La Lituanie, au sein de l’OTAN, pays partenaire de la Bundeswehr, par son attitude vis-à-vis de la Russie, crée un risque majeur d’escalade. Si le mot n’a pas encore été formellement prononcé, il figure dans tous les échanges entre membres de l’UE et de l’OTAN : blocus. Quand on dit blocus, on pense Casus Belli. Par son intransigeance et ses décisions, la Lituanie est à deux doigts d’allumer la mèche.
En cas de guerre, la Lituanie deviendrait une zone d’engagement pour la Bundeswehr en charge de cette responsabilité dans le nouveau dispositif déployé par l’OTAN. Ce sera l’armée allemande qui sera chef de file dans ce contingent, également chargé de recevoir des troupes de l’UE.
Le corridor de Suwalki
En Lituanie, la Bundeswehr se concentre sur un pays qui présente un risque considérable d’escalade – vu sa situation géostratégique – très largement accru par la propension incompréhensible de son gouvernement aux provocations.
La situation de ce pays se caractérise par le fait que sa partie Sud, ainsi que l’extrême nord-est du territoire polonais, séparent l’enclave russe de Kaliningrad de la Biélorussie.
La bande de terre lituano-polonaise, le couloir de Suwalki – en référence à une ville polonaise qui s’y trouve, assure, seule, une continuité territoriale entre les trois États baltes et les autres pays de l’OTAN – la Pologne au premier chef.
D’une longueur de 85 km, cette bande de terre dans le nord-est de la Pologne et le sud de la Lituanie, est située à la plus petite distance entre l’enclave russe de Kaliningrad et la Biélorussie vassalisée par Moscou. La distance entre Kaliningrad et la Biélorussie est de 65,4 km à son point le plus étroit.
Pendant des années, les stratèges de l’OTAN ont travaillé à un scénario selon lequel la Russie pourrait lancer une attaque contre les pays baltes en mobilisant ses troupes de Biélorussie et de Kaliningrad via le couloir de Suwalki, et ainsi isolerait la Lituanie, voire même occuperait les trois républiques baltes.
Ces pays ne seraient, de facto, plus défendables. La position actuelle lituanienne rend ce scénario plausible.
Le lien entre cette situation et la confrontation sino-américaine
L’actuel gouvernement lituanien considère être investi d’une mission particulière pour le compte des États-Unis, et se croit sans doute protégé par le double parapluie américain et celui de l’OTAN. C’était avant l’invasion russe de l’Ukraine.
Depuis, s’appuyant sur la politique de sanctions décidée par l’UE, sa propension aux provocations persiste, déjà démontrée lors d’un litige relatif à l’ouverture d’un bureau de représentation taïwanais dans sa capitale Vilnius. Cet étrange incident (2022) était une provocation délibérée sur ordre américain, car la Lituanie n’a pas de liens économiques significatifs avec l’Asie.
Les États-Unis ont lancé une campagne visant à renforcer la position de Taiwan dans les instances internationales, conformément à leur stratégie pour affaiblir la Chine et renforcer leur position dans la zone Asie-Pacifique.
À l’automne 2022, le gouvernement lituanien – en étroite coordination avec les États-Unis – a préparé le terrain pour que Taiwan ouvre un bureau de représentation. Au lieu d’utiliser la formule existant partout ailleurs, « Taipei representative office », la Lituanie a sciemment choisi le nom « Taïwan » :
- ce qui s’explique uniquement si la Lituanie a accepté de jouer le rôle de pion perturbateur sur ordre de Washington ;
- ce qui provoque un litige de plus avec la Chine.
Le blocus de Kaliningrad
La Bundeswehr s’installe désormais en Lituanie conformément aux dispositions prises par l’OTAN, Allemagne en tête. Berlin veut devenir la première puissance militaire conventionnelle de l’UE. Comme programmé, le contingent allemand s’installe très progressivement en Lituanie pour compter jusqu’à 5 000 hommes. Actuellement il n’est que de quelques centaines.
Avec le soutien de l’UE et des États-Unis, la Lituanie s’est lancée frontalement dans le conflit avec la Russie par la mise en place d’un quasi-blocus par intermittence : depuis l’invasion en Ukraine, les chemins de fer lituanien ont bloqué le transport de toutes les marchandises de Biélorussie vers Kaliningrad, qui figurent sur les listes de sanctions de l’UE.
