Plusieurs anciens poids-lourds de la vie politique française laissent planer le doute autour de leur candidature pour l’élection présidentielle en 2027, avec de vrais atouts comme leur expérience en plein marasme à Matignon. Mais beaucoup jugent leur retour très improbable.
Serions-nous dans une machine à remonter le temps direction 2007? Plusieurs figures marquantes de la présidentielle de cette année-là tentent de reprendre la main et se verraient bien jouer à nouveau un rôle dans la course à la présidentielle, à commencer par Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal.
Les deux finalistes du second tour continuent toujours d’envoyer des cartes postales alors même qu’ils ne détiennent plus aucun mandat.
« Le retour de tous ceux qui ont perdu »
L’ex-chef de l’État a ainsi reçu dans ses bureaux mardi le président du RN Jordan Bardella, potentiel candidat en 2027 si Marine Le Pen ne peut finalement pas se présenter. Tout un symbole pour celui qui, désormais déchu de sa légion d’honneur, garde son aura dans l’électorat LR et laisse ainsi entendre qu’il pourrait chercher à peser lors de la prochaine présidentielle.
Ségolène Royal, elle, va bien plus loin. L’ancienne candidate socialiste, presque 17 ans après son affrontement avec Nicolas Sarkozy, « pense » participer à une hypothétique primaire de gauche, comme elle l’a confié sur BFMTV le 1er juillet.
« C’est quand même le retour de tous ceux qui ont perdu », grince l’ex-ministre macroniste Marlène Schiappa.
« Ça me fait penser à ces artistes des années 80 qui disent tous les cinq ans qu’ils font leur dernière tournée et qui finissent toujours par revenir. On dirait un match de morts-vivants », griffe, plus acide, un cadre Renaissance.
Un mouvement politique pour de Villepin
Les deux ex-concurrents de la présidentielle de 2007 qui ne détiennent aujourd’hui plus aucun mandat ne sont pas les seuls à entrer à nouveau dans la danse, à l’instar de Dominique de Villepin.
L’ancien Premier ministre de Jacques Chirac, qui s’était fait connaître du grand public en 2005 pour son discours à l’ONU contre la guerre, a opéré un retour fracassant ces derniers mois en se positionnant comme le défenseur d’une ligne d’équilibre sur le conflit entre Israël et le Hamas.
Officiellement retiré de la vie politique depuis plus de 15 ans, l’ex-ministre des Affaires étrangères, qui n’a jamais été candidat à aucune élection vient même de lancer son propre mouvement, La France humaniste.
« Tout ce petit monde cherche surtout à se faire plaisir »
Quant à François Hollande, redevenu député à la faveur de la dissolution-surprise de l’été dernier, il n’a pas hésité à apparaître dans une vidéo pour Paris-Match avec son épouse Julie Gayet en pleine préparation du petit-déjeuner fin juin. C’était « une mise en scène digne d’une sitcom pour présenter la future Première dame », se moque un député socialiste.
« Ils ont tous les deux eu une belle carrière mais ils n’arrivent pas à se dire que derrière eux. Ils ont un nom, c’est vrai mais ça ne fait pas un retour de premier plan », tance l’ancien député Alain Marleix, un temps conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Élysée.
« Tout ce petit monde-là cherche surtout à se faire plaisir. Vous savez, quand vous avez été chef de l’État, candidat à la présidentielle, c’est quand même dur de faire autre chose », observe de son côté un proche d’Emmanuel Macron.
La prime à l’expérience
Si décrocher de la politique n’a rien de facile, comme l’avait elle-même reconnu Brigitte Macron, expliquant « ne pas connaître beaucoup de politiques qui aient envie de faire autre chose », le retour en grâce de ces visages-phares des années 2000 ou 2010 dit aussi quelque chose de notre époque.
Presque huit ans après l’arrivée du président à l’Élysée, inconnu en politique à peine deux ans avant son élection, le retour de ces septuagénaires a tout du symbole. Si le chef de l’État a incarné un temps une véritable image du renouvellement de par son ascension aux allures de météorite tout comme les ministres et les députés qui font leur irruption en 2017, ces dernières années ont marqué le retour de profils de grande expérience.
