes. Ce n’est pas un cas isolé : depuis le début de l’année 2025, Israël aurait lancé environ 300 frappes sur le territoire syrien, visant principalement des objectifs militaires.
Pour autant, les Israéliens reconnaissent que Julani ne contrôle pas totalement ses troupes. Divisées en trois entités – milices djihadistes (environ 3 000 combattants), forces militaires régulières (3 000 à 4 000 hommes) et unités du ministère – ces structures sont parfois incontrôlables. Des sources militaires suggèrent que Julani tolère certaines milices extrémistes pour conserver une force de frappe « officieuse » et garder une dénégation plausible en cas de débordements.
Une autre ligne de fracture est géographique et communautaire. Si Israël est intervenu à Soueida, c’est aussi parce que cette région se situe non loin de sa frontière, et que la population druze y est étroitement liée à la communauté druze israélienne. Lors des événements récents, environ 1 000 Druzes israéliens ont traversé illégalement la frontière pour prêter main-forte à leurs proches syriens, et une centaine de Druzes syriens sont entrés en Israël par la même occasion.
Fait notable, Tsahal n’a pas empêché physiquement cette traversée, un commandant allant même jusqu’à ouvrir une porte pour éviter une confrontation violente avec les civils israéliens druzes. Selon des sources militaires, tirer sur ces manifestants aurait eu des conséquences dramatiques et un impact bien plus négatif que celui de les laisser passer. Ce choix, bien que controversé, est assumé.
Sur le plan diplomatique, la situation reste incertaine. Julani pourrait poser des conditions inacceptables pour Israël, notamment un retrait du plateau du Golan ou des zones tampon du sud syrien. De plus, il est soupçonné de se rapprocher de puissances régionales comme la Turquie et le Qatar, qui l’ont déjà soutenu par le passé, au détriment d’un rapprochement avec les pays occidentaux ou Israël.
Dans ce contexte, les militaires israéliens restent partagés : faut-il favoriser un engagement prudent pour tirer parti d’une éventuelle ouverture syrienne, ou maintenir une posture défensive ferme face à un ancien chef djihadiste potentiellement opportuniste ? Julani, malgré sa façade modérée, reste une figure floue aux yeux de Jérusalem.
Neuf mois après avoir pris le pouvoir, le nouveau dirigeant syrien suscite toujours autant de méfiance qu’espérance. Si certains voient en lui une occasion historique de stabiliser la région, d’autres n’y perçoivent qu’un ennemi déguisé. Dans tous les cas, la vigilance reste de mise.
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