La Lituanie avait déjà fermé son espace aérien. Les Russes sont donc contraints de faire un détour par Saint-Pétersbourg et la mer Baltique. La Russie est obligée d’acheminer près de la moitié de ses marchandises, notamment des matériaux de construction, des métaux, du ciment, par voie maritime jusqu’à Kaliningrad, auxquels se sont ajoutés le charbon et le pétrole.
Moscou pointe le fait que le blocus viole les accords de 1994 et 2002 entre l’UE et la Russie, permettant le libre transit des marchandises entre Kaliningrad et le territoire de la Russie continentale, et se réserve le droit de riposter.
Ce faisant, l’UE risque de s’être tiré une balle dans le pied et de créer un dilemme. On sait qu’elle était en pourparlers pour exempter Kaliningrad des sanctions, pour autant que la Lituanie renonce à ses blocages, ce qui n’était pas le cas au départ.
C’est surréaliste quand on mesure l’énorme risque que ce petit pays fait courir à toute l’Europe. Après avoir adopté dix-sept paquets de sanctions, l’UE à du « négocier » avec la Lituanie pour qu’elle ne les applique pas ! (Sauf à imaginer que le parrain de Washington encourage sa position – totalement incompréhensible – car chacun sait qu’une fausse manœuvre pourrait déclencher une riposte russe).
Troupes allemandes arrivant en Lituanie
Si la confrontation devenait incontrôlable, la Bundeswehr serait directement impliquée, d’une part en raison de ses troupes stationnées en Lituanie, et de l’autre en raison de sa marine, qui se concentre de plus en plus en mer Baltique.
L’inspecteur général de la marine, Jan Christian Kaack, a confirmé que la marine allemande est prête à « assumer un rôle de leadership en mer Baltique, dans le cadre de l’OTAN ». Or le quartier général de la flotte russe de la Baltique se trouve à Kaliningrad.
Devant ce double risque, la tension règne au sein de l’UE à propos de Kaliningrad et des sanctions. La Commission européenne a recherché « un compromis » avec la Lituanie. Ce qui est tout simplement extraordinaire ; des responsables de l’UE, avec le soutien de l’Allemagne, ont négocié avec la Lituanie pour suspendre l’interdiction de transit, déclarait un proche du dossier.
Cependant, la Lituanie était encore « réticente ». Dès 2022, une porte-parole du ministère lituanien des Affaires étrangères déclarait :
Les sanctions doivent être appliquées. Aucune décision ne doit saper la crédibilité et l’efficacité de la politique de sanctions de l’UE.
Les sanctions ont fait du chemin depuis.
Les médiateurs craignent toujours une escalade. Moscou pourrait utiliser la force pour créer un couloir terrestre, car Kaliningrad est une terre « sacrée » pour la Russie. Berlin a donc saisi la Commission Européenne. Finalement on a suspendu les sanctions sur les livraisons par voie ferrée mais maintenues celles par voie routière, ce qui revient à énoncer qu’il y a sanctions et sanctions. Comprenne qui pourra.
D’autres dissensions apparaissent : l’UE, malgré toutes les affirmations, continue à acheter du gaz russe. On indique que ce sera sans doute le cas jusqu’en 2026 ; la Hongrie continue à acheter du gaz, l’Espagne exige aussi des dérogations.
Pour autant, la Commission européenne refuse tout commentaire. Elle n’a même pas voulu confirmer les pourparlers avec Vilnius. Cela montre à quel point l’UE présente des failles majeures dans sa stratégie tant le sujet est explosif, et à ce rythme, risque de se tirer une seconde balle dans l’autre pied, ce qui l’immobiliserait face à la Russie qui poursuit son action.
L’arme alimentaire est également utilisée, car depuis 2014, les sanctions ont renforcé les capacités russes, notamment la production agricole.
Pendant que le lobby militaro industriel international y trouve son compte, pendant que l’Europe commence à subir les effets sociaux et économiques de la guerre hybride qu’elle mène par Ukraine interposée, il est grand temps que les belligérants et leurs parrains recherchent la paix, sauf à espérer mettre la Russie à genoux et provoquer une balkanisation dans toute l’ex-URSS, avec les conséquences qu’on peut imaginer.
Ce n’est pas l’intérêt de l’Europe, qui a nombre d’autres chats à fouetter et depuis, le nombre de chats se faisant de plus en plus nombreux.
Ainsi va le monde…
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