François Bayrou et Michel Barnier ont par exemple eu des carrières de presque 50 années avant d’entrer à Matignon. Parmi les rares personnalités bien identifiées des Français au gouvernement, on trouve la ministre de la Culture Rachida Dati, qui a multiplié les postes ministériels quand Nicolas Sarkozy était président de la République ou encore le locataire de la place Beauvau Bruno Retailleau, sénateur pendant près de deux décennies.
« La plupart des membres du gouvernement actuel désertent les médias. La nature a horreur du vide, évidemment que cela leur laisse de la place pour exister », remarque Marlène Schiappa.
« Ça rassure un peu »
Un proche de Ségolène Royal, juge, lui, que le contexte politique en France marqué par l’éventuelle censure de François Bayrou à l’automne et le spectre d’une nouvelle dissolution joue à plein, le tout sur fond de grand basculement du monde.
« Avoir des profils plus âgés qui en ont vu d’autres, connu aussi des difficultés, ça rassure un peu quand même dans le moment qu’on traverse », observe cet ex-conseiller de la socialiste.
Mais est-ce que l’entrée en campagne de l’une de ces figures peut vraiment arriver? La question est ouverte. Dominique de Villepin avait bien essayé de se présenter à la présidentielle en 2012. Mais faute de parvenir à récolter les 500 parrainages nécessaires, il avait fini par lâcher l’éponge. Sans compter que si une partie de la gauche salue régulièrement ses positions sur le conflit entre Israël et le Hamas, la donne pourrait changer si l’ancien Premier ministre rentrait officiellement dans le jeu présidentiel.
Dans les rangs des socialistes comme des insoumis, pas grand-monde n’a oublié l’épisode du CPE en 2006. Alors chef du gouvernement, Dominique de Villepin avait le contrat première embauche, pour lutter contre le chômage de masse des jeunes, provoquant d’immenses manifestations pendant plusieurs semaines.
Sans compter plusieurs affaires judiciaires dans lesquelles son nom est apparu sans qu’il ne soit jamais condamné comme le dossier Clearstream, surfacturation pour l’entreprise Relais et châteaux, accusation d’avoir reçu, avec Jacques Chirac, de l’argent de dictateurs africains… Autant d’arguments pour pouvoir le contrer le moment venu.
« Il se fait plaisir à être dans tous les médias mais je pense qu’il est bien conscient de ses handicaps et qu’à la fin, il ne franchira pas le Rubicon », observe ainsi un député LR.
Pas leur premier ballon d’essai
Pas grand-monde au parti socialiste ne croit non plus à un retour dans l’atmosphère politique de Ségolène Royal. Fin 2016, celle qui était alors ministre de l’Environnement avait sondé le terrain après la décision de François Hollande de renoncer à se représenter. Elle avait finalement renoncé, jugeant une victoire impossible.
« On cherche quelqu’un pour se sacrifier. Il faut que la situation soit vraiment désespérée pour que ceux qui m’ont combattue me redécouvrent », avait-elle lancé dans les colonnes du JDD, après avoir finalement renoncé.
Quant à François Hollande, toujours soucieux de peser sur le destin des socialistes, son influence semble relativement modeste. C’est Olivier Faure, avec qui les relations sont glaciales, qui a été réélu à la tête du parti. L’ex chef de l’État, plutôt réticent à utiliser l’outil de la censure, n’a pas non plus convaincu les députés PS de ne pas déposer de texte pour faire tomber le Premier ministre la semaine dernière après l’échec du conclave.
Nicolas Sarkozy, lui, empêtré dans plusieurs procès, devrait de son côté continuer à envoyer des cartes postales aux Français. « Sa carrière politique est derrière, il le sait. Mais c’est un ancien président. Évidemment qu’il va continuer à s’exprimer, à dire ce qu’il pense, que ça plaise ou non à son propre camp », reconnaît l’ancien ministre Alain Marleix. En 2022, il s’était d’ailleurs abstenu de soutenir la candidate de son propre camp Valérie Pécresse, s’affichant finalement aux côtés d’Emmanuel Macron.
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