Il s’est converti à l’islam, a été accusé à tort et exécuté : le juif qui inventa la « première histoire universelle »
Né juif dans la ville de Hamadan en Iran (anciennement la Perse) • Il changea de religion mais n’oublia jamais ses racines. Il est l’auteur de l’une des œuvres historiques les plus vastes et les plus complètes du Moyen Âge. Son destin tragique s’acheva avec ses fils. L’histoire de Rashid al-Din Hamadani – l’un des hommes les plus puissants et influents du monde islamique
Au milieu du XIIIe siècle, à des milliers de kilomètres de Jérusalem, naquit dans la ville de Hamadan en Perse un enfant juif nommé Rashid al-Din. Personne ne pouvait deviner alors qu’il deviendrait l’un des hommes les plus puissants et influents du monde islamique – ni que son destin finirait dans la trahison, l’exécution et une malédiction éternelle sur son nom.
Le parcours de Rashid al-Din était presque improbable. Juif – à une époque où les juifs vivaient sous de sévères restrictions – il devint le médecin de cour du souverain mongol Abaqa Khan, et finalement vizir (une sorte de premier ministre) de l’empire mongol ilkhanide, qui régnait sur l’Iran, les pays voisins et de vastes régions du Moyen-Orient.
D’un juif à un musulman, d’un médecin à un dirigeant
À un certain moment de sa vie, probablement pour des raisons politiques, Rashid al-Din se convertit à l’islam. Ce n’était pas un événement exceptionnel. Dans les circonstances de cette époque, c’était pratiquement la seule voie permettant à un juif d’accéder à des positions de pouvoir. Mais, à la différence d’autres convertis, Rashid al-Din n’oublia jamais ses racines. Ses écrits sont remplis de détails sur l’histoire juive et la Bible, et parfois il semble qu’il les ait écrits aussi pour se rappeler qui il était.
Ses talents furent rapidement remarqués. Il n’était pas seulement médecin – mais aussi un homme d’État brillant, un grand réformateur et un administrateur hors pair. Sous sa direction, l’empire mongol du Moyen-Orient connut une période de prospérité relative : grâce à sa grande richesse, il fit construire de nouveaux quartiers dans les villes de Tabriz et Soltaniyeh, et fut responsable de la construction de madrasas, de bâtiments religieux soufis et de relais pour les caravanes de marchands.
Le grand historien du Moyen Âge
Rashid al-Din n’était pas seulement un homme politique – mais aussi un historien pionnier. Son chef-d’œuvre, Jāmiʿ al-tawārīkh – Le Recueil des Chroniques – est l’une des œuvres historiques les plus vastes et les plus complètes écrites au Moyen Âge, et l’ampleur des sujets qu’elle aborde lui valut le surnom de « première histoire universelle ». Rien de moins.
Il tenta pour la première fois d’écrire une histoire universelle – pas seulement celle de l’empire mongol, mais celle de tous les peuples : Chinois, Indiens, chrétiens, musulmans, et même juifs.
Il interrogea vraisemblablement des marchands, diplomates, sages et moines venus des quatre coins du Vieux Monde, et recueillit auprès d’eux des informations sur l’histoire des différents peuples. En quelque sorte – un projet Wikipédia du Moyen Âge, avec Rashid al-Din comme rédacteur en chef.
La fin amère
Mais dans les royaumes mongols, comme dans bien d’autres endroits, la proximité avec le pouvoir est une arme à double tranchant. Après la mort de Mahmoud Ghazan, Rashid al-Din perdit son soutien politique. Ses ennemis l’accusèrent – faussement – d’avoir empoisonné le nouveau souverain.
En 1318, alors âgé de plus de soixante-dix ans, il fut exécuté. Ses fils furent exécutés avec lui et son nom fut entaché. Les critiques à son encontre en raison de ses origines juives se poursuivirent même après sa mort. Environ cent ans après son exécution, le gouverneur musulman de Tabriz décida de faire retirer les restes de Rashid al-Din du mausolée qui avait été construit pour lui de son vivant, et ordonna que ses ossements soient transférés et enterrés dans un cimetière juif.
Un héritage qu’ils n’ont pas pu effacer
Mais l’histoire est plus clémente que la politique. Des siècles après sa mort, les écrits de Rashid al-Din sont devenus un bien précieux pour le monde entier. Des chercheurs musulmans, juifs, chrétiens et chinois continuent de les étudier aujourd’hui. Il est l’une des sources les plus importantes pour comprendre l’histoire des Mongols, des Perses et du monde médiéval.
L’histoire de Rashid al-Din est celle d’un homme qui a franchi les frontières – entre religions, entre cultures, entre peuples – et qui a osé affirmer, par ses mots et ses actes, que la vérité, la connaissance et l’histoire ont un sens, même dans un monde où le pouvoir fait loi. C’est peut-être la raison pour laquelle, aujourd’hui, sept cents ans après sa mort, le nom de Rashid al-Din brille plus que celui de la plupart des souverains de son époque.
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